mardi 9 janvier 2018

À deux, tout un roman.



Les deux feront la paire.



Depuis le temps qu’on me serine sur la nécessité d’écrire un roman pour appartenir réellement à la grande cohorte des véritables écrivains, j’ai fini par céder aux sirènes de l’appel de la distance : celle qu’impose de tenir un roman et que je fuis au travers de mes contes. C’est justement ce qui m’a toujours effrayé : je ne pense pas être un marathonien du clavier : j’ai besoin d’une unité de temps qui se limite à la journée, qui s’offre la diversité des sujets au fil des billets, devenus mes compagnons quotidiens.

Le roman est, quant à lui, une obsession, une relation qui doit accompagner votre existence sur plusieurs mois, voire plusieurs années. Il vous hante, vous possède, vous demande une énergie dont je ne me crois pas capable. Alors, quelle ne fut pas ma surprise quand une jeune dame me proposa, pour me lancer dans ce genre, une collaboration littéraire. Elle venait de publier un premier roman, un thriller libertin et je fus séduit par cette belle opportunité.

J’avais lu les « Fantasmes et Tourments en Sologne » de la dame avec un certain plaisir, m’amusant de son imagination débordante, enviant sa liberté de ton et son impudeur à aborder ce qui est souvent repoussé dans les tréfonds de l’inconscient. Le genre érotique ou libertin a pourtant, depuis toujours, attiré les grands écrivains ; j’acceptai donc cette proposition fort convenable en dépit des risques de sous-entendus qu’elle ne pouvait manquer de susciter ici ou là.
Nadine Richardson, puisqu’elle écrit sous son véritable nom, avait dans l’idée d'associer une intrigue policière qu’elle se chargerait de mener, à une série de contes servant de fil rouge tout au long d’un suspense haletant , forcément haletant . Un meurtrier en série sème la terreur en bord de Loire et laisse des indices plutôt abscons : mes contes !

Je participai à la sélection des contes. Bientôt nous nous aperçûmes qu’il y avait un risque à prendre des textes déjà publiés : rien ne nous garantissait que notre éditeur donnerait suite à ce projet et, en cas de refus de sa part, nous aurions été bloqués avec des droits qui ne nous appartenaient pas. Il faut penser à tout, ce qui est loin d’être ma spécialité.

Puis, la dame à l'imagination débordante construisit une trame : un squelette comme elle aime à le dire. Je fis le choix de n’en rien savoir afin de me trouver, moi aussi, surpris par les rebondissements et les coups de théâtre. J’étais son premier lecteur. J’avais alors la tâche de donner une précision langagière qui n’est pas son souci premier. A elle , l’imagination, l’invention, le suspense et la légèreté du propos, à moi la musique des mots, le rythme de la phrase, la précision du vocabulaire. Je n’ai d’ailleurs pas toujours gain de cause : la dame est pugnace, je n’ai pas réussi par exemple à lui imposer le mot « muscadin » que j’aimais tant. Elle souhaite que le roman demeure accessible à tous et me taxe parfois d’obsolète, de désuet , de précieux . Le privilège de l’âge sans doute ...

Bien vite je fus admiratif par le travail incessant de retour en arrière que suppose l’architecture du roman. Nous sommes là dans un corps vivant, un objet qui ne cesse de se modifier au fil du temps et des nouveaux épisodes et qui réclame parfois des retouches en amont. J’avais le sentiment que Nadine ne cesse de vivre et de penser son roman tandis que je suis plus distant vis-à-vis de sa création.

Bien sûr, le travail n’est pas terminé, loin de là. La naissance d’un roman demande sans cesse des retours en arrière, des remises en cause, des améliorations qui s’imposent durant le déroulement de l’intrigue. Je m’amuse de voir cette incroyable alchimie se dérouler sous mes yeux. Je ne suis pas inactif : je joue du clavier pour peaufiner ce que, pour l’essentiel, je ne fais que suivre avec émerveillement.

J’ai naturellement ma part, les chapitres qui doivent porter ma patte. Les lecteurs n’auront d’ailleurs pas de mal à repérer ces passages. J’en rajoute un peu dans le style qui me caractérise, à la fois pour coller au plus près à l’attente de ma directrice de fiction mais aussi pour le plaisir de jouer un peu avec mes manies et mes tics de langage. C’est un jeu qui me réjouit et je suis particulièrement fier de vivre ce défi.

Vous serez avertis, naturellement, de la suite de cette épopée. Le texte est suffisamment avancé pour nous faire croire que le projet ira jusqu’à son terme. Je sais la détermination de ma collègue d’écriture ; je suis certain qu’elle ne lâchera rien et sera toujours à mes basques pour me pousser dans mes retranchements. J’ai mordu à l’hameçon que m'a tendu la diablesse ; la fiction romanesque est un exercice, certes difficile et long, mais ô combien exaltant !

Les superstitieux n’aiment guère vendre la peau de l’ours avant de l’avoir exposée. Néanmoins, ce projet intrigue et quelques informations transpirent de-ci de-là qui sont de nature à provoquer des interprétations fallacieuses. Les mauvaises langues ne manquent pas, d’autant que le roman libertin peut faire mauvais genre. Voilà le projet annoncé ouvertement, les rumeurs infirmées et, si cette annonce peut éveiller curiosités, supputations scabreuses et désirs, j’en serai le premier ravi. Si des éditeurs veulent accompagner ce projet, nous ne fermons la porte à aucune opportunité.

Collaborativement sien.



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