La
capillarité en action ...
J'aime
les salons de coiffure pour hommes, les conversations y sont à nulle
autre pareilles, empreintes de la dignité qui sied à celui qui a
les cheveux mouillés. N'ayant ni un cheveu sur la langue ni un poil
dans la main celle qui frappe sur le clavier, je vais vous restituer
ces propos sans queue de cheval ni tête de linotte !
Des
personnages singuliers, hirsutes mais imberbes se crêpaient le
chignon à propos de leurs professions, qu'ils prétendaient être en
vogue, dans le monde étrange de l'absurde capillaire. Ils tenaient
des propos échevelés et embrouillés et je ne parvenais pas à
démêler cet écheveau confus. Il était question d'une nouvelle
vague qui défrise, d'une frange qui prend racine et d'une « perm' »
à Nantes en des temps lointains quand sévissait encore le service
militaire aux cheveux courts...
Enfin,
je retrouvai le fil et je pus relever la tête sous le sèche-cheveux
afin de retrouver mes esprits. Ces hommes, tout en discourant des
mérites respectifs de la femme éternelle : blonde gironde, brune
commune, rousse frimousse, blanche franche ou grise soumise,
décrivaient leurs activités professionnelles qui les rendaient si
experts dans la connaissance de ces fortes têtes.
Le
premier n'y allait pas par quatre chemins. Il affirmait haut et fort
qu'il était Tireur de cheveux. Profession plus aisée dans le civil
que dans l'armée où le cheveu se porte ras. Il n'hésite pas à
proposer ses sévisses aux écoles publiques où la discipline se
relâche singulièrement tandis que le cheveu rallonge au fil d'une
mode floue. Quelques tractions capillaires sur les têtes
récalcitrantes sont du plus bel effet et l'ordre se fait dans les
rangs.
Le
second se vantait de but en blanc d'être le meilleur arracheur de
cheveux du pays. Toujours sur les dents du peigne, il sillonnait le
pays à la recherche d'une mauvaise tête qui devait se débarrasser
de sa tignasse. Il arrachait surtout les pilosités des sportifs
abusant de produits interdits. Le cheveu est, en la circonstance, un
témoin à charge des plus redoutables, un objet flottant, facilement
identifiable dans la soupe chimique ou le pot belge.
Le
troisième voyait dans son ami une brute épaisse, un méchant, un
violent. Lui, une paire de ciseaux en main était coupeur de cheveux
, tout simplement. Il s'était fait la spécialité de les couper en
quatre, le détail n'est pas sans importance car c'est lui qui tenait
salon et qui allait s'occuper de ma toison. Jamais en repos, il se
creusait la tête pour chercher le complexe là où le simple avait
sa place ! Il se payait sur la tête du client.
Le
dernier me paraissait encore plus particulier, un rien bohème sous
un air redoutable. Il était équipé d'un fouet et d'une cravache,
avait dans ses poches une multitude de flacons. Il se disait dresseur
de cheveux. Il écumait les pistes du monde entier avec un numéro
terrifiant. Il était capable, disait-il de faire se dresser les
cheveux sur la tête d'un chauve et même, j'eus beaucoup de mal à
le croire, sur celle d'une blonde péroxydée !
J'abandonnai
ces personnages. J'avais mal aux cheveux et les perdis de vue.
Les
conversations capillaires sont des sujets bien délicats. D'habitude,
l'homme se contente d'explorer les truismes de la misogynie. Il
classe, juge, affuble la femme de qualificatifs désagréables sur la
seule foi d'une teinte ou d'un reflet. De la tignasse de la pétasse
à la crinière de la panthère, il s'en faut souvent d'un cheveu
pour défaire une réputation !
Quant
au joueur de rugby, il n'aime rien tant que de chercher des poux dans
la tête de son voisin, de son adversaire du jour ou de son ennemi
intime. C'est,à bien y regarder, au risque de vous défriser, une
conclusion qui arrive comme un cheveu sur la soupe …
Capillairement
vôtre.
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