Le
Val d’Or en majesté
Il
est un petit coin de Loire que j’affectionne tout particulièrement,
un hameau de pêcheurs, quelques maisons installées fièrement face
à la rivière, bravant les dangers et les menaces d’un passé dont
les stigmates sont marqués de traits rouges accompagnés de dates de
terrible mémoire. L’authenticité est au cœur de l’endroit, la
beauté des méandres tout autant. L’envie vous prend de vous
approcher de l’eau, de vous perdre dans ses reflets argentés
tandis qu’en face, la basilique, somptueux vaisseau immobile vous
invite à la méditation et à l’admiration.
C’est
là que tout a commencé avec ce Moulin de bel Air qui me tendait ses
bras et m’invita à écrire le premier conte, fondateur s’il en
est et à partir duquel, avec une intuition dont je ne parviens
toujours pas à comprendre le sens, je créai le personnage que je
suis devenu. La légende du Juif Errant inspira ce récit qui déborde
du cadre chronologique pour mettre un pied dans l’éternité, cette
notion qui va si bien à notre Dame Liger.
La
briqueterie impose elle aussi sa grande carcasse, agrippée à la
levée, elle pointe sa cheminée comme un défi aux forces des eaux.
Elle a depuis longtemps renoncé à sa fonction même si quelques
romanciers en mal d’imagination sans doute, en firent le théâtre
d’une invraisemblable mise en scène macabre. En contre-bas :
la fermette d’un compagnon d’enfance, un lieu qui propose un gîte
que je vous invite à découvrir.
Tout
à côté, un conteur, un ami de Jean-Louis Boncœur, un homme au
regard clair et à la présence de seigneur qui, toujours flanqué de
ses chiens, arpente les berges. Demandez lui donc de vous dire un
texte sur sa chienne Fidèle, vous en aurez les larmes aux yeux,
tandis que le diable d’homme vous servira une rasade d’un ratafia
qui vous donnera le rose aux joues. Il vous parlera alors de sa
Loire, car chacun ici s’accapare la rivière, se l’approprie pour
l’aimer à sa façon.
À
deux pas de là, le perré chanté par Maurice Genevoix dort encore
sous les hautes herbes. Le lieu dit Bouteille était alors l’endroit
le plus poissonneux du coin. Une rue de la Boîte à Pêche évoque à
la fois le souvenir du grand écrivain et de cette période faste.
C’est ici encore, que la Loire disparaît en partie sous la terre
pour ressortir une trentaine de kilomètres plus loin dans sa
résurgence du Loiret. L’endroit est magnifique, chargé
d’histoires et de récits qui chantent notre Loire.
Plus
loin, une croix de fer nargue le soleil couchant. Elle est le témoin
d’une des heures tragiques de la marine de Loire, l'embâcle de
1812. En cet hiver terrible, les eaux étaient devenues une montagne
de glace, emprisonnant des embarcations qu’elles finissaient par
broyer, l’équipage avec. Louis Groslier, dit Tibi, de
Saint-Thibault-sur-Cher était un marinier allant son train avec
toute sa fortune embarquée sur son chaland. Il fut pris au piège de
glace comme ses collègues. Lui seul a pu échapper, ses prières à
Saint Nicolas étant exhaussées. D’autres affirment qu’il avait
quelque raison secrète de pouvoir ainsi en sortir vivant mais
qu’importe, il tint sa promesse et revint dresser cette croix qui
demeure un témoin privilégié d’un passé révolu.
À
quelque distance de là le petit village de Guilly est si fragile en
contre-bas de la levée. Comme bon nombre de bourgs du Val, il fut
victime des brèches de la digue quand les crues poussaient trop
fort. C’est là, à la sortie de sa belle petite église rustique,
que le caquetoire bruisse encore des récits d’autrefois. Prenez la
peine d’aller y tendre l’oreille pour percevoir l’esprit de ce
pays.
Je
vous attends en compagnie de Nathalie Rivierre, la
si bien nommée, chargée des découvertes multi-patrimoines
en Sologne, les fameuses « Cheminades » de l’Office de
Tourisme du Val de Sully pour
une balade racontée et contée le samedi 16 juin à 9 H 30 devant le
moulin de Bel Air. Un voyage dans le temps et l’histoire, un récit
à deux voix, l’une sérieuse et historique, l’autre plus
légendaire et fantaisiste pour une randonnée de quelques kilomètres
dans un des plus beaux cadres de notre Val de Loire. L’après-midi,
la fête du Moulin vous permettra de monter dans ce merveilleux
ancêtre de bois qui reprend vie quand ses ailes tournent. Vous aurez
ainsi le sentiment d’être dans un navire sur la rivière. Nous
comptons sur vous, venez avec un panier repas. Le tarif est de 3,50€
pour la sortie et les réservations peuvent s’effectuer par
téléphone au 02 38 36 23 70 (Office de Tourisme à
Sully-sur-Loire).
Programment
vôtre.
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