Le grand voyage
Pour quelques grains de sel mon destin bascula
Car ainsi, je tombais pour la seconde fois
Sous la coupe d'un maudit gabelou du roi
Mon sort scellé, la justice me condamna
Je marchai jusqu'à Marseille, les fers aux pieds
Pour durant trois années être galérien
Partageant l'existence d'autres vauriens
Pour l'odieux crime qu'il me fallait expier
J'avais voulu adoucir le quotidien
De pauvres gens accablés par la gabelle
Pour moi, le gentil marinier rebelle
Qui désormais ne valait pas plus qu'un chien
Durant le trajet je reçus tant de crachats
Que j'en viens à douter de cette humanité
Pour qui avait agi par solidarité
Le peuple ne voyait plus que le renégat
Puis, arrivé à la chiourme, je compris
Que je me trouvais au ban de la société
L'Arsenal privé de toute salubrité
Bien plus que les galères, menaçait nos vies
Attachés à la brancarde nous ramions
Cinq compagnons privés de toute dignité
Que des bêtes de somme pour l'amirauté
Qui subissaient coups de fouets et horions
Mais en dépit de ce traitement inhumain
La chiourme demeurait notre mouroir
Abandonnés dans ses geôles sans nul espoir
Ni le souffle vivifiant de l'air marin
Lorsque notre destin prit une autre inflexion
Tous, nous devenions désormais des forçats
Qui à Brest devaient se rendre de ce pas
En un trajet aux quatre navigations
Par la mer gagnâmes le canal du midi
Pour rejoindre la Garonne à Toulouse
Embarquâmes jusqu'à Bordeaux la jalouse
Pour rallier la rade de Brest sans soucis
Pour les travaux de fatigue des arsenaux
La tenue ne portait pas à confusion
La vareuse et les souliers faisaient illusion
Tandis que le bonnet rouge était un fardeau
Pauvres esclaves sous le joug tyrannique
Conservions l'espoir d'une libération
Issue refusée sans nulle rémission
Aux bagnards qui partirent en Amérique
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