mercredi 15 août 2018

Il fait de ses rêves des chansons.

De Bâbord tout autant que de tribord



    « Il était une fois », un enfant de la Bretagne...Celui-ci a grandi tout près de la pointe de Corsen, ce bout du bout d'une terre qui se finit en mer. Ce sont  les embruns, le ressac et les histoires lointaines qui l'ont bercé.  Il a  traîné le long des quais, des cales à bateau, des tavernes où les hommes chantent fort et  où les demoiselles se perdent dans les promesses de ces aventuriers. Lui qui rêvait  de grand large, il  a fini par échouer le long de notre Loire.
 Devenu chanteur de la Bouline , il  a écrit pour ce groupe ,  quelques-unes de ses plus belles chansons de Loire. Cependant ayant gardé dans son cœur le souvenir de cette Bretagne qui l'a  construit , il avait besoin de retrouver ses racines,  de se faire raconteur d'histoires marines , de laisser un temps le fleuve royal pour embarquer bien plus au large .
 
    Flanqué de Nicolas son accordéoniste, Daniel nous prend par la main. Il nous invite à une soirée autour du feu. C'est un grand- père qui a pris sa guitare pour enchanter ses petits- enfants. Nous sommes conviés à ce moment si intime ; spectateurs par effraction, nous retenons notre souffle pour ne pas briser la magie du moment.

    L'homme explique d'une voix douce chacune de ses chansons. C'est un conteur qui prépare le chemin, c'est un passeur d'émotions, un voyageur en chanson. Il alterne ainsi  récits et poèmes en musique. Nous partons avec lui pour une belle aventure qui va nous conduire sur bien des mers, bien des quais, bien des côtes.

    « Il était une fois » un charpentier de bord qui avait laissé deux doigts sous les dents de la si redoutable scie. L'homme ne peut plus exercer son métier, il va raconter des histoires, un peu comme ce Breton qui se fait marin avec sa guitare. Nous allons le suivre et vivre un autre récit auprès d'un pont de pierre, manière de rendre hommage à Beaugency et la légende du chat.

    Avant de filer à l'Ouest, nous nous octroyons une dernière halte sur la Loire. L'auberge de la Marine nous ouvre ses portes. Un endroit merveilleux à qui Daniel a offert pour toujours une chanson qu'on ne peut oublier. Puis «  Le rêve d'Isabeau, » nous conduit en pays de poésie. Abandonnant nos soucis, nous partons au fil des mots et des notes pour un long voyage.

    Il faut naturellement faire une halte à Nantes. C'est sur le quai de la Fosse que le chantier naval construisait alors ces gros bateaux qui émerveillaient le petit Daniel. Hélas, les chantiers navals ont fermé et au bistrot du coin,  résonne la nostalgie d'une époque révolue. C'était le temps des filles à marin, des gamines qui perdaient leur fleur contre la peau salée de ces gars qui allaient si loin. Marine est de celles-là !

    Daniel laisse cette fois les rives de la Loire ;  c'est à Brest qu'il pose son sac de marin. Entre brumes  et Mac Orlan, nous errons  sur le pavé des quais. Crainte, peur, espoir et désespoir des hommes de mer et de l'enfant qui traîne ses guêtres, des rêves plein les yeux. La réalité pourtant est parfois si sordide. Ainsi ces bateaux poubelles, abandonnés par leurs armateurs avec des hommes pris au piège. Nous partageons, le temps d'une chanson,  la vie de ces pauvres épaves humaines …

    Le chanteur a pris son élan, il monte à bord d'un clipper à remonter le temps. Nous allons vivre quelques épisodes peu glorieux de la marine à voile. Nous commençons ce périple à bord de l'Old América, passons le cap Horn avant de filer à la recherche périlleuse du passage du Nord-ouest. C'est la terrible expédition Franklin dont personne ne reviendra.

    La mer est impitoyable, les hommes tout autant. Nous embarquons de force sur un navire marchand. Des trafiquants d'hommes nous ont enivrés, assommés ou trompés. Il faut des matelots et tous les coups sont permis. Nous nous réveillons en route vers le Pacifique, pauvres shangaïés au réveil si brutal !

    La Bretagne revient nous saisir par ses légendes terrifiantes : celle de la barque de l'Ankou dans laquelle,   la faux à la main, la camarde attend son heure. Ce ne sera pas pour ce soir de tempête, elle patientera cette fois-ci !  Il y a hélas,  toujours une place sur le « Bag Noz » le bateau des trépassés. D'autres sont allés bien loin pour embarquer à bord de ce redoutable rafiot. Victor et Louise sont les oubliés de Saint Paul, une île sortie de la mémoire des hommes en pleine crise de 29.

    Daniel nous donne la clef de cette passion dévorante :  un film, à l'époque de la télévision en noir et blanc et de la chaîne unique. À 19 heures 40, le petit garçon qu'il était,  embarquait avec la capitaine Armand Troy. Des aventures , de belles femmes, des paysages des mers du Sud ;  il n'en fallait pas plus pour troubler l'enfant et faire naître la légende qu'il construit aujourd'hui.

    D'autres souvenirs  encore nous feront découvrir cette aventure personnelle partagée  au cours de ce tour  de chants et de mers. Je vous souhaite de pouvoir, à votre tour, embarquer à bord du petit bateau de bois qu'un grand père avait creusé dans une branche avant de le mettre à la rivière. Pour qu'il aille plus loin, le vieil homme avait glissé à l'oreille de son petit -fils : « Charge le bateau de tous tes rêves ! » …

    Grallement sien.


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