dimanche 4 février 2018

Jésus, un cœur à prendre …


Le commerce de la crédulité.



Nous sommes au XVII° siècle en notre bonne ville d'Orléans. La confrérie des marchands naviguant sur la Loire et les rivières allant à icelle, est à son apogée. La cité johannique est la plaque tournante du trafic des marchandises pour le royaume de France. La prospérité pour quelques-uns, beaucoup de travail pour les autres : la répartition habituelle dans les sociétés opulentes.

L'esprit est au négoce, à l'industrie et à l'initiative pourvu qu'elle soit fructueuse. Les quais grouillent d'agitation ; on négocie, on échange, on vend, on se vend. Ce sont les dernières années glorieuses ; bientôt, la révolution industrielle changera la donne mais pour l'heure, les esprits sont tous tournés vers le négoce.

Les Carmes déchaux, une noble institution monacale ayant couvent sur rue, n'échappe pas à cette effervescence locale. Pour être religieux, nos braves moines n'en sont pas moins des hommes soucieux des biens terrestres tout autant que de leur salut céleste. Ils sont gagnés eux aussi par la fièvre affairiste régnant sur une ville qui profite à plein régime du commerce triangulaire.

Sous une robe de bure, la macération du célibat peut parfois provoquer quelques étincelles. Un moine anonyme échafauda un plan machiavélique pour apporter des revenus à sa confrérie. C'est sans doute l'image du triangle qui le guida vers le montage d'une combinaison peu glorieuse mais fort juteuse. Nous allons vous la narrer ici.

L'époque est rude pour celles qui veulent se marier. La dot impose bien des privations ; le choix de l'époux relève plus de la relation d'affaires que de l'histoire de cœur, du moins dans la petite et la grande bourgeoisie. Pour bien des jeunes filles, le couvent sera bien souvent le point de chute après des déboires et des déceptions.

Notre bon moine, averti lui-même des dégâts de la macération intime, se dit qu'il y a là gisement financier inexploité. Puisque l'époque est aux grandes explorations, lui, va investir les chemins tors de l'âme humaine. Il sera le marieur du Christ. Une ambition sans limite, un joli coup financier, un belle arnaque ; chacun jugera de la chose selon sa grille de lecture personnelle.

Notre Seigneur qui est aux cieux est un parti qui peut toucher le cœur de nombreuses femmes, confites en religion, faute d'avoir trouvé un époux quand elles étaient encore attirantes. Ces dames ont des biens ; elles ne savent même plus qu'en faire, n'ayant pas beaucoup de raisons de dépenser sans compter. Le denier du culte ne suffisant plus ; il faut leur offrir un produit plus attractif.


Aidé par quelques collègues versés sur les contrats en tout genre, notre entrepreneur se lance alors dans la création d'une agence matrimoniale céleste. La belle idée que voilà ! Jésus en son royaume n'émettra certainement aucune plainte ; il se laissera marier sans rien dire. Ce sont les biens terrestres qui préoccupent les Carmes.

L'abbé Pataud qui n'était pas si maladroit, a exhumé les contrats que ces maudits moines avaient mis au point pour aspirer l'argent des naïves et des dévotes célibataires. Que ceux qui refusent de se rendre à l'évidence passent leur chemin ; la vérité est parfois très rude quand elle dévoile les tréfonds de la conscience humaine. Je vais vous livrer ici les termes exacts de cet échange de contrat.

La dame en mal de mari recevait à sa demande un engagement qui était de nature à lui faire perdre la tête. Jugez-en vous-même ! «  Je, Jésus, fils de Dieu vivant, époux des âmes fidèles, prends ma fille Germaine Démarais pour mon épouse. Je lui promets de ne jamais l'abandonner et je lui promets fidélité ... ». Il y avait de quoi se pâmer, n'est-ce pas, tout en espérant très fort sa place à la droite de son futur époux au paradis !

La pauvrette avait cependant une petite obligation à remplir avant que de découvrir enfin le septième ciel. Une telle perspective mérite bien un sacrifice ; elles furent nombreuses à céder aux chants de ces étranges sirènes célestes. À son tour, la future épouse devait envoyer une missive à son cher Jésus : «  Je, Germaine Démarais, indigne servante de Jésus, prends Jésus comme époux et lui promets fidélité … en foi de quoi, j'ai signé de ma propre main ce contrat irrévocable en présence de la très Sainte Trinité. Je m'engage par la présente à verser une dot à l'indigne secrétaire mandataire de Jésus et à toute sa cour céleste qui la lui fera parvenir en temps voulu. »

Ainsi, les Carmes d'Orléans se firent fort de marier Jésus à tour de bras et de contrats frauduleux. L'affaire était juteuse et si bien menée, que les dames victimes de cette supercherie n'avaient plus que les yeux pour pleurer. Nous pouvons rire de la farce ; il n'est pas certain cependant que pareilles duperies n'aient pas cours de nos jours. Nul n'est jamais à l'abri des esprits vénaux ; il y a même des maladies qui s'attrapent ainsi !

Notarialement leur

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