Un grand homme méconnu
Il
était une fois, il y a bien longtemps de cela, un garçon qui naquit
au bord de notre Loire. entre 1105 et 1120, un espace bien assez
grand pour se perdre en chemin. Maurice n'avait pas eu bonne fée
pour se pencher sur son berceau. Le destin et la Loire commencèrent
donc par lui jouer mauvais tour en apportant son père lors d'une des
colères dont le fleuve a le secret.
Maurice
grandit, enfant de rien, auprès de sa pauvre mère qui pour vivre,
fabriquait des balais de genets, entretenait
un maigre lopin de terre en ayant repris le métier de son homme, un
bûcheron à la tâche. La pauvre femme, dans son malheur, avait le
bonheur de n'avoir qu'un fils aux yeux si brillants qu'il fut vite
remarqué par le curé de Saint Germain.
L'homme
de Dieu prit l'enfant sous son giron, lui enseigna quelques rudiments
du peu de latin qu'il savait et surtout, chose si rare à l'époque,
lui apprit à lire. Maurice avait un esprit vif, un appétit de
savoir, une mémoire incroyable. Le brave curé comprit que son élève
allait bien vite dépasser son maître et en parla aux moines
bénédictins de l'abbaye de Fleury.
Voilà
comment va le cours des choses et l'on peut passer de l'obscurité à
la gloire par le seul truchement d'une colère de la Loire. C'est
d'ailleurs sur le fleuve qu'il se rendit chez ceux qui allaient
l'initier aux mystères insondables. Les chemins étaient peu sûrs
et c'est toujours sur la Loire que l'enfant revenait rendre visite,
bien rarement, il est vrai, à sa pauvre mère qui s'usait à la
tâche.
Maurice
eut, privilège suprême, droit à l'enseignement des bons pères. Il
profita ainsi de ce qui se faisait de mieux à l'époque. Son talent,
ses prédispositions pour les études firent merveilles. L'enfant
devint bien vite, l'élève le plus brillant du monastère. Les
enfants des notables voyaient d'un mauvais œil, ce fils de personne,
leur disputer la première place. De cette période, Maurice garda
toujours au cœur, le respect des plus humbles.
Maurice
fut bien vite à l'étroit entre les murs austères de l'abbaye de
Saint Benoit. Le père supérieur le recommanda, et cette fois, c'est
à pieds qu'il partit poursuivre son chemin de culture et de savoir à
l'université de Paris. L'adolescent d'alors, quoique recommandé,
n'avait pas de subsides pour survenir à ses maigres besoins.
Il
mendiait son pain et dormit quand il le pouvait durant ses années de
théologie. Sa mère était bien incapable de lui donner de quoi
payer ses études et grand privilège il avait que de pouvoir étudier
quand on est comme lui, fils de rien et enfant de serf. Maurice avait
la foi chevillée au corps et une force si grande que rien ne lui fit
dévier de son but.
À
l'Université aussi, Maurice fut un exemple et un modèle pour les
enfants des grands du royaume. C'est là qu'il noua des liens étroits
avec celui qui deviendra plus tard Philippe Auguste, bon et grand roi
de France. En entendant, il lui fallait pour survivre, tendre les
bras à la religion catholique, c'était son seul espoir, quand on
n'a pas de nom, de s'élever parmi les hommes de cette époque.
Bardé
de tous ses titres universitaires, Maurice s'en retourna dans notre
région.
C'est à Bourges qu'il se fit chanoine pour démontrer sa
grandeur d'âme et ses immenses mérites. Sa réputation fut si
grande, que l'enfant de la bûcheronne fut appelé dans la capitale.
Il fut enfin admis au rang d'ecclésiastique malgré ses origines
serviles le 11 octobre de ce l'an de grâce 1160. Plus de 40 ans pour
faire oublier ses trop humbles origines : quelle époque !
Maurice
n'oublia jamais d'où il venait et avait besoin de vivre auprès d'un
fleuve comme il le fit toute son enfance. À défaut de Loire, la
Seine devint son royaume des flots. C'est sur l'île de Lutèce qu'il
entreprit son grand œuvre, ce don qu'il légua à la postérité.
C'est
lui encore qui garda le trésor du royaume quand son ami devenu roi,
Philippe Auguste, partit en croisade. Il tint encore sa croisade
personnel en pourfendant le péché de chair. Naturellement, Maurice
s'enrichit comme le faisait à l'époque tous les princes de
l'église, il aurait aimé faire venir auprès de lui sa pauvre mère
mais la misère avait eu raison d'elle bien avant sa formidable
ascension. Puis, quand la vieillesse le prit, il se retira au bord
d'un fleuve : La Seine, pour mourir en paix en l'abbaye Saint Victor
en 1196.
Tous ses biens allèrent aux pauvres en souvenir de l'enfant
nécessiteux qu'il avait été.
Il
ne vit pas la fin de son grand œuvre. Notre Dame fut achevée en
1250 par Eudes de Sully, un autre gars de ce pays. Notre Dame doit sa
grandeur à Maurice un petit gars des bords de Loire, un enfant de
chez nous. Gloire lui soit rendue ici, en ce récit menterie. Si tout
n'est pas vraiment exact, rien ni personne ne viendra me démentir.
Beaucoup d'eau a coulé depuis ces temps obscurs. Quand on raconte
l'histoire d'un payS de Loire, on peut bien s'offrir quelques
libertés.
Sulliassement
sien.
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