samedi 25 août 2018

Le Bonimenteur de Loire



C’'Nabum par lui-même en toute immodestie




Un curieux Ligérien en bordure rivière comme en lisière de forêt, sur un quai ou bien sur un tonneau va son train en recueillant ou collectant histoires et récits, témoignages et anecdotes. Il fait son miel des aventures marinières, de la grande Histoire et des légendes de jadis qui s’épanouirent sur les rives de Loire. Ne reculant devant aucune menterie, il brode à sa fantaisie d’incroyables tissus de mensonges ourlés de quelques vérités qui finissent par se grimer en contes ou en fables en prenant les habits de la farce.

Il se fait, tour à tour, compagnon de Merlin, barde gaulois, ermite de la grotte Béraire, jeune mousse partant à l'aventure, marin revenant de l'enfer, historien approximatif ou tourneur de phrases alambiquées. Il chemine d'un pas tranquille en suivant les rives, passant de l'une à l'autre pour humer l'air du temps et l'esprit de l'eau, préférant aller à contre-courant des modes et surtout des convenances. L’irrespect est son sceau lui qui est avant tout un berlaudiaud ou un âne bâté.

Un falot perché sur un tonneau devient son blason. La lanterne éclaire son chemin tout en restant allumée au cœur de la tempête. Le lascar ne se prétend pas seigneur sur l’eau, lui qui en toutes circonstances restera éternellement un gueux. Ne sera pas plus capitaine, il est bien trop maladroit pour mener un bateau même si c’est là qu’il compte vous mener par le bout du nez. Toutes les embarcations de ses compères lui serviront de scène pourvu qu'il n'y soit que passager bavard et équipier qui n’a aucun nœud marin à réaliser.

Il se contente d'un rafiot transportant quelques barriques de musique. Il ne connait rien à la musique, se contentant d’écrire quelques paroles en suivant l'aiguille d'une boussole qui a perdu le nord, d’un sextant cherchant désespérément son étoile, d’une carte en quête d’un trésor fabuleux. Les vers de ce manant sont forcement bancals. Qu'importe, C’’Nabum, bateleur des champs de foire, bouffon des cales, habitué des tavernes ne vous fera jamais l’affront de les chanter.

Souffleur de vent comme quelques collègues de son acabit, il laisse glisser ses mots à la surface de rivière. Allant vers l'amont ou filant vers l'aval, ils reprennent les rumeurs des berges. Il aime à partager la Loire en belle compagnie : joyeux farfadets, korrigans espiègles, diablotins égrillards, hédonistes lascifs tous amateurs de nos vins de Loire et de la bonne ripaille.

Descendant de François Rabelais par la cuisse gauche, il est le compagnon de Galifon, le cousin germain de Gargantua. La farce est son domaine, le rêve son pays. Il prend la plume pour composer ses sornettes, avant que de se faire un malin plaisir à vous les distiller à la moindre occasion. Il vous balade, vous emporte, vous moque ou vous pique pour le seul plaisir de vous divertir.

Il vous invite à emprunter une petite porte dérobée. Vous y taquinerez l’Ankou à moins que ce ne soit Méphistophélès en personne. Il vous convaincra de tirer sur les auréoles de Saint Nicolas, Saint Clément, Saint Roch et Sainte Catherine et sur la queue ou les cornes de Lucifer et Satan selon vos préférences. Quant à tous les mauvais diables qui sur terre, jouent à se prendre au sérieux, à abuser de leurs pouvoirs et de leurs fonctions, foi de guêpin, il se fera un devoir sacré de les piquer sans façon et de leur botter l’arrière train.

Ses Bonimenteries sont nées du mariage consanguin de la carpe et du garenne, de la convergence de Loire et de l'Histoire tout autant que de la fantaisie et de la gouaille de ceux qui renoncent à faire courbette aux Princes et à toutes les canailles. S’il prend l’habit des mariniers d’antan, ce n’est pas pour faire allégeance aux marchands et à leurs descendants. La subversion est son domaine. En le suivant dans son univers, sachez que le risque est grand de n'y rien comprendre, de vous noyer sous un flot de mots tordus, abscons ou obsolètes tous sortis d'un foudre mis en perce par temps d'orage une nuit de pleine Lune au milieu d’un grand sabbat. Faites désormais selon vos envies mais s’il vous prend la fantaisie de l’écouter, sachez que ce sera à vos risques et périls.

Avertissement vôtre.


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