Mes
semelles devant …
Chaque
jour apporte une variation, une anicroche, une anecdote, un
contretemps, une surprise. Je me sers la plupart du temps seul
puisque je ne trouve pas vraiment dans le pays réel l'accueil que
j'espérais bien naïvement à mon départ.
Depuis
la Creuse, je bénéficie d'un peu plus d'aide que dans nos
départements centraux (en dehors des amis qui m'ont accueilli). Ici,
on m'a donné deux canettes de soda pour étancher ma soif, là deux
gâteaux maison pour apporter ce surcroît d'énergie, un fois je fus
invité à manger, ce soir on m'a donné un bol de taboulé.
Mais
la porte qui s'ouvre, cela pas vraiment. La France a perdu son devoir
de charité que ne manquerait aucune famille maghrébine auxquelles
on se plaît tant à donner des leçons. La part du pauvre, du
mendiant, du cheminot n'est plus dans notre patrimoine et si notre
grand président invite à sa table des français moyens, c'est
uniquement pour avoir un nouvel espace télévisuel en lieu et place
de celui de la garden-party.
Nous
nous sommes enfermés sur notre petit écran, notre égoïsme,
nospeurs fabriquées par des esprits retors qui ont tout à gagner en
scindant le tissu social en mille fragments étanches. Nous nous
sommes oubliés les uns les autres à trop regarder jalousement ce
que s'était offert le voisin, combien il gagnait et où il allait en
vacances.
Le
débat sur l'identité nationale a bien sûr omis de réfléchir ce
qui autrefois faisait lien et que les tenants de cette société de
la cupidité ont volontairement atomisé pour profiter toujours plus
de la situation face à des individus de plus en plus démunis.
Je
marche et j'espère encore trouver des espaces préservés, des gens
qui échapperont à cet anéantissement du génie national. Je sais
que partout, ces gens existent et ce n'est nullement le propos que je
souhaite tenir. Ce qui m'atterre c'est de n'en point trouver au
hasard
de
ce chemin.
Il
a fallu qu'on m'indique l'existence de Jules et de sa femme pour les
trouver sur ma route. J'ai du frapper à la porte de Georges et
d'Anne-Marie pour découvrir des trésors de générosité. J'ai
encore pousser la porte grande ouverte du brin de zinc pour découvrir
des gens d'exception.
Mais
personne dans la rue ne m'a soufflé à l'oreille : « Nous
aimerions bien vous aider, mais pour nous c'est vraiment difficile.
Allez donc chez un tel, il se fera un plaisir de vous recevoir ! »;
Car voyez-vous, pour faire cela, il faut déjà regarder celui qui
passe et ne pas attendre qu'il sollicite un regard, un conseil, une
indication.
Je
craignais que la France de notre Grand Président subirait le
contre-coup de sa politique aberrante. Je me suis trompé une
nouvelle fois encore. C'est parce que collectivement nous sommes
devenus ainsi qu'une majorité d'entre-nous a accepté cette image
déformante de nos propres fantasmes vis à vis de l'argent, de la
femme et du pouvoir.
Il
est le paradigme de notre nouvelle France et non point le responsable
d'une perte de nos valeurs collectives et humaines. Je lui adresse
mes plus plates excuses pour lui avoir attribué un pouvoir de
nuisance qu'il n'a peut-être pas !
Je
vais me traîner sur une seule savate jusqu'à Meymac, la plus grosse
bourgade où j'ai une chance de trouver chaussure à mon pied. Je
n'attends ni aide ni réconfort, je sais maintenant que c'est chacun
pour soi pour gagner plus ou ne pas en perdre davantage. J'allais la
rencontre des humains mes semblables, j'ai découvert le fond d'un
abîme insondable : « Nous et nos petits égoïsmes si mesquins
… »
Désabusément
vôtre.
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