lundi 19 février 2018

Rituel païen.


Vous passerez bien boire l'apéritif !


  
    Les vacances, les belles soirées de printemps, les fins de semaine sont autant de prétextes à lancer à la cantonade, au voisinage ou aux amis cette magnifique phrase qui ouvre les portes de tous les excès : « Vous passerez bien boire l'apéritif ! »

    Nul ne peut présager de la tournure que prendra l'invite. Parfois, la cérémonie tourne court, les hôtes demeurent étrangement calmes, se limitent à un verre prétextant à juste titre une prise de volant, un départ matutinal, une semaine chargée qui a laissé de vilaines traces. D'autres fois, sans que l'en s'en rende vraiment compte, l'affaire tourne à la bacchanale. Plus rien n'arrête les buveurs qui perdent alors tout contrôle d'eux-mêmes. Entre ces deux extrêmes, il y a une grande variété de situations ivresse et variée du fameux apéritif dinatoire jusqu'à l'impensable : « Vous resterez bien manger les restes avec nous ! »

    Il nous appartient d'examiner ce rituel qui se pense Gaulois tant qu'il est encore autorisé de boire quelques verres entre amis. Les temps sont durs et notre gouvernement à la fâcheuse tendance de vouloir s'immiscer dans nos pratiques quotidiennes, histoire de faire de notre vie ici, un immense torrent de larmes pour que quelques nantis vivent leur vie de Cocagne !

    Tout commence par les préparatifs. Voilà une lapalissade qui ne préjuge rien de bon sur ce que nous allons boire. Par précaution plus que par goût, la plupart des fidèles se tournent vers des amuse-gueules tous prêts. C'est le grand n'importe quoi de la calorie, du sel et du manque de saveur. Cacahouètes, pistaches, noix de cajou, ships  et affreuses saucisses de Francfort trônent sur la table pour le plus grand désespoir de l'esthète. Il y a tant mieux à proposer à notre gourmandise picoreuse.

    Le crudivore aime à marier les légumes entre couleur et saveur. Le concombre n'avance pas masqué mais conserve sa peau pour agrémenter l'assiette et la digestion. La carotte se prête au jeu des formes qui se tiennent ; du bâtonnet à la rondelle, de la fleur à la roue dentée, le radis se conjugue lui aussi de toutes ses variétés, le chou-fleur apporte un peu de poésie. Le diététicien ne trouve pas à redire à ces préliminaires.

    L'éternel Gaulois ne peut se satisfaire de cette entame de raison. Il se précipite sur la cochonnaille comme la vérole sur le clergé. La saucisse -sèche, l'andouille de Vire, le jambon de Bayonne sont les indispensables de cette étale de charcutier. Le cholestérol rôde sournois, au coin de la planche à découper ! Les régionalistes aiment à apporter le grain de terroir, le foie gras y joue le rôle titre mais a rien n'échappe à la diversité de nos provinces.

    La cuisinière ou le maître queux se mêlent aussi de la chose. La pâte feuilleté se joue de toutes les chausse-trappes pour agrémenter tout ce qui peut traîner en réserve. Du crottin de Chavignol à la sucrine du Berry, des fromages de notre France aux produits de la mer, il est possible de passer au four l'ensemble de la production nationale de qualité.

    La table ploie sous les possibles, il faut néanmoins trouver une place pour les prétextes de la fête. Ici, point de produits vendus par l'ami Charles Pasqua. Seul le vin a droit de cité. Tricolore, il réveille la fibre patriotique de celui qui a depuis toujours offert son foie à la viticulture française.
Blanc- Rosé, Rouge, avec ou sans bulles, sec ou doux, nature ou cuit, fermenté d'épines noires, d'oranges amères, de noix vertes ou de feuilles de pêchés le vin est au centre de la table en majesté.

    Il tolère quelques crèmes de cassis ou de mûres, de framboises ou de safran pour aller sur des chemins de traverses. Mais le « nature » est la plus belle des manières d'honorer le Nectar des Dieux que nous allons devenir au fil de la soirée. Quelques verres, bus nécessairement avec modération vont libérer la parole et colorer les joues. À la vôtre !

    Épicuriennement vôtre.



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