Spécial Salon de l'agriculture
Chaque jour dans nos beaux pays
d'élevage, ceux qui respectent leur cheptel, le métier et
l'environnement, se noue un drame afin que l'homme des villes
industrielles puisse jouir à loisir de sa ration quotidienne de
protéine animale. Ici le chapon perd son honneur, là le cochon se
fait du mauvais sang, plus loin le veau abandonne sa bonne mère
laitière.
Je vais vous narrer la triste et
édifiante histoire du matricule 1261 qui se sacrifia à la gloire du
label rouge et des derniers gastronomes qui ne supportent pas la
viande hormonée. Cette histoire débute un jour de mars 2009. Un
éleveur anxieux fait les 100 pas dans une étable du Ségala. La
délivrance survient en ce petit matin brumeux et le bal des
formalités administratives débute.
Dans un pays où plus rien ne doit
échapper aux fourches Caudines d'un big brother informatique, le
veau ne déroge pas à la règle générale. Encarté, fiché, suivi
à la loupe, vacciné, …, l'anthropométrie nationale veille à ne
rien laisser passer au travers de ses filets.
L'heureux naisseur envoie
immédiatement un message électronique à un regroupement officiel
pour signer l'heureux événement et recevoir en retour un feuillet
informatique en 4 exemplaires pour lui signifier le matricule de
baptême de son rejeton de veau. Cette bête de choix se nommera 1261
puisque les arcanes administratives en ont décidé ainsi !
Sa vie va suivre son cours sous sa
bonne mère aimante, pas très loin de son père génétique bien
indifférent, il faut le reconnaître à sa progéniture. Ici,
l'inséminateur estampillé n'est pas le seul à jouir du privilège
de l'engrossement. Il doit affronter la concurrence bovine d'un mâle
souverain en son troupeau.
Les jours passent entre le pré à la
belle saison et l'étable quand les jours raccourcissent. Il se pique
de quelques caprices vétérinaires : une grippe qui s'impose à
tous, humains récalcitrants qui conservent leur libre arbitre et
bovins beuglants qui subissent sans représentation syndicale
reconnue par nos autorités. Une fièvre Catharale, mal mystérieux
venu sous les ailes d'un moucheron Corse, pandémie redoutable s'il
en est, exige une campagne obligatoire et gratuite de vaccination
pour tous les génitrices du troupeau.
Le seringue est devenue, il faut bien
l'admettre un vecteur plus puissant et néanmoins pointu, pour
favoriser l'enrichissement des laboratoires amis d'un pouvoir qui
croie si peu aux vertus du libéralisme, qu'il impose par la loi, une
multitude de dépenses incomprensibles.
Revenons à notre veau, quoiqu'il y
est de moins en moins de différence entre un bovin et un brave
citoyen aux yeux méprisants de nos gouvernants. Le 1261 en ce jour
de décembre fait ses adieux à ses congénères. Son maître est
entré dans l'enclos vêtu de son habit de lumière. Une magnifique
côte à double passe-main qui vous libère de la chose comme une
banane de sa peau. Je sais quelques libertines Belges qui fantasment
à l'idée de dépouiller un éleveur sur d'accueillantes bottes de
foin encore carrées ( la botte ronde a tué les amours fripons... ).
L'homme en question était arrivé au
volant d'un 4x4 qui n'est pas rutilant. Véhicule utilitaire en cette
région escarpée, il traîne une bétaillère et ne saurait se
laisser conduire par une blonde peroxydée. Le brun musculeux entre
dans l'enclos armé d'un solide bâton, repère le bon numéro qu'il
isole de ses camarades de foin. Il a ouvert les vannes (pardon le
van) et l'animal, ignorant tout de son triste sort, monte dans la
charrette aussi digne que Marie Antoinette le jour de son marthyre.
Une tête de veau vaut bien mieux
qu'une bouchée à la reine et la bête affiche sous la balance
finale 422 kilogrammes. L'éleveur remet médaille et papiers
d'identité à un maquignon satisfait qui jauge une croupe replète.
Le veau s'en va vers son trépas, un label rouge vous donne de la
dignité sur l'étal et du baume au cœur quand sa dernière heure a
sonné.
Bovinement vôtre.
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