dimanche 17 mars 2019

Un petit grain de sable …

Inexplosible, vous croyez ?




Il était une fois une drôle de machine à vapeur qui aurait pu se nommer Rosalie. Elle se voyait au loin, avec son panache de fumée grise. Depuis, les temps ont bien changé, les fumées de nos bords de Loire sont blanches, elles s'élèvent bien plus haut dans le ciel et certains voient là un bien vilain pressage, un message qui n'annonce rien de bon.

Car l'histoire est en éternel recommencement. L'homme poursuit des chimères qu'il croit toujours dominer. Puis les épreuves surviennent, ce qu'il croyait vaincre se retourne contre lui. Un petit grain de sable – il n'en manque pas par ici- et le bel ordonnancement s'écroule, les affaires tournent au vinaigre, l'aventure devient tragédie humaine.


C'est ainsi que sur notre fleuve, il se vit en une époque pas si lointaine, l'explosion d'une technologie qui devait, disait-on alors, assurer la prospérité et la sécurité. Tout commença grâce à un petit gars de chez nous. Denis Papin construit un digesteur, machine démoniaque qui va dévorer bien des hommes qui vont y perdre leur emploi et leur dignité.

La machine à vapeur, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, commença sa carrière dans le fond des mines. Il lui fallut un peu de temps pour remonter à la surface et tenter l'aventure de transporter des gens. À l'époque, les hommes n'étaient pas pressés, ils allaient à pied, à cheval ou en bateau pour faire leur chemin. Sur la Loire, traction à voile et animale se donnaient la main pour remonter le cours des choses et des flots. Dans l'autre sens, le courant vous emportait à son rythme lent.


C'est un homme au nom prédestiné – Tranchevent- qui vint scier les mats de nos grands voiliers en imposant, sur le fleuve, la première compagnie de transport de passagers. La Ligne Nantes-Orléans vit ainsi le jour : nous sommes en 1823, la machine à vapeur noircit le ciel de nos contrées ligériennes.

Tout ne se passe pas sans mal. La cocotte minute de l'eau que l'on met en ébullition prend parfois l'envie d'exploser. Les premières tragédies font grand bruit. On s'indigne, on déplore, on s'ingénie à trouver des solutions pour éviter d'autres catastrophes. La plus grande survient du côté de Saumur, où une machine fait sauter le bouchon de bien trop de pression. Vingt morts, victimes du progrès et de la vitesse. Il y en aura beaucoup d'autres par la suite, ailleurs que sur l'eau.



Vincent Gache, ingénieur émérite mit alors au point une chaudière à basse pression. Les risques d'explosion reculaient forcément et il baptisa sa compagnie « Les inexplosibles ! » pour être certain du message. Nous sommes en 1837, la communication est à ses balbutiements. Avec lui, point de risque, la vapeur est domestiquée. Ce fut alors l'apogée du transport des passagers sur la Loire. En 1842, 582 voyages commerciaux sur le fleuve transportèrent près de 140 000 passagers.

Mais voilà qu'un autre panache de fumée monte dans le ciel. Il est sombre, porteur de lourdes menaces. Le train est sur les rails et c'est notre marine de Loire qui va dérailler pour de bon. Le temps nécessaire de faire son chemin de fer, et le train mettra à terre les beaux et grands inexplosibles. Tout alla bien vite, l'espace de quelques années, une mort au petit feu de la bête humaine.



En 1852, un an après l'arrivée du train à Nantes, le rideau tombait sur les bateaux à roues. Nous n'étions qu'à l'aube des temps modernes. Tout devait s'accélérer, tout s'accéléra. Quand il fallait deux jours en descendant, trois jours à la remonte pour joindre Orléans à Nantes, le train-train tranquille des eaux fut chamboulé par la rigueur des horaires ferroviaires.

La vapeur sur les rails vécut ses années de gloire puis elle aussi connut le déclin. La fée électricité rangea pour un temps les volutes de fumée. Puis, ce fut d'autres panaches qui surgirent dans notre ciel de Loire. Il nous fallait toujours plus d'électricité et les tenants du Nucléaire vinrent poser sa sourde menace sur nos rives. Eux aussi pensaient que rien ne pouvait leur arriver. Ils ne se disent pas inexplosibles mais se croient infaillibles.
Puissions-nous ne jamais déplorer de les avoir crus. Cette histoire prouve que rien ici ne dure que la Loire et tout ce qui l'entoure. Jusqu'à présent du moins, cela est resté vérité vraie. Mais que l'atome se mette pour de bon en colère et de tout cela, plus rien ne restera. Profitons encore de ces merveilles, tant qu'elles nous demeurent offertes et prenons garde à ne pas croire les promesses incertaines des apprentis sorciers !

Vapeurement leur.

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