Fête de la saint Nicolas à Gien
Les
grecs, excellents marins devant non pas l’éternel mais Neptune
répandaient sur la proue de leurs bateaux le sang d’une victime
sacrifiée afin de s’assurer la clémence des dieux en mer. Les
anglais qui si souvent nous ont mis la pâtée à la bataille navale
restent dans cette tradition avec ce dicton : « Un navire qui n’a
pas goûté au vin goûtera au sang ».
Naturellement,
à Gien, il n’est pas question de tordre le cou à un lapin, animal
maléfique sur les navires pour sacrifier à la tradition. Pour nos
joyeux lurons, le sang a été remplacé par du vin ou du champagne,
pratique qui constitue à la fois une manière de conjurer le sort
avant de prendre la Loire et s’assurer un bon voyage mais aussi
s’il en était besoin une merveilleuse occasion de lever nos verres
en bonne compagnie.
Habituellement,
c’est à un prêtre que l’on fait appel pour mener à bien cette
délicate opération. Les Fis d’Galarne, conscients tout à la fois
de la crise des vocations dans la corporation et de leur fâcheuse
propension à boire tout seul le vin, ont souhaité que je me charge
de la cérémonie. Je peux les rassurer : avec un tel officient,
point d’eau bénite, boisson prohibée dans la marine de Loire même
si certains aiment à naviguer entre deux eaux avec du vent dans les
voiles.
Cependant,
faisant un crochet chez Nicolas, négociant en vin et spiritueux, je
me permets de glisser en ce moment solennel, une petite prière de
mon cru :
Bon
Nicolas, toi qui es notre saint patron
Accorde-nous
le retour nous t'en conjurons
Même
si nous ne sommes pas très respectables
Non,
nous ne faisons pas commerce avec le diable
Au
temps jadis où ils allaient sur la rivière
Les
marins lui adressaient beaucoup de prières
Pour
naviguer ils regardaient tous le grand ciel
Guettant
le vent, un signe ou bien un pieux conseil
Et
les femmes à la maison faisaient de même
Espérant
ainsi retrouver ceux qu'elles aiment
Bon
Nicolas, toi qui es leur très saint patron
Accorde
le retour à nos joyeux lurons
Même
s'ils ne paraissent pas très respectables
Ils
ne font pas du tout commerce avec le diable
Tout
en disant ce psaume
peu orthodoxe, je m’aperçois avec effroi que je n’ai pas éclairé
votre lanterne sur la nécessité absolue de pratiquer ce rituel.
Pour votre gouverne, le Titanic entreprit son premier voyage sans
sacrifier au baptême. Chacun sait ce qu’il advint de sa première
expédition, un exemple qui jette un froid pour qui veut se lancer
sur l’eau. Je sais cependant qu’avec nos amis Giennois, il n’est
pas à
redouter
la présence d’un glaçon, surtout dans leurs verres. Le vin ici se
boit chambré ou bien frais, sans adjonction d’un fragment de
banquise.
Cependant,
le vin ou le champagne n’est pas le seul élément incontournable
du baptême. Pour que ce bateau soit bien né,
il convient que ce fut sous le haut patronage d’une marraine
aimante et bienveillante. Celle-ci sera tout à la fois l'effigie en
tête de proue, la délicieuse briseuse de bouteille - ce qui la
changera quelque peu - et surtout la gironde poupe du fûtreau.
Passons
sous silence qu’elle soit née en bord de Seine, la faute n’est
pas si grave que cela. Arrivée en 1989 à Briare, c’est par le
truchement du regretté Jean Mauzac qu’elle fit la connaissance des
Fis d’Galarne. Elle rejoint le groupe en 1994 et en devient
rapidement l’égérie.
Sa
fonction s’arrêtera là, nul besoin pour elle de donner le sein à
son filleul quoiqu’elle a toujours adoré la chanson : »Petit
garçon ». C’est donc en toute sérénité que Sophie peut
s’avancer afin de libérer le cordon et lancer dans les fonds
baptismaux ce merveilleux bateau. Nous n'évacuerons pas l’hypothèse
que ces gredins lui réclament le biberon pour peu qu’il soit
rempli d’eau de vie. La dame aime la Loire pour son côté sauvage
et indomptable et les rencontres qu’elle provoque le long de ses
rives.
Afin
de couper le Macoui, l’hideux serpent de rivière, le monstre qui,
tapi dans la Loire, peut parfois nous prendre le bras pour nous
conduire par le fond, une dernière prière, toute aussi païenne
s’impose avant que ne se brise le vin.
Comme
le sort est conjuré
Nous
allons pouvoir naviguer
Nous
remontons sur notre pont
Ayant
repoussé le démon
Au
fil des canaux et rivières
Nous
affrontons bien des galères
Avant
de trouver réconfort
Lorsque
nous accostons au port
St
Nicolas
Protège-nous
St
Nicolas
Apporte-nous,
La
force de naviguer
À
nous les bateliers
Dans
les tavernes à matelots
Le
vin chaud coulera à flot
Pour
honorer Saint Nicolas
On
mangera le cochon gras
Lui
qui sauva d'un grand saloir
Trois
petits gamins pour sa gloire
Nous
célébrons à not'façon
Le
miracle du saint patron
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