Ce
mois de janvier que je redoute tant
Une unité de plus sur le
calendrier et pendant quelques jours, un nouveau monde s'ouvre à
vous, c'est du moins ce qu'on veut nous faire croire. Encore grisés
par les vapeurs d'alcool d'une fête
délirante, nous croyons
quelques instants toutes ces promesses, ces vœux hypocrites ou
simplement factices qui ne sont que poudre de vœux de perlimpinpin …
Le plus insupportable pour
moi réside dans l'allocution présidentielle, plus indigeste que les
agapes qui vont suivre, plus vide de sens et de réalité que les
propos de campagne. Pour faire écho, les maires, les présidents de
tout et n'importe quoi feront aussi leur petit tour médiatique de la
bonne conscience annuelle. Compte tenu du coup de ces fantaisies
inutiles, voilà une tradition qui devrait bien prendre fin au nom de
la rigueur comme de la décence.
Le moins agréable ensuite
est cet échange convenu de sourires et de bises une fois l'an avec
ces collègues de travail. Ces instants m'insupportent, je ne vois
pas en quoi en ces premiers jours de janvier il faudrait se promettre
exactement le contraire de ce qu'on pense le reste de l'année. C'est
convenu, c'est toujours la même rengaine répétée sans conviction
: « Et surtout la santé ! »
Puis il y a ces gens que
l'on croise tout au long de ce mois indigeste. Ils vous tendent une
main cérémonieuse avec le plus parfait sérieux vous déclarent «
Tous mes vœux! ». Déclaration de pure forme, rituel ancré
dans une tradition de pacotille, je n'ai vraiment rien à leur
répondre. Je hais ce moment obligé qui ne signifie rien.
Il y a encore les amis, les
relations qui se fendent d'un message électronique. Je sais qu'ils
sont au cœur de la modernité quand je me refuse à user de la toile
pour de telles fadaises. Que leur répondre ? Par précaution, j'ai
une fois encore questionner et décliner ce délire des vœux. Je
pourrai leur servir en guise de réponse un billet d'humeur.
Comprendront-ils le sens de cette réponse quelque peu déplacée ?
Pratique devenue obsolète,
il y a encore quelques conservateurs archaïques qui vous adressent
une carte de vœux. Si c'est un bristol écrit d'une belle plume pour
transmettre un message personnalisé, je ne peux que m'incliner
devant l'effort et leur rendre la pareille. Si par contre, c'est une
de ces cartes si cruches qu'elle n'a aucun contenu, j'enrage de ce
gaspillage imbécile. Les bonnes intentions n'ont pas besoin
d'encourager le délire mercantile !
Il y a encore le flot des
SMS. Me refusant à l'usage de cet instrument diabolique, j'échappe
à ce tsunami de la modernité. Bien heureux, je n'aurai pas à
répondre à ces messages incomplets, mal fichus, déformés et d'une
totale vacuité. Quand on aime, on ne compte pas affirment en chœur
les opérateurs téléphoniques qui se frottent les mains d'un
phénomène parfaitement stupide. J'observe à distance ces braves
gogos penchés sur leur portable à l'instant fatidique.
Enfin, il y a les parfaits
inconnus qui pendant quelques heures vont vous embrasser comme plâtre
et vous souhaiter tous les bonheurs du monde. Rassurez-vous, quelques
instants plus tard, au volant ou bien en toute autre circonstance,
ils pourront tout aussi bien vous couvrir d'injures. C'est que la
trêve ne dure jamais bien longtemps. Notre vie quotidienne est
désormais une guerre de chacun contre tous les autres.
Parfaitement,
incurablement, définitivement misanthrope, je ne vous souhaite rien.
N'attendez pas de moi que je me fende d'un vœu ou bien d'une
révérence, ce n'est pas le genre de la maison. Je préfère garder
ma salive pour tout au long de l'année, saluer mes semblables, dire
merci à tous ceux qui me rendent un service, fut-il partie
intégrante de sa tâche et quand le cas se présente avoir toujours
un mot courtois et de réconfort pour un quidam en détresse. Les
grimaces ne sont pas pour moi, bien qu'elles soient pour quelques
jours de saison. Je ne veux m'y résoudre !
Misanthropement vôtre.
Photographies de
Yannick Bouron
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