Un
verre à la main autour d’un Conte-Loire.
Il
était une fois un étrange personnage poussant le bouchon si loin
que la tête lui tourna et qu’il émit le désir insensé d’aller
raconter des histoires dans les troquets et tavernes, estaminets et
caboulots de nos campagnes. Les verres à pied ont ceci de
merveilleux qu’ils permettent de voyager tandis que la Loire n’a
jamais rien fait de mieux que transporter du vin sans jamais le
couper de son eau. Alors c’est tout naturellement, que perché sur
un tonneau, le lascar conte la tête à l’envers et le gosier
jamais sec.
Le
conte n’est jamais écrit sur une ardoise, le patron n’accepterait
pas la chose, la maison ne fait pas crédit, elle se contente d’être
débit de boissons. Puisque le vin est plus aisément tiré que le
liquide avec une carte bleue, laissez-vous donc porter par les
Bonimenteries qui remplissent vos oreilles sans faire tourner le
petit ballon des hommes en bleu. D’ailleurs durant la séance, vous
aurez la chance d’entendre le secret pour que jamais pareille
mésaventure ne vous arrive.
Bien
sûr la loi Évin vient contrecarrer les desseins de ce personnage,
les empêcheurs de devenir ronds sont légion. Il doit conter le vin
sans jamais en vanter les mérites. Ce n’est pas en vain qu’il
use alors de la circonlocution pour tourner autour du pot sans jamais
vous inciter à l’ivresse. S’il vous saoule, ce ne sera que de
ses mots et espiègleries, la pondération permettra de glisser
quelques points de suspension, le temps de vous laisser l’occasion
de trinquer à sa santé.
Pour
que les têtes tournent plus aisément, il peut être accompagné de
musiciens, le piano à bretelles ou bien la guitare, l’essentiel
est de ne jamais finir au violon. Quelques notes que vous n’aurez
pas à régler, des chansons à boire ou bien des mélodies à
danser. Le comptoir deviendra une scène de Loire à la seule
condition de ne boire que le vin de nos coteaux. Ils sont si nombreux
nos merveilleux cépages, nos sublimes appellations que vous prendrez
racine à l’écouter jusqu’au bout de la lie.
Le
coquin est aussi écrit-vin. Il trempe sa plume dans les meilleures
chopines pour vous offrir de gouleyantes histoires à lire sans
modération.
Si étonnamment
vous
perdiez le fil des mots, dame Parcimonie vous fera la lecture à
haute voix, avalant d’un trait espiègleries et récits à vomir
debout. Rien n’est sérieux au pays de la fable, le comptoir
devient navire qui chaloupe entre deux eaux et de nombreux tonneaux.
Vous
découvrirez encore l’art de percer les douzilles, histoire de
boire à l’œil. Il vous faudra conserver le pied marin pour éviter
de passer par-dessus bord. Les seuls débordements permis seront ceux
de l’affabulateur de service. Vous comprendrez également que si ce
berlaudiot fait l’âne c’est uniquement pour rendre hommage à
Martin et son fidèle compagnon. C’est à lui que nous devons la
taille de la vigne et parfois du costard. Les auditeurs trop sérieux,
n’auront qu’à passer leur Chenin.
Tout
en sifflant une bouteille, il vous narrera douces merveilles, vous
serez alors gais comme pinson. Certains feront les coqs, d’autres
quelques singeries pourvu qu’aucun ne se comporte comme un goret.
L’essentiel est de rester copain comme cochon. La soirée sera
belle, les étoiles ne seront pas sur la bouteille, ici ce n’est
que du bouché, mais dans le ciel et les cœurs. Acceptez de
redevenir des grands enfants, vous glisserez un biscuit à la
cuillère dans votre verre de crémant. Les bulles feront le reste,
elles feront des ronds concentriques qui de convive en convive
rejoindront la rive.
Le
voyage terminé, vous pourrez rentrer chez vous non sans avoir glissé
dans le chapeau de quoi remercier le parleur. Le service n’est pas
compris, on ne paie pas les musiciens avec des pièces jaunes, il
faut les laisser à ceux qui nous roulent dans la farine. Je vous
fiche mon billet que vous verserez votre obole au denier de
l’inculte, un geste qui viendra du cœur et qui ne tirera pas à
conséquence.
Il
ne nous reste plus qu’à dénicher tavernières et bistrotiers,
tenanciers et tenancières, aubergistes et cafetiers qui veuillent
bien ouvrir leur porte à cette curieuse invitation. Point n’est
besoin de faire la manche, une tournée s’impose, celle de tous les
troquets des bords de Loire ou de nos terroirs. Quant à la tournée
du patron, je ne doute pas qu’elle fasse partie du programme. Il
serait fort dommage que nous restions sur notre faim. C’est un
verre à la main que je vous donne rendez-vous au Conte-Loire !
Cabaretement
leur.
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