mardi 5 mars 2019

Quand les artistes se penchent sur la Loire


Quand les artistes se penchent sur la Loire


Qu’ils soient peintres, photographes, écrivains, sculpteurs, conteurs, la Loire les inspirent, les envoûtent, les séduits ! Les lumières de Loire pour les uns, son histoire pour les autres, son atmosphère si particulière pour tous sont naturellement des sources inépuisables de création.

Certains évoquent bien à tort une Loire capricieuse, tous se retrouvent pour admirer ses variations, ses changements soudains, sa sauvagerie et sa magnificence. Les plus grandes plumes l’ont chanté de Balzac à Du Bellay, de Rabelais à Flaubert, de Péguy à la Comtesse de Ségur. Vous n’aurez que l’embarras du choix en commençant par Maurice Genevoix, son plus grand défenseur.
Tous sont tombés sous le charme de ses humeurs changeantes du jour et des variations d’un ciel qui se noie parfois dans la rivière. Il convient encore de décrire la blancheur du tuffeau, d’évoquer les oiseaux : hérons, balbuzards, hirondelles des falaises, les aigrettes. De dépeindre le reflet mouvant des saules et des peupliers à la surface de l'eau ou de se pâmer devant l'ardoise fine qui couvre les petites maisons de pêcheurs avec leurs roses trémières.

Chacun a sa propre représentation d’un décor qui porte aussi l’état d’âme de celui qui le regarde. La Loire est d’abord le reflet de son état d’esprit.
On ne compte plus les nombreux voyageurs étrangers qui ont sillonné ses rives et ont laissé des écrits. Le premier journal de voyage a été rédigé en latin, par Just Zinzerling. En 1616, il chante les beautés de Saumur en conseillant d'y séjourner quelques temps. Plus tard deux paysagistes d'Amsterdam, Doomer et Schellinks, nous offrent 80 dessins et un journal décrivant par le détail leur voyage durant l'été 1646. Partis de Nantes, ils longent la Loire par la route et arrivés à Orléans, emprunte le coche pour Paris.
Puis se sont surtout les Anglais qui investissent la Touraine et l'Anjou. Certains y apprennent le français, d’autres font de l'escrime et l'équitation. Ils espèrent tous retrouver leurs ancêtres Plantagenêts du côté de l'abbaye de Fontevraud.


Anna Cradock, jeune épouse d’un vieil homme très riche nous narre dans son Journal les cinq semaines que le couple passe en bord de Loire lors des vendanges 1785. Partis de Nantes, le couple suit le bord du fleuve jusqu'à Blois. À Amboise, la jeune femme suit une route sablée baignée par le fleuve. Près de Blois, elle s’enflamme : « Je ne pus me lasser d'admirer les paysages de ces environs, et de longtemps je n'oublierai le spectacle que j'avais sous les yeux : à gauche, serpentant au loin, la Loire aux bords de laquelle s'éparpillent des habitations au milieu de touffes de verdure ; à droite, les riches coteaux de vignobles où des groupes de 50 à 60 vendangeurs font la récolte dans une ambiance délicieuse ! Les uns cueillent le raisin, les autres le transportent à dos dans des hottes qu'ils vident dans des baquets, disposés en dehors de la vigne. Les vendanges sont toujours une occasion de rire et de chanter ! »
La Révolution met fin un temps à ces périples ligériens. Ils reprennent bien vite ensuite. Dès 1802, les Anglais reviennent en Val de Loire. Le peintre Turner parcourt le fleuve en 1826. Il part de Nantes en vapeur jusqu’à Angers puis emprunte une diligence et remonte la Loire jusqu'à Orléans. Ses toiles dépeignent des paysages sortis surtout de son imagination. Ce sont bien les lumières de Loire qui le fascinent, tout comme l’agitation sur le fleuve et ses rives : quais, ponts de pierre, voyageurs et riverains, châteaux, coteaux à vigne, abbayes... Il laisse ainsi 70 aquarelles et une bonne quarantaine de croquis au crayon. Les artistes qui l'avaient devancé avaient souvent représenté des paysages figés, Turner joue des angles de vue et donne une image impressionniste de la rivière qui en fait un témoignage unique.

Puis les Français se mettent eux aussi au voyage à la recherche du pittoresque. Honoré de Balzac, né à Tours, évoque le quotidien assoupi de Saumur. A la fin de la monarchie de Juillet, en 1848, les premiers ponts métalliques enjambent déjà le fleuve. L'arrivée du train à Nantes, en 1851, marque la fin de la grande marine de Loire : inexplosibles, chalands ou sapines... C'est maintenant depuis la fenêtre d’un train que les écrivains décrivent le fleuve.
Aujourd’hui, en dépit de ces maudites centrales nucléaires, la vallée de la Loire conserve sa poésie surtout par ses lumières tendres, voilées et fluides. René Bazin nous en explique le secret : « Tous ceux qui habitent les bords de Loire peuvent en témoigner, ceux d'Angers et de Tours, ceux de Blois et d'Orléans, et de plus haut encore : le vent de la marée est sur nous à toute heure. On le reconnaît à son souffle, à son parfum, à son goût de sel nouveau ; mais surtout à la douceur du ciel, à la douceur qui descend là, sur tout être vivant. »
Olivier Debré, le peintre de l’abstraction fulgurante, illustrait lui aussi la Loire des lumières dans d’immenses tableaux. Tous ont aimé ce décor unique qui nous enchante toujours.



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