lundi 4 mars 2019

Souvenirs de latrines …



Nul ne se vantait de ce qu'il allait faire bien que chacun pût deviner ses intentions.



« Vous qui venez ici dans une humble posture de vos flancs alourdis décharger le fardeau, veuillez quand vous aurez soulagé la nature et déposé dans l’urne un modeste cadeau, épancher dans l’amphore un courant d’onde pure et sur l’autel fumant placer pour chapiteau cet austère couvercle dont l’auguste jointure aux parfums indiscrets doit servir de tombeau » Musset. 

« J'avais pensé un moment percer un cœur dans la porte de la cabane de jardin mais de vieux souvenirs sont remontés à la surface .... »

« Chez notre voisin, dont la maison servait jadis d'école, l'étage étant réservé à l'instituteur.
Un instituteur avait écrit au crayon de papier, sur le mur du "cabinet", d'une magnifique écriture :
"Celui qui, de ses mains bâtit ce lieu d'aisance
fit plus pour l'être humain que Doumergue pour la France" »

« Vous avez oublié le pot de chambre ! Très utile à partir du crépuscule. 
Plus besoin d’affronter ces bruits inquiétants de la nuit. 
Ce message puissant de la chouette effraie qui glace le sang et bloque le rectum.
Vous avez aussi oublié la honte « d’y aller » en plein jour et au regard de tous et surtout des filles. »

« Ah, le fameux monstre des cabinets ! Je suis de ceux dont la fratrie se délectait à désigner cette hantise programmée avant chacun de mes passages vers l’endroit fatidique (heureusement d’ailleurs que les lieux d’aisance dans mon cas n’étaient pas en plus à 200 m du domicile principal !) : une peur dont je ne fus donc pas seul à souffrir, cela me rend tout d’un coup fort aise, merci. »

« Je me souviens que nous avions des seaux. Je me rappelle encore le bruit de cascade quand je me soulageais ainsi. Chez nous, le tas de fumier était en dessous d'une fenêtre. Les seaux étaient vidés par la fenêtre sans que personne ne s'en étonne. C'est ainsi que l'on faisait depuis toujours. »

« Ce billet soulage dans les 2 sens du terme ...en effet quelques souvenirs ! pas facile de se libérer dans ces conditions ! fesses en l'air pour ne pas se poser par peur de tomber dans le trou, yeux fermés pour oublier l'endroit , nez bouché pour éviter les odeurs et souvent une main pour chasser les mouches ! pas facile facile !!! »
« Avant la guerre, gamin, j'étais en vacances chez ma grand' tante Marie, qui habitait Tarnac (depuis devenue célèbre...). La cabane au fond du jardin débouchait (si j'ose...) sur la rivière, et je redoutais toujours de voir la planche percée basculer...
Un soir, j'y vais, et sur le toit un énorme chat aux oreilles surmontées d'un toupet me fixait. Qui a eu le plus peur des deux? on a détalé en sens inverse. De retour à la maison, je raconte...et la tata Marie me dit :"Pas besoin d'avoir peur. T'avais jamais vu un lynx?" Je ne crois pas que beaucoup de Français encore vivants aient vécu une telle expérience...encore que le lynx soit aujourd'hui "espèce protégée"... »

« Pour en revenir à votre billet, quand j'étais mariée, la famille de mon ex vivait dans une ferme en Normandie. La cabane était tout au fond du jardin, pratique en temps de pluie et de nuit... Et surtout, à côté, dans le pré, les vaches curieuses passaient la tête dans la porte qu'on laissait ouverte. La haie était basse et les vaches particulièrement curieuses. En plein jour c'était pas grave, mais de nuit... Frayeur assurée »

« Chez ma grand-mère qui habitait dans le vieux Tours, il y avait un seul WC à la turque au rez de chaussée, sous l'escalier. Tous les locataires disposaient de ce merveilleux seau émaillé de couleur bleu avec son couvercle assorti. Le matin, c'était la ronde pour vider son contenu. »

