mercredi 13 mars 2019

Le canal d'Orléans - 1 -


Une idée à creuser



Il était une fois une cité qui s’était vue détrônée par la faute d’un canal. Désormais sur le grand et beau fleuve royal, les vannes du commerce destiné à la Capitale ne s’ouvraient pas toutes désormais sur Orléans. Des écluses s’étaient mises en travers d’un destin jusqu’alors glorieux.

En Orléans, il fallait creuser une idée afin de domestiquer les flots le long d'un autre chemin de halage. Des hommes prirent alors des pioches et leur courage à deux mains pour percer un large sillon d'Orléans jusqu'à sa forêt éponyme. Les travaux étaient de taille, ils regardaient au loin pour rejoindre ce Loing qui conduisait depuis quelques temps bateaux et péniches jusqu'à la Seine.

La paix niche dans ceux qui eurent l'ambition de relier les fleuves : Loire et Seine. Hélas, le temps parfois se joua d’eux. Une autre invention détrôna le bel ouvrage que des hommes inconstants laissèrent à l’abandon. Le chemin de fer d’abord, puis l’autoroute ensuite eurent raison de la voie d’eau qui en dépit des conventions et des promesses se trouve toujours le bec dans les flots comme ses amis les canards. Des travaux titanesques s’imposeraient aujourd’hui afin que le tourisme fluvial puisse à nouveau rappeler le temps béni du canal d’Orléans.

Tout commença pourtant de fort belle manière. Nous sommes en 1676 et le sieur Robert Mahieu, grand bourgeois qui a fait fortune dans le commerce du bois, homme aux dents longues et affûtées, installé dans notre belle forêt d'Orléans, demande à son bon Duc, l'autorisation de construire une voie d'eau à partir de Lorris pour rejoindre le Loing et ainsi faire commerce avec Paris. L'idée est bonne, elle est rondement menée et deux ans plus tard, le tronçon de Vieilles-Maisons à Buges est ouvert. En 1679, notre négociant voit plus grand et se met à lorgner vers la Loire et la ville d'Orléans.

Hélas, le projet est trop ambitieux pour sa bourse, les fonds sont à sec et l'homme cède le canal au duc d'Orléans. Celui-ci, n'est pas plus que le roturier, capable de mener à bien la belle idée. Le projet aiguise de plus grands appétits et un architecte flanqué d'un financier se jettent à l'eau. En 1692, la grande liaison devient possible, de la Loire à la Seine en passant par chez nous !

C'est alors un siècle d'or pour le commerce local. Le canal fonctionne à plein régime. Les bateaux sillonnent la région, il y a grande presse dans nos petits ports et grosses animations en fin de soirée. Les mariniers ont le vent en poupe et le halage humain. C’est à Combleux qu’ils quittent la Loire pour emprunter le canal. Mais les mariniers sont ainsi faits qu'il s'établit alors une distinction entre ceux du fleuve qui se croyaient les seigneurs de l'eau et ceux du canal qui héritèrent du triste surnom de « Gueule noire ! ». Cette bataille ne nous concerne pas, laissons-là ces manants à leurs vaines querelles !


Il n'est pas certain que cette triste discorde redora la réputation bien chargée par ailleurs de ces mauvais gars, plus habitués à lever le coude et le jupon que le niveau de l'eau. Le canal fut l'occasion de querelles et de jurons, de propos de charretiers et de gestes déplacés. Les habitants des villages traversés tremblaient pour l'honneur des dames et les oreilles des enfants. Cependant, tout semblait baigner pour notre long ruban d'eau au cœur de la forêt. Pourtant, l'histoire vient mettre son grain de sable dans les rouages. En 1793, le propriétaire du canal perd la tête, Philippe Égalité est raccourci par les révolutionnaires et le canal tombe dans l'escarcelle de l'état naissant. Les années suivantes ne sont pas un long fleuve tranquille. Le canal change souvent de propriétaire au gré des différents régimes politiques. Il y a du mou dans la corde à nœuds !

En 1863, après bien des tourments, la gestion du canal est confiée aux ponts et chaussées. Hélas, si le bail est fixé à 91 ans, l'espérance de vie de la navigation fluviale sur la Loire a pris un sérieux coup dans l'aile. Le transport fluvial est un ami de la planète, il avait de louables intentions ; peu gourmand en énergie, il exigeait simplement la force de quelques hommes ou bien de solides chevaux pour aller porter de lourds chargements au port.

Alors quand le chemin de fer triomphant fit taire les derniers jurons, chacun pensa que la paix était revenue au doux pays des loges. Grave erreur, si les mariniers ne vinrent plus troubler la quiétude des lieux, on se rendit compte bien vite que la vie, le long du canal avait perdu tout son charme. Les écluses restèrent muettes et immobiles; seuls les pêcheurs trouvèrent un intérêt à ce silence des eaux.

On fit bien une tentative aussi dispendieuse qu'illusoire en construisant un prolongement du canal de Combleux à Orléans. De 1908 à 1921, des hommes reprirent la pioche pour creuser une nouvelle tranchée. Beaucoup même passèrent maîtres dans cet art terrassier et allèrent quelques années durant exercer leur compétence en contrée belliqueuse. Cet intermède sinistre qu'on nomma La grande Guerre retarda la fin des travaux. Celle-ci arriva bien tard pour avoir une quelconque utilité.

Le 3 juillet 1921, l'inauguration en grande pompe du tronçon Orléans-Combleux ne changera rien au déclin de notre marine. Le progrès était passé par là, il était alors sur de bons rails. Le chemin de fer puis la route raflèrent tout le fret de marchandises. Le Canal fut une fois encore un gouffre financier qui venait souvent à manquer d’eau.

D'autres poursuivront la tradition locale en bouchant puis en débouchant cette portion qu'on dirait maudite. Le canal se meurt, il a rêvé d'un renouveau qui se heurte aux écluses qui ne fonctionnent plus. Quelques-unes sont en état mais il faudrait tant et tant de travaux et d'argent pour les voir revivre que c'est à désespérer que cela se fasse un jour.

Il ne reste que des rêveurs pour emprunter la voie d'eau, vous mener en bateau sur la belle de Grignon. Ceux-là montent sur leurs grands chenaux et ont construit une flûte berrichonne avec amour et patience.Faire résonner le passé glorieux de notre marine du canal est aussi le projet de nos amis des Chemins de L'eau qui espèrent un jour aller de la Loire à la Seine en passant par la forêt d’Orléans.

 Photographies de Pirate de Loire


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