lundi 31 décembre 2018

Le nouvel an du misanthrope.



Ce mois de janvier que je redoute tant



Une unité de plus sur le calendrier et pendant quelques jours, un nouveau monde s'ouvre à vous, c'est du moins ce qu'on veut nous faire croire. Encore grisés par les vapeurs d'alcool d'une fête
délirante, nous croyons quelques instants toutes ces promesses, ces vœux hypocrites ou simplement factices qui ne sont que poudre de vœux de perlimpinpin …


Le plus insupportable pour moi réside dans l'allocution présidentielle, plus indigeste que les agapes qui vont suivre, plus vide de sens et de réalité que les propos de campagne. Pour faire écho, les maires, les présidents de tout et n'importe quoi feront aussi leur petit tour médiatique de la bonne conscience annuelle. Compte tenu du coup de ces fantaisies inutiles, voilà une tradition qui devrait bien prendre fin au nom de la rigueur comme de la décence.

Le moins agréable ensuite est cet échange convenu de sourires et de bises une fois l'an avec ces collègues de travail. Ces instants m'insupportent, je ne vois pas en quoi en ces premiers jours de janvier il faudrait se promettre exactement le contraire de ce qu'on pense le reste de l'année. C'est convenu, c'est toujours la même rengaine répétée sans conviction : «  Et surtout la santé ! »


Puis il y a ces gens que l'on croise tout au long de ce mois indigeste. Ils vous tendent une main cérémonieuse avec le plus parfait sérieux vous déclarent «  Tous mes vœux! ». Déclaration de pure forme, rituel ancré dans une tradition de pacotille, je n'ai vraiment rien à leur répondre. Je hais ce moment obligé qui ne signifie rien.

Il y a encore les amis, les relations qui se fendent d'un message électronique. Je sais qu'ils sont au cœur de la modernité quand je me refuse à user de la toile pour de telles fadaises. Que leur répondre ? Par précaution, j'ai une fois encore questionner et décliner ce délire des vœux. Je pourrai leur servir en guise de réponse un billet d'humeur. Comprendront-ils le sens de cette réponse quelque peu déplacée ?

Pratique devenue obsolète, il y a encore quelques conservateurs archaïques qui vous adressent une carte de vœux. Si c'est un bristol écrit d'une belle plume pour transmettre un message personnalisé, je ne peux que m'incliner devant l'effort et leur rendre la pareille. Si par contre, c'est une de ces cartes si cruches qu'elle n'a aucun contenu, j'enrage de ce gaspillage imbécile. Les bonnes intentions n'ont pas besoin d'encourager le délire mercantile !

Il y a encore le flot des SMS. Me refusant à l'usage de cet instrument diabolique, j'échappe à ce tsunami de la modernité. Bien heureux, je n'aurai pas à répondre à ces messages incomplets, mal fichus, déformés et d'une totale vacuité. Quand on aime, on ne compte pas affirment en chœur les opérateurs téléphoniques qui se frottent les mains d'un phénomène parfaitement stupide. J'observe à distance ces braves gogos penchés sur leur portable à l'instant fatidique.

Enfin, il y a les parfaits inconnus qui pendant quelques heures vont vous embrasser comme plâtre et vous souhaiter tous les bonheurs du monde. Rassurez-vous, quelques instants plus tard, au volant ou bien en toute autre circonstance, ils pourront tout aussi bien vous couvrir d'injures. C'est que la trêve ne dure jamais bien longtemps. Notre vie quotidienne est désormais une guerre de chacun contre tous les autres.

Parfaitement, incurablement, définitivement misanthrope, je ne vous souhaite rien. N'attendez pas de moi que je me fende d'un vœu ou bien d'une révérence, ce n'est pas le genre de la maison. Je préfère garder ma salive pour tout au long de l'année, saluer mes semblables, dire merci à tous ceux qui me rendent un service, fut-il partie intégrante de sa tâche et quand le cas se présente avoir toujours un mot courtois et de réconfort pour un quidam en détresse. Les grimaces ne sont pas pour moi, bien qu'elles soient pour quelques jours de saison. Je ne veux m'y résoudre !

Misanthropement vôtre.

Photographies de
Yannick Bouron

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