« Chez mes grands-parents et d'ailleurs dans tout le village , tout le monde allait au fond du jardin mais il n'y avait pas de cabane ! »

« Des souvenirs oui j'en ai : à "la maison" un préfabriqué à coté de la boutique, la cuisine, derrière un hangar au bout du hangar les"chiottes" une planche, un trou, un seau à vider sur le fumier au fond du jardin, c'était ça le plus "chiant" … Plus tard dans les années 70 j'ai vécu dans une vieille maison en Creuse et là ça rejoint ta description sauf que pour attraper le seau il fallait se mettre à plat ventre entre le fumier et la cabane et surtout ne pas oublier de le faire car si on l'oublie il est trop plein et qui dit trop plein dit déborde sur les mains , les bras et j'en passe ...c'est bizarre pas de mauvais souvenirs, c'était comme ça … »

« Point de cabane lors des semaines en forêt avec les "gradés"....! un simple trou et du grésil pour "assainir"....! quant au journal ....la feuille des arbres faisait affaire....! peu romantique comme souvenir mais la devise était "chie dur, chie mou, mais chie dans le trou...." »

« Très peu de souvenirs mon ami, ayant été en pension dès l'âge de 6 ans, il y avait là-bas des commodités modernes .... J'ai malgré tout souvenir d'avoir usé de ces cabanes, souvenir très vague mais chose étrange votre description des sensations éprouvées à vous et nos amis me sont familières ! J'ai des flashs de cette angoisse, de l'odeur, des mouches .... Ce que j'éprouve est très bizarre une sensation de connu, de vécu mais très vague ! »
« Cet édifice branlant ornait mon jardin quand je suis arrivé ici et il était utilisé.....jusqu'au jour où ma compagne a été surprise (horrifiée même) de constater que le lieu était squaté par une magnifique couleuvre....la sortie en catastrophe (culotte aux genoux) a été assez croquignolesque .»

« Sans oublier l'édicule dans lequel Michel GALABRU  dérivait sur un cours d'eau car , pour des raisons pittoresques , " sa cabane du fond du jardin " se retrouva embarquée à l' arrière d'une embarcation genre futreau de Loire . L' auriez - vous secouru dans de telles circonstances  ? »

« Chez moi, à Nice, on appelle ça un « cagadou ». Une cabane au dessus d'un torrent, je me souviens du grondement effrayant de l'eau, avec la peur de je ne sais quelle chute ! »

« Billet quelque peu trivial, mais toujours d’époque.
 Je me souviens bien des « cabinets » de ma grand-tante, posés sur un petit torrent, Royo comme on dit chez moi dans les Hautes Vosges.
 C’était nickel, mais même en été, on ressortait de là les fesses gelées, tant l’air venant du torrent était froid ! »

« Allez vous balader sur la mer de glace et remontez le glacier de Léchaux rive droite, face aux grandes Jorasses, jusqu'au refuge du même nom, du type "boîte de jambon" retenue à la paroi par des câbles. Pendant que vous y êtes, allez donc aux toilettes, de préférence l'après midi pour voir le papier remonter jusqu'au plafond à chaque tentative de le jeter dans le trou... qui conduit toutes les "matières lourdes" vers le glacier. Ramuz a raison : "la pensée remonte les fleuves" et le vent remonte les vallées l'après midi... »

« Ça me fait penser à un passage d'un bouquin : "Tziganes" de Jan Yoors. Il y était dit que les Roms Lovara trouvaient indécent d'avoir des toilettes, car quand quelqu'un s'y rendait, tous les autres savaient ce qu'il allait y faire alors que cela relevait de la plus grande intimité. Eux allaient philosopher dans la nature, en partant comme pour n'importe quelle autre balade. »
« Quelques rochers en croissant de lune vous dissimulaient du refuge. Un simple trou avec un spectacle à vous donner le vertige. Le lac de Serre-Ponçon s'offrait à votre admiration. Perché à 2 200 mètres, vous étiez maitre du monde, le pantalon en bas des jambes. Votre dépôt terminé, il fallait brûler le papier, ce qui n'était pas une mince affaire avec le vent qui soufflait en cet endroit. »
« Je m’en souviens aussi... 
Mais nul mystère, dans la cabane près de la ferme : un petit ruisseau coulait sous le siège, qui enchantait les oreilles du résident temporaire. 
Les canards, à la sortie, faisaient le ménage...Recyclage assuré !
 On prenait son temps et on s’instruisait : lecture du journal local, de Spirou.
 On échappait aussi pour un temps à la surveillance parentale. »

