samedi 7 juillet 2018

La Carpe et le Lapin


Déménageurs et virtuoses


L'étrange activité sportive que l'on désigne du doux nom de Rugby a ce merveilleux don de rendre possible le mariage impossible de la carpe et du lapin. Il concilie l'inconciliable en favorisant l'union des contraires !

Les déménageurs de piano y sont autant au service des virtuoses que nos artistes ont besoin des gros bras réputés irréfléchis. Il y a dans cette activité la fusion des différences, la symbiose des contraires, la complémentarité des oppositions dans le respect des dissemblances, dans l'harmonie des similitudes.

Dans une société qui encourage quotidiennement la séparation des tribus, des clans, des groupes ethniques, le Rugby se nourrit de la complémentarité des différences. Il abolit les dissemblances et c'est à ce titre qu'il bénéficie d'une notoriété largement supérieure à son influence réelle.

Nous avons les forts des halles, souleveurs de fonte, dévoreurs de sucres lents et surtout de protéines. Nos premières lignes ont peut-être la surcharge pondérale mais ils ont aussi l'amitié et la solidarité ancrées au plus profond du cœur. Ils sont les pierres angulaires, les fondations de ce mystérieux édifice que constitue une équipe de Rugby. Ils sont les francs-maçons, les Princes ce mystère absolu pour le béotien qu'on nomme « la mêlée ! ».

Derrière eux et en dépit des lois architecturales se trouvent nos tours de guets, nos beffrois qui provoquent l'effroi chez l'adversaire. Les secondes lignes règnent à la fois dans les airs et au ras du sol. Puissance, force et légèreté, ils doivent marier cette contradiction en formant un couple indissociable sur le pré et qui effraie les compteurs lors de la terrible troisième mi-temps.

Suivent les plus roublards, les plus féroces parfois, les plus tendres aussi. Ils sont notre trait d'union. Les troisièmes lignes sont les rois de l'entre-deux : à mi chemin entre les grognards napoléoniens et la cavalerie légère. Ils sont capables de tout ; sur et en dehors du terrain et se mettent en quatre pour tous les autres alors qu'ils ne sont que trois.

Au cœur de l'édifice, arrivent maintenant les demis. Ils sont appelés ainsi, non pour leur goût immodéré d'un boisson maltée (quoique …), mais parce qu'au centre du poste de commandement. L'un aboie, l'autre adroit, l'un teigneux, l'autre généreux, l'un chef de horde, l'autre instigateur des imprévisibles ailés.

Puis viennent les centres pourtant au milieu de nulle part. Aussi dissemblables l'un de l'autre qu'il est possible. Ils sont un curieux hybride entre la troisième ligne et les arrières. Ils ont nécessairement mauvais caractère, ne sont pas toujours bons compagnons, prêts qu'ils sont sans cesse à la moindre facétie au détriment de tous les autres et souvent d'eux-mêmes.

Enfin, il y a les inclassables, les jambes légères des ailes et de l'arrière. Caractériels et véloces, ombrageux et adroits, filous ou bargeots ... Ils ne sont jamais aussi bons que lorsqu'ils sont définitivement égoïstes. Ils doivent briller grâce au travail des autres, les obscurs, les gros bras. Ce sont des aventuriers qui se lancent dans des raides insensés sans se soucier du labeur des autres.

Dans une équipe de Rugby ; chacun, quelque soit son caractère, sa taille, son poids, sa vitesse ou sa force a une fonction, une place à tenir, une raison d'être au service de tous les autres.

Dans cette confrérie humaine, cette chevalerie d'un autre temps, il y a paradoxalement deux rôles particuliers qui échappent à l'anonymat de ce collectif : le buteur et le lanceur. Volontaires ou désignés d'office, ils portent des responsabilités lourdes en cas de maladresse surtout aux yeux des supporters toujours prêts à leur imputer la défaite d'un collectif. Nous évoquerons dans un autre billet leur immense solitude ...

Différemment vôtre.


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