Bouffon, il pique car c’est nécessaire.
L’obséquiosité
est la règle commune. Chacun d’y aller de sa flatterie et de ses
innombrables courbettes quand surgit celui ou celle qui détient une
parcelle de pouvoir, comme si s’avançait ainsi un être d’essence
divine par la seule grâce du suffrage universel. Le résultat est
naturellement catastrophique puisque nos chers élus se persuadent
ainsi qu’ils ont à l’instar de sa sainteté le Pape, accès à
l’infaillibilité. C’est ainsi qu’ils refusent obstinément
d’écouter les avis divergents, les remarques ou les critiques,
forts du comportement quasi général de la cour des valets et des
quémandeurs, des favoris et des hagiographes locaux.
Les véritables humoristes, les guêpins et autres pamphlétaires ont
disparu des écrans radars. Il convient de ne pas semer le trouble
dans les esprits des moutons, la télévision surtout mais aussi les
médias sont là pour jouer de la flagornerie, de la brosse à
reluire et servir la soupe à ceux qui sont au sommet. L’humour ne
sert désormais qu’à se gausser des plus humbles, des moins
connus, des simples gens. On les raille de bon cœur dans des
émissions où le rire factice est la règle, l’hilarité feinte,
une nécessité pour faire de l’audience.
Il
n’y a plus de fond. Le jeu de mots, la saillie, la réplique
assassine ont été préparés pour obtenir un éclat de rire qui ne
doit surtout pas donner à penser. La futilité est la ligne de
conduite des amuseurs qui sont invités sur les plateaux. L’époque
est à la légèreté, à la mort des idéologies, à la fin de
l’esprit frondeur. Mort aux empêcheurs de tourner en rond, il
convient de s’amuser avant que le déluge attendu nous surprenne !
C’est
ainsi que le fou du roi a déserté les journaux, laissant la place
aux serviles admirateurs, aux plumitifs du consensus mou. Pourtant ce
sont les bouffons et les mauvais diables, les mal-embouchés et les
rebelles qui seuls, peuvent remettre les pieds sur terre, aux
princes, isolés dans leur bulle factice. C’est à grands coups de
pieds au cul et gros rires gras que le message peut passer. Le fou du
roi est nécessaire tant par son action salutaire sur nos chefs que
par sa faculté de réveiller le peuple anesthésié.
Bien
sûr, malheur à celui qui emprunte cette voie. Il sera repoussé,
écarté, méprisé. On cherchera à le bâillonner pour le
contraindre au silence. La vérité fait peur surtout quand elle se
revêt des habits de l’humour et de la pantomime. Faire rire le bon
peuple aux dépens de ses rois est devenu un crime de lèse majesté.
La roue en place des martyres est promise à ceux qui se lanceront
dans la bataille.
Les
chiens aboient, montrent des dents, hérissent le poil, barrent des
routes ou bien font grands défilés dans les rues. Tout cela
n’effraie guère le pouvoir. C’est si facile de montrer la face
noire de ces personnages toujours contre, jamais contents et si
souvent violents. Les caméras les filment dans l'excitation de
l’affrontement et les font passer pour de dangereux agitateurs. Un
bon angle de vue savamment maîtrisé et voilà l’opposant ravalé
au simple rang d’agité du bocal.
Au
contraire, l’humour devrait constituer la plus efficace des armes
pour peu qu’on redonne enfin toute sa place aux fous du roi, aux
vrais bateleurs, aux virtuoses du calembour et de la calembredaine.
Rabelais revient, nous avons besoin de toi, de ta verve et de cette
folie qui sied pour s’adresser à ces monstres de cécité que sont
devenus les Princes qui nous gouvernent. Il convient d’en faire des
tonnes pour se faire entendre et comprendre, pour réveiller ce
peuple chloroformé.
C’est
en menant des guerres picrocholines sans merci que nous vaincrons la
suffisance, la morgue et l’autisme des responsables. C’est en
brandissant l’oriflamme de la gouaille que cesseront les
comportements scandaleux que se permettent les élus en s’accordant
des privilèges qui débordent largement le cadre de leurs fonctions.
Raillons-les sans nuance, moquons-nous de leurs travers, piquons-les
avec application, ridiculisons leurs comportements déviants,
montrons-les du doigt, nous sommes tous des fous du roi.
Irrévérencieusement
leur.
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