vendredi 23 février 2018

Mon marché



Le choix du Roy
 
 

Cela fait bientôt 40 ans que je fréquente ce marché. Il y a encore des vendeurs qui ont partagé ce parcours en dépit d’un changement de localisation, heureusement toujours en bord de Loire. C’est l’occasion de rencontres, de discussions et d’achats de produits frais et de qualité. J’aime cette ambiance magnifique, ce plaisir d’un rendez-vous hebdomadaire avec des gens sympathiques.

Oh, je ne me presse pas dans ses allées à l’heure de la foule, des queues interminables. J’aime m’y rendre le matin de bonne heure, quand les derniers étals se chargent de victuailles. Le soleil se lève sur la Loire, il y a encore du temps pour la discussion et vous ne risquez pas de vous trouver pris dans un embouteillage provoqué par deux ou trois chariots en travers du chemin.

C’est le moment de la pause-café. Beaucoup de marchands aiment à se retrouver à la buvette de Valérie. Je me mêle à eux ; nous devisons aimablement autour d’un café aux beaux jours ou d’un vin chaud quand les frimas s’imposent à nous. Les plaisanteries fusent ; le forain est taquin, le client bougon et le placier placide. Chacun joue son rôle avec plaisir ; c’est un jeu qui se renouvelle sans cesse.

Mes arrêts sont immuables. Je ne suis pas de ceux qui vont chercher le meilleur prix. Je préfère établir une relation de confiance, un lien d’amitié avec mes vendeurs habituels. Je ne fais pas que passer. J’aime prendre des nouvelles, m’enquérir de la marche des affaires ou bien de celle de la production. Ils me demandent où je vais conter ce weekend, comment vont mes enfants ou bien si mes livres se vendent bien. Nombreux sont ceux d’ailleurs qui en ont fait l'acquisition.

Je commence par l’achat d’un pain complet qui me fera la semaine. Un pain à l’ancienne qui conserve sa saveur et sa texture durant cinq jours : miracle qui échappe souvent aux productions standardisées de nos boulangeries spéciales. Je passe toujours voir mon papy préféré : un sage qui a toujours un mot gentil. Il propose de merveilleuses confitures réalisées avec amour par son épouse, des œufs à manger à la coque et des cornichons comme autrefois. Il a aussi quelques légumes de sa production et parfois un pigeon ou bien une volaille.

Puis c’est le cueilleur de champignons. La Sologne est son terrain de chasse, il y a toujours quelques belles surprises et des valeurs sûres. L’homme étant prévoyant, il propose aussi des bocaux et des sachets de champignons déshydratés pour les périodes creuses. Il dispose d’une armée de ramasseurs et aucune pousse n’échappe à sa sagacité. En ce moment, les morilles sont à l’honneur à des prix à faire pâlir les vrais amateurs.

Je pousse mon voyage gastronomique jusqu’en Berry avec Marie la Sorcière. Elle est ma plus fervente supportrice et se fait fort de distribuer mes prospectus partout où elle passe. Au-delà de cette qualité incomparable, elle a un formidable fromage de chèvre qui me régale et des produits de son cher Berry qui valent le déplacement. Nous parlons souvent de ses activités de bienveillance : la dame ayant en plus un cœur en or.

Toujours dans le fromage, je vais voir son voisin qui élève avec amour des vaches dans le respect de leur alimentation. Son fromage est délicieux, sa crème fraîche si épaisse que la cuillère tient parfaitement droite en son milieu. L’homme est agréable, discret et d’humeur toujours égale. Il vient de Coullons, un village où j’aimais me rendre quand j’étais enfant. Voilà de quoi nous rapprocher encore !

Puis il y a Aimée et son foie gras et tous les produits dérivés du canard gras. Elle est charmante, aime son métier et ses canards qu’elle sélectionne avec amour. Ses canetons viennent d’une ferme-élevage de la région d’Angers ; ils sont nourris en bordure de la forêt de Marchenoir, juste à côté de chênes truffiers. Les préparations sont succulentes, le produit toujours de qualité, la dame d’une immense gentillesse. C’est un bonheur que de faire halte devant son échoppe.

Pour les légumes, je fais entière confiance à un vrai producteur, pas un de ces margoulins qui vendent aussi des produits provenant de Rungis. Sa curiosité le pousse toujours plus à aller vers la découverte de légumes anciens ; son agriculture est raisonnée. L’homme ne peut être mauvais, il sort de Saint Cyr et a joué au rugby. Ses vendeurs sont d’humeur toujours charmante, c’est un plaisir, d’autant que l’on y trouve vraiment une diversité qui rend la cuisine distrayante.

Puis il y a les autres : ceux chez qui je fais une halte occasionnelle. Ils sont saisonniers comme ce producteur d’asperges vertes de grande finesse ou cet autre qui ne vient que pour vendre son cresson. Il y a encore cet autre fromager dont les chèvres anglo-nubiennes font des bouchons à apéritif qui me poussent à la consommation excessive de vin blanc.

J’achève mon tour de gourmandise chez le poissonnier de Sully qui a la bonne idée de venir de mon village natal. L’homme a un poisson frais et nulle bataille ne se déroule auprès de son échoppe. Tous les Celtes ne sont pas comme dans la bande dessinée d’Astérix. À Ceno, nous savons nous tenir.

J’ai sans doute oublié des vendeurs, des produits qui ne devraient pas passer à la trappe. Je ne veux pas lasser le lecteur et c’est à lui de se faire sa propre opinion en se rendant, à son tour, sur le marché du quai du Roi. Mais gare à celui qui viendrait en critiquant l’endroit : le canal n’est pas loin et il pourrait bien y prendre un bain …

Forainement leur.
Le marché du quai du Roi s’est imposé comme le marché phare de l’agglomération orléanaise. © Christelle BESSEYRE 
Lire l'article de la Rep et soutenir le marché du quai du Roy
https://www.larep.fr/orleans/vie-pratique-consommation/gastronomie/2018/02/23/orleans-plus-beau-marche-de-france_12749271.html
 

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