mardi 26 juin 2018

Tracer la route.



En marche.



Marcher ! La belle activité que voilà. Marcher sur l’eau pour fendre la foule et sortir indemne des flots en furie. Marcher sur des œufs dès qu’il s’agit d’aborder les chemins de traverse. Marcher le nez au vent, se jouant des difficultés en comptant sur sa bonne mine et en profitant de l’air du temps. Marcher en donnant une main charitable ou bien une main protectrice ; penser qu’à deux, tout est mieux et croire en sa bonne étoile.

Marcher pour aller de l’avant sans se retourner. Avoir le regard au loin ; rêver de nouveaux horizons ; croire que tout est possible ! Marcher sur les mains pour ne pas s’y prendre comme un pied ; jouer les funambules et espérer ne pas tomber à la première tempête. Marcher en suivant son propre chemin ; loin des itinéraires tracés par les anciens.

Marcher sur tous les autres ; leur passer sur le dos ; les écraser par la puissance d’un mouvement qui ne connaît pas encore sa force. Marcher, c’est encore ne pas oublier de mettre un pied après l’autre, sans brûler les étapes ni sauter à pieds joints sur quelques obstacles qui se dressent sur votre route. C’est éviter d’aller à cloche-pied quand on prétend rester centré sur son objectif.

Marcher, c’est encore prendre soin de ses arpions. Enfiler de bonnes godasses, choisir des chaussettes sans couture, soigner sa plante des pieds avant que les blessures ne surgissent. L’ampoule est redoutable ; l’œil de perdrix menace ; l’ongle s’incarne et la corne se forme. Le marcheur doit conserver le pied léger, la démarche souple et ample. Il convient de ne pas prendre ces conseils par-dessus la jambe, fût-elle légère et tonique !

Marcher, c’est surtout ne jamais reculer devant l’obstacle. C’est sauter la barrière, gravir la montagne, garder le cap, filer sa route, passer les nids de poule, effacer les dos d’âne. C’est maintenir le rythme, aller d’un pas léger vers la prochaine destination. C’est la marche en avant : celle qui ne se pratique pas au pas.

Marcher d’un bon pas, balancer les bras en rythme, conserver la tête droite en toute circonstance. Marcher sans emprunter les traces de ses devanciers qui se sont perdus en chemin. Creuser son sillon, faire de son parcours une voie royale, aller toujours plus loin, d’un pas qui ne sera jamais celui du sénateur.

Marcher, la belle idée que voilà, quand on souhaite éviter l’immobilisme ou pire encore, la régression, les reculades, les pas de côté ou bien les emballements. Il ne convient pas de courir après la gloire ; le marcheur avance, serein, vers son destin. Il chemine, pérégrine, déambule, se promène, flâne parfois, mais toujours, il progresse sans revenir en arrière.

Faut-il une canne ou bien un bâton, un bras sur lequel s’appuyer, une étoile à suivre ou bien horizon à dépasser ? Est-ce besoin de se donner une carotte pour continuer à marcher ? Le marcheur est têtu, obstiné, infatigable. Il ignore les douleurs, dépasse ses limites pour décrocher la lune ou bien réaliser son rêve. Il se refuse aux fausses pistes comme aux impasses ; du moins le pense-t-il.

Chaque pas supplémentaire s’inscrit dans la volonté indéfectible de faire bouger l’humanité tout entière. Le marcheur a beau avoir la tête dans les étoiles, il n’est pas un rêveur : il se fait un honneur de garder les pieds sur terre. Sa quête le conduit à rejoindre l’autre, où qu’il soit, quel qu’il soit, pour faire un petit bout de route avec lui. Le marcheur partage son chemin ; il salue toujours ceux qu’il croise et prend le temps de discuter avec ceux qui restent au bord de la route.

Le marcheur n’est pas un homme pressé, ou bien il n’a rien compris, et finira, tôt au tard, par se prendre les pieds dans le tapis, à moins qu’il ne manque une marche et se retrouve le nez dans la poussière. Voilà ce que doit savoir celui qui se met en marche ; et point n’est besoin d’un bon coup de pied au cul pour se mettre ainsi en mouvement, avec un peu de plomb dans la tête et les idées claires. Quant à toi, marcheur suprême, sache qu’il conviendrait de ne pas nous faire marcher : nous n’aimons pas qu’on nous monte sur les pieds ou qu’on nous abandonne en chemin !

Pèlerinement sien.


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