Une
enquête du Bonimenteur.
Il
était un temps d'avant notre ère où les hommes, contrairement à
l'image archaïque et guerrière qu'on veut bien nous en donner,
pratiquaient déjà le commerce à travers l'Europe. Au cœur de
l'âge de bronze, la matière première était double, le cuivre et
l'étain. Couler un bon bronze demandait donc un métal qui ne se
trouvait pas en Méditerranée.
C'est
en Cornouailles grande bretonne que l'essentiel du minerai était
exploité. Le chemin était fort long pour aller jusqu'en Grèce,
siège de la civilisation de l'époque. C'était à qui trouverait la
voie la plus pratique pour acheminer le précieux minerai. Une course
de l'airain fut ainsi organisée par nos ancêtres, il y a environ 4
500 ans.
Les
plus fougueux Gaulois se mêlèrent aux Grands Bretons, aux Romains,
Grecs, Phéniciens et quelques inévitables Barbares qui décidèrent
de se lancer dans l'aventure. C'est un petit matin, jour d'équinoxe,
environ deux mille ans avant notre ère que fut donné le départ de
cette course qui allait décider du sort du commerce bronzé.
Les hommes de cette époque, comme ceux d'aujourd'hui, pensaient tous
posséder la science infuse. L'équipe Phénicienne, composée
d'excellents navigateurs opta pour le voyage au long cours. Ils
longèrent les côtes gauloises, firent le tour de la péninsule
ibérique et franchirent le détroit de Gibraltar avant que de se
retrouver dans leur jardin, leur chère mer intérieure. Une belle
ballade marine qu'ils firent en essuyant quelques grains et de
grandes avaries.
Les
Romains, toujours les plus malins, se lancèrent dans une toute autre
direction. Rois de la ligne droite, ils se souciaient peu des
difficultés. Aucun travail ne rebute l'enfant de Rome et rien ne
doit entraver sa volonté. Ils traversèrent bien vite la Manche en
se promettant d'y revenir bientôt. Puis, ils prirent la route à
travers la campagne pour rejoindre Phocéa, le lieu d'arrivée. Il y
avait sur leur route des régions bien inhospitalières et tout
Romains qu'ils étaient, durent s'avouer vaincus devant les Arvernes.
Les
Grecs, toujours rusés, pensèrent qu'il était possible de rejoindre
la Seine. Les circonvolutions de ce fleuve ne les effrayaient pas.
Ils connurent pourtant mille maux pour avancer sur ce fleuve, qui ne
cessait de tourner, rendant la navigation à la voile impossible. Ils
perdirent aussi beaucoup de temps en s'offrant une halte touristique
à Lutèce. Puis il leur fallut regagner la Saône en coupant par
Vix. Ils avaient présagé de leurs forces et durent s'avouer
vaincus. D'autres étaient passés avant eux.
Les
Barbares optèrent pour la voie terrestre. D'eux, malheureusement,
nous perdîmes bien vite toute trace. Rester soudés en équipe était
déjà une aventure pour eux. Accepter une traversée pacifique de
contrées inconnues fut au-dessus de leurs forces. Quelques
exactions, des conflits intestins, de belles ripailles les laissèrent
en rade. Jamais on ne revit cette vaillante équipe. Il se murmure
qu'ils élurent domicile en Armorique ce qui explique le caractère
des gens de ce pays.
L'équipe
Ibérique prit l'option grand sud. Elle plongea jusqu'à l'estuaire
de la Garonne. Elle remonta le fleuve avant que de s'offrir une
traversée complexe entre Toulouse et Narbonne avant que de reprendre
la mer pour arriver au port. L'idée n'était pas mauvaise même si
la partie terrestre fut bien rude. Ce n'était pas une hérésie de
passer si bas mais eux aussi trouvèrent sur leur chemin un vent
d'autan qui leur coûta la victoire.
Car
voyez-vous, ceux qui sortirent vainqueurs de cette course de l'étain
furent nos valeureux gaulois de la tribu Liger. Ils firent bien vite
le tour de la Bretagne petite avant que de retrouver l'estuaire de la
Loire. En ces temps heureux, le vent de Galerne soufflait avec
vigueur. Il poussa l'embarcation de nos héros jusqu'aux confins du
pays Carnute. Puis ils tirèrent leur bateau pour rejoindre le pays
des Éduens. Ils eurent à franchir le seuil de Tarare par voie
terrestre de Balbigny à Anse, 57 km pour rejoindre la Saône. De là
ils prirent le Rhône et arrivèrent bons premiers à Phocéa.
Comprenez que cette histoire resta secrète !
C'est
la route qui à l'époque et pour longtemps encore fut choisie pour
conduire le cuivre et l'étain vers la Méditerranée. Dans l'autre
sens, les hommes qui n'aiment rien moins que de faire des voyages à
vide, transportèrent des épices et des étoffes, bientôt des vins
et parfois des soldats. La route de l'étain était ouverte et toutes
les autres ne sont que des itinéraires perdants, des voies de
seconde zone. Il n'est pas à en démordre, c'est la vérité vraie,
vous pouvez m'en croire puisqu'elle passe par la Loire.
Étameurement vôtre.
Illustration
Le Trésor de Neuvy en Sullias
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