« Dans mon enfance, nous avions aussi un petit coin au fond de la propriété, tout près du tas de fumier, dont mon père se servait pour le jardin. Des couches de papier de toutes sortes étaient accrochées à l’une des parois, et des toiles d’araignées tapissaient le plafond.

Mais ce petit coin servit aussi à autre chose.

Comme il y avait un vieil arbre couvert de lierre à proximité, mon père, les jours d’hiver, se mettait « à l’espère » dans le cabinet, son fusil à portée de la main. Il était ainsi protégé du froid, et pouvait surveiller merles et grives venant déguster les graines.

 Enfant, j’arrivais en courant, comme tous les enfants. Voyant mon père installé avec son fusil, je disais « papa, ça presse, vite » et il sortait en rouspétant que j’avais fait fuir les oiseaux.
 »

« Et y’avait même pas besoin de mettre une pièce pour que la porte s’ouvre et se ferme ?
 De quoi rendre JC. Decaux malade  ! »

« L'épandage aussi m'a marquée. Production collective qui rapproche l'humain de la terre dont il est issu et à laquelle il est censé retourner un jour... Je me souviens d'un oncle à la manœuvre, qui crachait dans ses mains avant d'étaler le limon au bout de la fourche... Devant mes yeux d'enfants horrifiés (je restais à distance comme quand on tuait une poule ou un lapin), il clamait qu'il n'y avait pas mieux, qu'on récolterait les meilleurs légumes la saison suivante »

« Chez mon grand-père c’était très étudié !
 En amont (la maison était sur une pente) le tas de fumier. L
es liquides (pluie polluée) partaient dans une canalisation à 1 m de la surface.
 Cette canalisation traversait un petit bâtiment : dans l’ordre
- poulailler : une petite pièce
- cages à lapins 
- une petite pièce
- coin wc avec siège percé en bois, journaux accrochés à la cloison. Cette troisième pièce outre la cabane wc contenait un ’bloc" pour casser le bois, un petit stock de bois cassé pour allumer le feu, le matériel pour tuer et dépouiller les lapins et plumer les poules.
Après avoir traversé la cour, la canalisation récupérait le purin de l’étable et terminait par une fosse devant le logement du cochon ! »

