Baissez
la tête, mon souverain ...
7
avril 1498 ; le printemps pointe le bout de son nez. Il n’est pas
plus belle saison en bord de Loire surtout en cette Touraine où il
fait si bon vivre. C’est du moins ce que se disait ce jour-là, un
jeune roi de 28 ans, Charles le huitième qui a tout pour être
heureux. Il vit dans une magnifique demeure, le Château d’Amboise,
entouré des meilleurs vins qui soient et surtout marié avec la
divine Anne de Bretagne.
Charles
aime assisté aux parties de jeu de Paume. Un terrain est justement
installé dans les fossés du château. Il se fait un plaisir de
convier son épouse à cette distraction. Il arrive parfois qu’on
s’ennuie dans ces grandes demeures. Il est un peu plus de quatorze
heures, tout s’annonce bien pour lui...
Le
fils de Louis XI pourtant à des soucis en tête. Il a beau
s’appliquer à l’ouvrage, il ne parvient pas à obtenir un
héritier. Si la chose est cruel pour un couple ordinaire, elle
devient affaire d’état pour un roi. Par deux fois pourtant sa
femme a enfanté. Par deux fois, le ciel a rappelés à lui le fruit
du pêché originel. Le premier était un garçon, la seconde une
fille. Anne porte en elle ces terribles deuils, la partie de jeune de
paume ne changera pas son humeur morose.
La
main de dieu est sans doute responsable du mauvais œil qui les
poursuit. Charles et Anne ont cassé des mariages respectifs pour
convoler. Lui était fiancé à Marguerite d’Autriche tandis que la
belle Anne avait marié le père de Marguerite : Maximilien. C’est
vous dire que les situations étaient imbriquées et qu’il en
fallut des palabres pour obtenir gain de cause. Mais quand on est
roi, on a le bras long, une répudiation et un mariage cassé plus
tard, l’union pouvait se faire pour rapprocher le duché de
Bretagne de la couronne de France.
Le
roi hâte le pas. Il lui faut traverser un passage délicat : la
galerie Hacquelebac qui faut-il vous l’avouer, est le lieu choisi
par notre distinguée noblesse pour soulager des besoins naturels.
Les odeurs dans ce souterrain latrines sont véritablement
insupportables. Il convient de ne pas s’y attarder. Quoique de
petite taille notre malheureux souverain trouve le moyen de
violemment heurter son caput contre un linteau plus solide que le
crâne royal.
Le
roi tombe à la renverse, souillant certainement son pourpoint. Point
n’est besoin de lui administrer les sels, il a ce qu’il faut sur
place pour retrouver ses esprits. Il se relève et s’en va, avec de
forts maux de tête et une vilain odeur. L’air des fossés lui
redonne un temps un peu de vigueur. Il se passionne pour la partie,
discute avec son entourage avant que de bredouiller un message
énigmatique tout autant que prémonitoire : «J’espère bien ne
commettre aucun pêché soit mortel, soit véniel ». Le roi
s’écroule.
Il
est conduit sur un tapis de paille une fois encore au pied de cette
maudite galerie. Jusqu’à 23 heures, sa majesté sera dans un état
souvent inconscient. Il trouvera encore la force d’évoquer la
vierge Marie et Saint Claude avant que de rendre son dernier souffle.
Il passait ainsi la main sans héritier pour avoir voulu se rendre à
une partie de jeune de paume en passant par les pissotières des
loges ...
Il
est tout à fait probable que le souverain ait succombé à une
hémorragie cérébrale. Il sera regretté par son épouse qui pour
lui va inaugurer une mode qui fera fureur dans le Royaume. Anne sera
en effet la première à se mettre en noir pour porter le deuil. Elle
rond ainsi avec la tradition des Reines Blanches, les veuves des
défunts rois.
La
reine douairière se consolera plus tard dans les bras de Louis XII,
son second mari, le duc d’Orléans, frère cadet du roi Charles
VII. Il semble que la dame avait un faible pour la couronne et ceux
qui la portent. Chacun a ses petits vices. Elle ne laissera
pas d’héritier mâle mais deux filles dont l’une Claude épouse
le futur François I. Anne mourra à 36 ans à Blois.
La vie de château n’est pas
toujours aisée même en bord de Loire.
Dimanche
8 septembre
Les
Aquadiaux
Spectacle
privé 21 h
Amboise
: Ethic Étape
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