Bête
de somme.
Je ne suis qu'une bête
de somme
Un pauvre gars à la
bricole
Moi qui me pensais être
un homme
Je ploie sous cet
odieux licol
Du matin jusqu'aux lueurs
du soir
Nous tirons la corde et
les bateaux
Qui remontent la rivière
Loire
Et son courant au fil de
l'eau
Quand le vent ne veut pas
souffler
Qu'il faut encore aller de
l'avant
Nous voilà tous
réquisitionnés
À Tirer comme des
éléphants
Travail de forçat si peu
rétribué
Nous gagnons notre pauvre
croute
À la sueur d'un labeur
méprisé
Qu'un animal eut pu faire
sans doute
Le courant se fait
redoutable
Le bateau résiste à
notre ardeur
Il faut s'arcbouter sur le
câble
Pour espérer arriver à
l'heure
Au bout de cette journée
de peine
À geindre sous l'énorme
fardeau
Nous arrivons au port hors
d'haleine
Et vidons bien vite
quelques tonneaux
Le peu que nous avons
gagné
Est dépensé dans toutes
les tavernes
Nous n'avons même pas
mangé
Ça n'en valait pas la
peine
Quand au bout de ce long
chemin
Nous retrouvons femme et
enfants
Nous ne faisons pas les
malins
Nous revenons sans le
moindre argent
Nous nous remettons en
patrouille
Pour laisser filer le long
du courant
Nos sapines chargées de
cette houille
Qu'on livrera à des
lointains clients
Ainsi arrivés jusqu'à
Nantes
Nous referons le chemin à
l'envers
Usés par cette vie
lancinante
Plus terrible encore que
l'enfer
Nous ne sommes que des
bêtes de somme
Des pauvres gars à la
bricole
Nous qui nous croyons
encore des hommes
Nous ployons sous ces
affreux licols
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