L’épicéa
de Noël
Il
était une fois un petit arbre chétif perdu dans une grande et vaste
forêt peuplée de grands arbres fiers. Le malheureux était écrasé
par la hauteur et la puissance de ses voisins. Il avait à subir
leurs moqueries tout autant que leur mépris. Il s’en désolait
d’autant que lorsque des enfants passaient non loin de lui, ils
n’avaient pas un regard pour lui.
Le
brave petit sapin voulait qu’on lui accorde un peu de
considération, lui qui contrairement aux feuillus prétentieux
gardait ses épines toute l’année. Il en vint à les jalouser, se
mit à croire que c’est parce que, à l’automne, ils se parent de
toutes les couleurs avant de perdre leurs feuilles qu’ils étaient
ainsi l’objet de l’admiration de tous.
Il
en appela à Merlin, le mage de la nature, le brave sorcier qui
vivait non loin de là. « Gentil Merlin, accorde-moi des épines
de toutes les couleurs. Que l’on me regarde enfin ! » Merlin
s’amusa de cette requête, elle lui sembla quelque peu déplacée,
le vert sied aux arbres pour assurer la fonction chlorophyllienne,
mais le sapin était bien trop petit pour comprendre cela. Il demanda
aux lutins de la forêt de venir peindre les aiguilles de leur ami à
la condition de prendre une peinture à l’eau pour ne pas le tuer.
Ainsi
fut fait selon le désir du petit arbre. Les lutins firent si bien
que les enfants s’arrêtaient devant le sapin, s’exclamant devant
cet arbre de toutes les couleurs. Ils firent grande ronde autour de
lui. Mais l’hiver approchait, la pluie chassa tout les gamins de
l’endroit et quand ils revinrent, ses épines avaient retrouvé
leur couleur verte.
Le
petit sapin avait connu son heure de gloire, il devait s’en
satisfaire. C’est alors qu’il remarqua qu’à l’approche de
Noël, les adultes venaient dans les bois ramasser des branches de
houx et du buis pour décorer leurs demeures. Il en fut jaloux et
s’interrogea sur cette curieuse préférence. « Voilà deux
plantes qui gardent leurs feuilles, qu’ont-elles de plus que moi
? »
Il
se gratta le faîtage avant de comprendre que les petites boules
rouges devaient égailler les intérieurs austères au moment de
cette belle fête. Il sollicita une fois encore son ami Merlin.
« S’il te plaît gentil mage, demande à tes lutins d’aller
chercher des pommes de toutes les couleurs dans les bois et de les
accrocher à mes branches ! » Ce qu’on demande à Merlin
quand on est sage, on l’obtient toujours.
Les
lutins choisirent des petites pommes rouges et d’or qui donnèrent
à notre épicéa fière allure. Une fois encore, les enfants se
précipitèrent pour l’admirer. Ils s’exclamèrent avant que de
voler un à un les jolis fruits pour les dévorer. Le petit sapin se
retrouvait à nouveau nu et abandonné, n’ayant plus de raison
d’attirer l’attention.
La
Nuit de Noël arriva, le ciel se para cette nuit -là de milliers
d’étoiles. Que c’était beau, que c’était émouvant. Le petit
sapin levait les yeux au ciel. Il se dit que jamais il n’avait vu
plus merveilleux spectacle. Il eut alors une idée et une fois encore
sollicita Merlin. « Gentil mage, pourrais-tu ordonner à tes
lutins de décrocher quelques étoiles au ciel pour venir les poser
sur mes branches ? ».
Merlin
ne voulut pas contrarier l’épicéa. Dans sa naïveté, il ignorait
sans doute que l’on ne peut décrocher pas plus la Lune que les
étoiles. Il se dit qu’il pouvait mettre à l’ouvrage ses lutins
et leur demanda de découper des étoiles dans des cartons dorés et
pour faire bonne mesure, de leur associer des bougies éclairées
pour leur donner la lumière du ciel.
Les
lutins firent ainsi et le lendemain, jour de Noël, le petit sapin
brillait de mille flammes. Les enfants, qui en ce temps lointain
n’étaient pas couverts de cadeaux, avaient encore du temps après
avoir mangé le pain d’épices et l’orange qu’on leur avait
offerts, pour courir les bois. Ils se précipitèrent autour du sapin
magnifique. Lui firent des compliments pour sa beauté. Le petit
sapin était aux anges.
Les
bougies finirent par s’éteindre, les étoiles en carton doré
tombèrent elles aussi au fil du temps. Le sapin pourtant avait cette
fois conservé l’amitié d’un enfant qui avait aimé toutes ses
transformations. Il venait chaque jour lui rendre visite, lui
parlait, lui disait qu’il avait une belle idée et qu’il devait
patienter une année pour retrouver son jour de gloire.
Le
sapin était heureux. Il avait un ami. Il n’en demandait pas plus.
Le temps passa ainsi jusqu’au Noël suivant. Quelques jours avant,
l’ami du sapin arriva avec son père. L’homme avait une pelle à
la main. Il fit un grand trou autour de l’arbre, le déposa
délicatement dans une vaste caisse remplie de terre. Puis tous deux
flanqués du sapin, rentrèrent chez eux.
Durant
cette curieuse journée, le gamin accrocha des pommes de toutes
couleurs sur les branches de son ami, il ajouta des brins de laine
pour retrouver les couleurs de l’automne et découpa à son tour
des étoiles dorées. Il fixa aussi quelques bougies et ainsi fit le
premier sapin de Noël. La maison de l’enfant brillait dans la
nuit. Tout autour, des curieux vinrent regarder par la fenêtre cet
arbre qui donnait de la couleur à la plus longue nuit de l’année.
Parmi
eux, Merlin vint lui aussi faire le curieux, flanqué de ses lutins.
C’est l’une de ses petites créatures qui glissa quelque chose à
l’oreille du vieux magicien. Le temps était passé pour lui de
créer le monde. Il s’ennuyait depuis quelques temps et la belle
idée du lutin fit son chemin. L’année suivante, la nuit précédant
Noël, toutes les maisons du pays avait leur sapin décoré. Des
sapins dans des caisses remplies de terre afin de les replanter
ensuite.
Merlin,
quant à lui s’habilla d’une grande cape rouge, demanda à ses
lutins de préparer des pains d’épices et des oranges pour tous
les enfants du Monde. Toute la nuit, là où un sapin était décoré,
il déposa à ses pieds quelques friandises pour les gamins de la
maison. Merlin n’était plus, il devint ce soir-là le Père Noël,
il restait un gentil magicien et cette fois, il aurait désormais du
travail pour les temps à venir.
C’est
ainsi que cette merveilleuse histoire n’aurait jamais débuté si
un petit sapin n’avait pas voulu se faire beau. Merlin retint la
leçon et mit désormais comme condition pour récompenser les
enfants qu’ils aient été sages durant l’année. J’espère
qu’il n’a pas oublié cette réserve, de nos jours, ils ont trop
tendance à penser que tout leur est dû.
Sylvestrement
leur
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