vendredi 25 août 2023

Le grand voyage

 

Le grand voyage





Pour quelques grains de sel mon destin bascula

Car ainsi, je tombais pour la seconde fois

Sous la coupe d'un maudit gabelou du roi

Mon sort scellé, la justice me condamna


Je marchai jusqu'à Marseille, les fers aux pieds

Pour durant trois années être galérien

Partageant l'existence d'autres vauriens

Pour l'odieux crime qu'il me fallait expier


J'avais voulu adoucir le quotidien

De pauvres gens accablés par la gabelle

Pour moi, le gentil marinier rebelle

Qui désormais ne valait pas plus qu'un chien


Durant le trajet je reçus tant de crachats

Que j'en viens à douter de cette humanité

Pour qui avait agi par solidarité

Le peuple ne voyait plus que le renégat


Puis, arrivé à la chiourme, je compris

Que je me trouvais au ban de la société

L'Arsenal privé de toute salubrité

Bien plus que les galères, menaçait nos vies


Attachés à la brancarde nous ramions

Cinq compagnons privés de toute dignité

Que des bêtes de somme pour l'amirauté

Qui subissaient coups de fouets et horions


Mais en dépit de ce traitement inhumain

La chiourme demeurait notre mouroir

Abandonnés dans ses geôles sans nul espoir

Ni le souffle vivifiant de l'air marin


Lorsque notre destin prit une autre inflexion

Tous, nous devenions désormais des forçats

Qui à Brest devaient se rendre de ce pas

En un trajet aux quatre navigations


Par la mer gagnâmes le canal du midi

Pour rejoindre la Garonne à Toulouse

Embarquâmes jusqu'à Bordeaux la jalouse

Pour rallier la rade de Brest sans soucis


Pour les travaux de fatigue des arsenaux

La tenue ne portait pas à confusion

La vareuse et les souliers faisaient illusion

Tandis que le bonnet rouge était un fardeau


Pauvres esclaves sous le joug tyrannique

Conservions l'espoir d'une libération

Issue refusée sans nulle rémission

Aux bagnards qui partirent en Amérique


 

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