La
peur qui donne des ailes !
Voilà
une posture qui demande bien des qualités et pose plus de problèmes
qu'elle n'en résout. On marche sur des œufs comme d'autres sur des
charbons ardents. C'est sans doute une question de génération ;
le charbon a été renvoyé dans les oubliettes de l'histoire :
il donnait mauvaise mine ! Les œufs ont supplanté le boulet, ils
sont sortis de leur coquille, les poules de nos jours pondent au-delà
du raisonnable …
Il
est certain que le vocabulaire évolue au gré des progrès
sociétaux. On peut envisager une étape nouvelle, le nid-de-poule
ayant, paraît-il, disparu de notre univers routier. Affirmation bien
sujette à caution : on ne circule plus de nos jours sans
casser des œufs et épuiser nos amortisseurs. L'état et ses
substituts locaux apparemment ne sont plus en capacité d'entretenir
le réseau routier, c'est pourquoi sans doute, dans un avenir proche,
nous reviendrons à la marche.
Il
nous faudra alors marcher sur des œufs en ayant bien soin de séparer
la ligne blanche à ne pas franchir, de la ligne jaune qui est passée
de mode. La signalétique routière n'a d'autre objet que de
transformer la chaussée en patinoire y compris avant que monte la
neige au créneau. Le sel qu'on y déverse alors favorisant le
travail du pâtissier qui, de Paris à Brest, cherche à obtenir une
consistance idoine et une adhésion ad hoc.
Marcher
sur des œufs c'est encore faire l'impasse sur la seule question qui
vaille dans l'histoire de l'humanité : « Qui de l'œuf ou de
la poule a commencé ? ». La réponse soulagerait les
défenseurs des animaux qui n'osent imaginer que nous puissions
piétiner des poules pour nous donner des ailes. Le foulage de l'œuf
devenant alors un pis-aller, une manière de ménager la crémière.
Il
est incroyable de penser qu'on peut se prendre de bec quand le simple
examen d'une expression ordinaire donne du grain à moudre aux
polémiques du moment. On marche sur des œufs, on ne respecte pas la
poule et on laisse tranquille le coq qui fait le beau sur le clocher.
Il faut admettre qu'en ce lieu, il est à l'abri de nos piétinements
intempestifs à moins que les batailles de clocher de l'heure, ne
mettent à bas ce perchoir si peu œcuménique !
Des
esprits rationnels trouveront mon propos sans queue ni tête. C'est
méconnaître la morphologie des gallinacés. C'est la crête rouge
de colère que je leur réponds qu'ils feraient mieux de ne pas venir
ici brouiller les œufs et ma nécessaire réflexion. S'ils veulent
mettre les œufs dans le plat, qu'ils aillent se faire fouetter
ailleurs ! Je leur fais d'ailleurs aimablement remarquer que je ne
les ai nullement invités à aller se faire cuire un œuf ; la
marche serait trop simple pour qui a le mollet souple.
Nous pourrions en venir aux mains. Je me vois leur pocher un œil ou
bien le leur mettre au beurre noir. Ils pourraient se retrouver avec
un œuf de pigeon sur la tête, toutes choses que je désapprouve.
Revenons donc à plus de tranquillité et évitons de nous conduire
comme une poule qui a trouvé un couteau. Ne tuons pas ce billet dans
l'œuf, il mérite d'éclore au grand jour. Laissons- le se faire
aussi gros que le bœuf que je n'ai nulle intention de voler ….
J'en
arrive au terme de cette démonstration laborieuse. J'ai pondu un
billet dont je n'ai pas à être fier. Inutile de mirer le résultat.
Il ne laisse pas passer la lumière ; la fable n'est pas fraîche
et l'ampleur de la tâche a étouffé mon ambition dans l'œuf. Je
retourne, l'air penaud, à mon point de départ. Je récupère tous
mes œufs, les range dans mon panier tout neuf et cesse de me
torturer un crâne parfaitement dégarni.
Laissons
en paix la poule aux œufs, elle dort en paix ! Fermons l'enclos, le
renard pourrait venir nous mettre tous d'accord. Quittons le
poulailler sur la pointe des pieds. C'est l'heure de revenir à de
plus sages intentions. Chercher du poil aux œufs ne nous a conduits
nulle part. Laissons la volaille couver, j'espère que vous n'avez
pas gobé cette farce !
Ovulement
vôtre.
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