« J’ai connu ça dans ma jeunesse en Touraine, les pages de journal coupées en 4 directement
attachées avec une ficelle sur une paroi . La cabane était directement au dessus du trou où l’on mettait le fumier des lapins, des poules et des oies, le broc d’eau servait à la maturation du tout ! La nuit, nous allions nous coucher avec le seau hygiénique dans des lits sans draps de dessus, juste un édredon en plume d’oie fait par ma grand mère. Dans mon chalet, j’ai des WC chimiques mais j’ai gardé la cabane originelle sur le terrain et chaque fois que je passe devant je me souviens comme ma jeunesse est loin  désormais... »
« Chez nous, nous avions les WC dans la maison. Invité chez un lointain cousin alsacien dans les années 55, je fus pris d'une envie subite. J'ai dû me rendre dans la cabane que ma tante avait désignée comme étant l'endroit que je cherchais. Pas de lumière en ce lieu et pas de lampe de poche pour cette aventure nouvelle, pour moi. Je cherchais le fameux trou à l'aveuglette et j'ai fini par uriner là où j'estimais viser juste. Ça éclaboussait un peu ! Le lendemain, je suis revenu au grand jour sur le lieu de mes exploits. J'ai aspergé le couvercle ! »
« Chez nous, en Berry, la cabane était au fond de la cour, derrière les clapiers à lapins. La nuit, les lapins faisaient grand bruit. Nous, les enfants, étions effrayés par ce vacarme. Le produit de nos entrailles tombait dans une grande casse (marmite en fonte de 100 litres de contenance). Quand celle-ci menaçait de déborder, il fallait la charger sur une brouette pour aller la vider dans le jardin distant d'un bon kilomètre. Nous traversions le village dans ce bel équipage. Un jour, l'oncle alors âgé de 16 ans, ayant sans doute mieux à faire voulut s'acquitter de sa corvée avec empressement. Ce qui devait arriver, survint pour sa plus grande honte, la casse chut de la brouette et se renversa au beau milieu de la rue centrale qui par bonheur était en pente. L'oncle se prit une avoinée mémorable et s'en est allé sans rien ramasser. Les gens du bas de la rue ont du en profiter ... »
Dans les années 60, en pension dans une ville réputée pour ses usines de parfums, je passait mes week-end chez des amis de mes grands parents, qui cultivaient les fleurs. La cabane existait bel et bien, mais c’était, en guise de « trou » une énorme jarre de terre, dans laquelle l’on allait se soulager,distante de la maison de bien 20 m ! Et le comble du raffinement, c’est que lorsqu’elle était pleine, on « touillait » le contenu, puis à l’aide d’une vielle casserole l’on remplissait des seaux, que l’on déversait dans le système d’irrigation des parcelles cultivées afin de servir d’engrais ! Écologique avant l’heure ! A la saison des fleurs c’était impec, le parfum de celles-ci servait de déodorant, mais l’hiver !! ça caillait (tout d’ailleurs).
Il y a plus d’un demi-siècle, les vendangeurs étaient nourris, logés, abreuvés (je l’ai souvent été au Corbières ou au Minervois) et dotés d’un seau hygiénique.Nous l’utilisions au chant du coq, dans une rangée d’isoloirs fermés par des rideaux, disposés dans un couloir bien aéré, à raison de cinq ou six pour les hommes, porteurs et charretiers et d’une bonne vingtaine pour les femmes, la mousèigne et ses coupeuses. Outre son côté pratique, le seau hygiénique avait un aspect divertissant au plan musical.
Caisse de résonance de nos embouchures naturelles, nous étions charmés par un concerto d’instruments à vent difficiles à orchestrer.
Une joyeuse cacaphonie qui mêlait flutiaux et hélicons nous faisait commencer la journée de bonne humeur. Il suffisait de « parler de cul pour faire rire la figure ». Puis venait le cérémonial du vidage, toute honte bue pour celui -ou celle- qui avait tiré des coups de tromblon, inconvénient notoire d’une soirée cassoulet.Nos délestages voguaient de ruisseau en ruisseau, jusqu’à un confluent. Le plus évocateur de son triste destin passe sous l’ A 61 et se jette dans l’Aude entre Trèbes et Floure, bien signalé par un splendide panneau. J’allais vous quitter sans vous dire son nom : Le Merdeaux...ça ne s’invente pas.
Dans les années 70, chez papy, c’était cabanon au fond du jardin, annuaire effeuillé pendant à une ficelle, mille mouches vertes et bleues bien dodues, et surtout l’été ça fouêtait copieusement... Dire qu’il aurait suffit d’y ajouter de la sciure ou des copeaux pour y supprimer toute odeur... Curieusement ça ne se faisait pas alors qu’on connaissait à l’époque les vertues de la sciure dans les bars pour couvrir les renards....

Ainsi se termine ce récit épique. C'est avec regret que nous quittons ces tranches de vie. La modernité s'est installée chez vous, cabinet de toilette et cabinet fermé de l'intérieur furent les deux éléments du confort des trente glorieuses. La machine à laver a libéré la femme, les WC ont soulagé beaucoup d'entre nous. Pourtant, nous gardons un souvenir ému, de cette période durant laquelle l’eau potable n’était pas utiliser pour évacuer nos excréments.


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