La
Loire Rebelle
de
jean Rivier
Il y a sans doute bien des
biais et des approches pour évoquer les crues de la Loire. Avec une
classe, il convient sans doute de commencer par se promener le long
d’un quai et d’examiner les traces rouges et ces dates inscrites
là et que ne peuvent laisser indifférents. Il y a ensuite quelques
dossiers pédagogiques de qualité qui permettent d’aborder les
causes et les conséquences, les effets et les travaux mis en place
par les hommes au fil des siècles pour se prémunir de ce qui fut
souvent vécu comme une catastrophe.
Nous nous contenterons de
citer ce document particulièrement complet si vous souhaitez vous y
référer et approfondir le sujet pour vous ou avec des élèves :
Nous pensons qu’une
approche romanesque permet sans nul doute une plus grande
sensibilisation à cette incroyable aventure humaine que doit être
une crue centennale même si notre génération a eu la chance
jusqu’à présent d’en réchapper.
C’est à ce titre que
nous ne pouvons que vous encourager à lire et à travailler à
partir du lire
« La Loire Rebelle »
de Jean Rivier aux éditons Granvaux qui évoque au jour le jour sur
un petit secteur autour de Saint Benoît-sur-Loire la crue de 1846.
Vous aurez ainsi du
dimanche 18 octobre au dimanche 8 novembre un aperçu des inquiétudes
naissantes, de la propagation des informations, des criantes et des
comportements irrationnels, des peurs et des douleurs, des actes de
courage et des désastres, des drames humains et matériels qui sont
le cortège d’un phénomène aussi violent.
Puis la vie reprend ses
droits et vous suivez également la suite des conséquences jusqu’au
printemps 1847 dans un récit haletant, merveilleusement documenté
qui vous plonge véritablement dans l’actualité locale de
l’époque.
Survolons ce récit pour
vous donner envie de vous référer si vous avez envie de mieux
toucher du doigt la réalité d’une crue centennale, loin des
clichés et des idées reçues.
Dimanche 18 octobre 1846
C’est le temps des
premières rumeurs. Les moyens de transmission de l’information ne
sont pas ceux d’aujourd’hui pourtant les oiseaux de mauvaise
augure annoncent l’arrivée prochaine d’un monstre d’eau et de
boue. Des nouvelles alarmantes arrivent de Nevers, d’autres plus
récentes évoquent ce qui se passe en Haute-Loire mais tout ceci ne
sont alors que rumeurs folles. À Saint Benoît c’est la
consternation et l’angoisse.
Lundi 19 octobre 1846
Des confirmations arrivent
de partout. La Haute-Loire est sous les eaux, l’Allier est en crue.
Les petits affluents de la Loire débordent à leur tour. Les pluies
dans les Cévennes ont gonflé leurs cours. Les plus optimistes
haussent les épaules, là-haut ce sont des montagnes, ici on ne
craint rien. D’autres lèvent les yeux au ciel pour lui adresser
leurs premières prières.
Mardi 20 octobre 1846
Des informations arrivent
par la route de Cosnes et de Gien. Cette fois, il ne faut plus
douter. La Loire va apporter son lot de malheurs. Il convient
désormais de s’y préparer, de sauver ce qui peut l’être et
d’évacuer ceux qui sont en danger. Toutes les inquiétudes se
tournent vers la levée ; « Tiendra-t-elle ? »
Mercredi 21 octobre 1846
Des hommes ont passé la
nuit sur la levée à surveiller, à renforcer les protections. Ils
sont épuisés. Les premiers sinistrés sont accueillis par le curé
de Saint Benoît, la solidarité s’organise. De mauvaises nouvelles
arrivent des villages voisins, Sully est sous les eaux mais que faire
? Partout ce sont les mêmes nouvelles, Chateauneuf, Germigny,
Orléans même à son tour. Mais pour l’heure, chacun doit penser à
lui et à sauver ce qui peut l’être encore.
Jeudi 22 octobre 1846
La
pluie a enfin cessé dans un décor apocalyptique. Les levées qui
n’ont pas rendu forment un chemin au milieu des terres inondées et
de la rivière en furie. Des mariniers réalisent de véritables
actes de bravoure pour porter assistance aux gens isolés, leur
porter du ravitaillement au péril de leur vie. De fausses
informations sont propagées par la presse parisienne semant un peu
plus le trouble dans les populations en grand désarroi.
Vendredi
23 octobre 1846
L’eau
baisse. C’est la bonne nouvelle tandis que les dégâts
apparaissent désormais au grand jour. Ils sont immenses, maisons
détruites, bétail noyé, récoltes anéanties. Des victimes isolées
sont à signaler ici ou là. De braves gens ont tout perdu et les
maisons ne seront guère habitables dans l’immédiat. Des barques
continuent sur des flots toujours tumultueux à venir aux nouvelles
dans les fermes à la seule force des bourdes, c’est incroyable !
Samedi
24 octobre 1846
L’eau
s’est considérablement abaissée, les terres apparaissent par
endroit dans le Val qui durant quelques jours n’était d’un
immense lac. La Loire semble vouloir prochainement retrouver son lit.
Partout c’est la désolation. Quand l’eau se retire, elle laisse
boue et destruction derrière elle. Pas une cité ligérienne n’a
été épargnée. La Loire a frappé cruellement la diablesse !
Dimanche
25 octobre 1846
C’est
bientôt le retour à la normale. Il faut déjà penser à la suite,
à cet hiver à passer dans des maisons qui ne vont pas avoir le
temps de sécher. Il faudra se nourrir et donner du fourrage aux
bêtes. Mais comment faire ?
Lundi
26 et mardi 27 octobre 1846
C’est
le temps du bilan et du travail. Les routes sont enfin rouvertes. Il
faut s’organiser. Un ingénieur des Ponts et Chaussées vient
spécialement du Rhin pour entreprendre les travaux d’urgence sur
les ouvrages d’art. Chacun s’active d'arrache-pied en dépit de
la fatigue accumulée. Le temps n’est plus au désespoir. Il faut
aller vite.
Mercredi
28 octobre 1846
Les
prairies sont inutilisables tandis qu’on enterre les morts. Les
derniers réfugiés regagnent ce qui reste de leurs demeures. La vie
reprend ses droits.
Jeudi
29 octobre 1846
Nouvelle
alerte. La Loire refait de siennes. Elle forcit à nouveau. Une côte
de 2 mètres 30 est annoncée par les gendarmes. Ce n’est rien par
rapport à ce qui a été supporté même si c’en est trop en ce
moment. C’est l'abattement de nouveau. Fort heureusement ce n’est
qu’une erreur de la préfecture qui a fait une faute de frappe,
rien que ça. La hauteur annoncée n’est que de 0,30 m.
…
Nous
ne pouvons que vous conseiller de suivre heure par heure ce
feuilleton qui dit bien plus à notre avis sur la crue du point de
vue des humains qui la subissent que des rapports circonstanciés
sans cette dimension. En espérant que jamais nous n’ayons à notre
tour à vivre pareil épisode.
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