Envers
et contre tous !
Écrire à tout propos, écrire sur
tout et surtout sur presque rien, pour un oui et essentiellement pour
un non, écrire à n'en plus pouvoir et croire que par les mots
couchés sur le papier, par la volonté de tourner la phrase, de
faire du beau avec de l'ordinaire, je peux ouvrir des lucarnes vers
un ailleurs différent.
D'une sortie sur la Loire, d'un match
de rugby, d'un incident scolaire, d'un désaccord politique, je tire
parti pour écrire à n'en plus finir quelques phrases bien senties,
curieusement dirigées parfois contre des gens que j'ai dans le nez !
L'expression vacharde me va comme un gant de boxe, l'adjectif
sarcastique, le substantif agressif, la tournure assassine me font le
plus grand bien. Je doute néanmoins que tous les missiles atteignent
leur but, ce n'est pas là l'essentiel !
J'ai le billet amer, j'ai la bile tout
autant et je vomis souvent des torrents de griefs. Je n'en suis pas
fier, c'est ainsi, il n'est guère aisé de maîtriser sa plume et un
penchant naturel contre la vilénie. Je me cache alors derrière
quelques termes obsolètes ou simplement désuets que***dont) j'use
non par maniérisme, par un goût profond pour la survie de l'espèce
; celle des entrées francophones dans le petit Robert, la seule
référence qui trouve grâce à mes yeux.
Je vois la vie en prose et lorsque je
m'aventure sur les chemins escarpés du vers, je vois double, je sue
sang et eau pour résultats si médiocres, qu'il faut bien vite
oublier l'envie inaccessible de chatouiller la muse. Je me contente
alors du verre et du vers. Joyeux homonymes qui se satisfont d'écrire
comme l'on parle sans savoir qu'il est possible de mettre des pieds à
sa langue.
Alors j'avance d'un pas libre,
débarrassé de toute contrainte formelle, je laisse aller les doigts
sur le clavier sans me faire le plus petit croc en langue. Quoique la
chose n'est pas tout à fait exacte, la faute guette le manant au
tournant d'un accord ou d'une faute d'usage. Je n'ai jamais su
accorder mon violon d'Ingre aux exigences ubuesques de dame
orthographe, et d'usage je n'en ai guère, ceux qui me supportent
encore vous le diront bien volontiers.
Cette vie en prose exige que l'on
veille à rectifier errements lexicaux ou grammaticaux. Il faut dame
patiente pour relire la production incessante et grande disponibilité
pour satisfaire le redressement quotidien de billets de travers. Ce
sont les petits secrets de l'envers du décor, côté jardin, ça va
encore mais comment faut-il écrire cet autre côté qui se plait à
satisfaire à tant d'homonymes ?
Le plus étrange c'est que je fais
profession d'enseigner le français moi qui ne domine nullement sa
pratique quand il s'agit de le coucher dans la rectitude d'un code
établi justement pour séparer le bon à rien du lettré. Je ne suis
qu'un être de façade, mes mots ne sont sortables que par le
charmant truchement d'une « redresseuse » de fautes sans que
j'exprime la plus petite envie de battre ma coulpe.
Si je vois la vie en prose, combien
d'entrevous voient rouge à la lecture de ces billets indociles, de
mes commentaires irrespectueux, de mes portraits alambiqués et de
tout ce tintouin dont je vous abreuve chaque jour ? Je leur en
demande pardon !
Quant à ces quelques-uns qui prennent
un curieux plaisir à venir souvent consulter cette prose, je vous
sied gré de votre patience, j'admire votre indulgence et je loue
votre mansuétude. Vous avez une fois encore supporté le verbiage
sans queue ni tête de votre serviteur. Faut-il pour autant vous en
féliciter ?
Je ne doute pas une seconde que vous
ayez aussi face cachée pour expliquer votre perversion étrange,
cette assuétude à la lecture qui encourage l'incroyable prétention
que peuvent avoir tant d'autres à écrire sur la toile !
Prosaïquement vôtre.
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