dimanche 15 avril 2018

La véritable origine de la rivière Loiret.



Le domaine des Dieux.



Il fut un temps fort lointain- bien avant que Clovis ne confiât à Euspice et à son neveu Mesmin, la pointe marécageuse entre Loire et Loiret- un territoire, au sud de la Loire, désespéré d'être privé de cours d'eau , à côté de la grande rivière qui attirait tous les regards et d'innombrables dévotions. En ce temps jadis, quand les hommes avaient besoin de miracles ou de prodiges, ils ne faisaient appel ni à la prière ni à la politique mais aux êtres doués de pouvoirs extraordinaires.

C'est ainsi que, tout naturellement, les gens d'ici allèrent quérir le bon géant débonnaire : Galifront. D'une taille démesurée et d'un appétit sans pareil, Galifront accepta de prêter main forte à ces pauvres moustiques qui vivaient sur cette terre, en harmonie alors avec tous les autres habitants. Il n'avait pas de raison de leur refuser un petit service pourvu qu'ils pourvoient en abondance à ses multiples agapes et libations. Le géant n'est pas exempt de défauts ; c'est bien ce qui en fait toute son humanité.

Galifront étudia sérieusement la demande : ces gens qui vivaient au sud de Cenabum réclamaient une rivière. Le géant n'était pas homme à détourner un cours d'eau pour priver les uns de ce qu'il donnerait aux autres. Par la suite, déplorons-le, ce genre de pratique sembla ne pas troubler ceux qui abusèrent de leur pouvoir pour s'octroyer le droit de réaliser pareil forfait. Qui ne se souvient des affreux moines qui détournèrent l'Authion pour le seul profit de leur moulin à eau ? Les gens de Bourgueil débaptisèrent la rivière pour la nommer Changeon, en souvenir de ce larcin aqueux.

Notre bon géant se creusa longuement la tête. Le mont des élus, placé à quelque distance de là, en atteste encore. Il se dit que cet étrange monticule n'est que le fruit de ce grattage capillaire. Galifront n'était pas géant soucieux de son apparence, il y avait entre ses cheveux, si grand désordre de terre, paille et divers intrus de toutes natures tels bracelets, fourreaux d’épée, armures et vase en bronze, même deux épées en fer à double tranchant repliées sur elles-mêmes, que tout cela tomba en formant une butte de taille respectable. Sur près de 12 mètres de hauteur et plus de 70 mètres de diamètre, les desquamations de Galifron sont encore bien visibles.

Reconnaissons, en la circonstance, le peu de jugeote de ce brave géant. Tout disposé à rendre service à ces braves Ligériens, il n'en avait pas moins oublié d'observer la géographie de la région. Mézière-les-Cléry se situe à l'ouest et il y aurait eu fort peu de chance que sa rivière remonte la pente jusqu'à l'endroit où l'on réclamait son office. À sa décharge, Galifront, vivant habituellement dans les étangs de Brenne, n'entendait rien à ces histoires de bassin versant.

Quelques commanditaires osèrent glisser à l'oreille du colosse qu'il se trompait lourdement. Les géants de l'époque n'étaient pas de nature à s'offusquer ainsi et acceptaient encore de prendre conseil auprès des braves gens. Si depuis, de telles pratiques paraissent impossibles, cela ne doit nullement vous faire douter de la véracité de cette fable.

Galifront reprit alors sa réflexion en ayant jeté son dévolu sur la région entre Bouteille et Jargeau pour alimenter son projet. Il y avait bien là quelques ruisseaux susceptibles de servir ses desseins dont laBergeresse, qui sort de terre à la Brosse à Sully sur Loire pour devenir le Leu à Bouteille puis le Dhuy en arrivant à Saint Cyr.

Mais rappelons-le : Galifront ne voulait nullement léser les uns aux profits des autres et c'est alors qu'il eut une idée de génie. Puisque de toute manière, cette rivière retournerait à la Loire, pourquoi ne pas emprunter à celle-ci un peu de ses flots ? La question méritait d'être creusée. Galifront fit alors appel au terrifiant Égoutier, monstre souterrain, spécialiste des galeries obscures et des cavités sous la terre.

Seul Galifront était en mesure d'entrer en commerce avec ce terrible et grossier personnage. L'Égoutier était affublé du terrible syndrome de Tourette qui s'accompagne de propos d'une grossièreté sans nom et de grimaces épouvantables. Le vilain, si infréquentable, passait sa vie à errer dans les profondeurs du sous-sol. Voilà le mauvais diable qui allait lui permettre de remplir sa mission …

Galifront tapa du talon en maints endroits de la Loire. Ce géant pouvait marcher au milieu de la rivière sans même se mouiller le haut du jarret. Chaque coup de pied en fragilisait le lit, fait de calcaire. En quelques impacts, des trous se firent et c'est là qu'entra en fonction l'immonde Égoutier.

Il perça sous la terre tant et tant de galeries que lui-même, entre deux jurons, finissait par se perdre. Il avançait au jugé, cherchant à couper vers l'Ouest tandis que la rivière achevait sa lente montée vers le nord. Il établit un réseau si sinueux et complexe, que les savants de notre époque mirent très longtemps à découvrir l'origine des eaux du Loiret.

Galifront riait dans sa barbe. Il avait réussi un si bel ouvrage que bientôt, en trois points au Sud de Cenabum, des sources apparurent. L'une fut appelée l'Abîme, une autre le Gouffre et la dernière le Bouillon. Elles donnèrent vie à une belle rivière aux eaux étrangement claires et toujours de température constante. La nouvelle venue capta bien vite les eaux du Dhuy et tailla sa route dans le plus merveilleux écrin qui soit.

Ce qu'il avait réalisé là était un chef-d'œuvre d'harmonie et de sérénité. Le Loiret était né. Il allait enchanter tous ceux qui eurent, et auront encore, le bonheur d'habiter le long de ses rives. Belles demeures et moulins, guinguettes et pontons, châteaux et petites folies s'érigèrent au fil des époques.

Galifront s'en retourna dans son pays de Brenne jouer longtemps encore de vilains tours aux humains qui ne respectaient pas dame nature. Il oublia, la chose est fort grave, le méchant Égoutier, toujours affairé à faire du soul-sol de Loire un véritable gruyère. De temps à autre, il manifeste son éternelle méchante humeur, son incomparable mauvaise éducation en provoquant un effondrement que les gens d'ici redoutent et désignent du vocable de bîme.

Bien des maisons, des voitures parfois, des tracteurs et des hommes disparurent dans ces trous béants et sans retour. Il fallait bien payer un tribut à ce somptueux écrin, à cette rivière des merveilles. La rivière elle-même connut quelques frayeurs, toujours de la faute de l'Égoutier mal embouché. En 1672, une nouvelle source : Le Bouillon jaillit dans le parc d'un Château qui devint, bien plus tard, un splendide Parc Floral.

Plus tard encore, en 1879 se combla mystérieusement le Gouffre, une des deux premières sources. L'Égoutier avait encore frappé. Il n'est pas exclu qu'il continue ainsi à nous faire trembler. Parfois même, vous pouvez entendre au bord de l'eau d'étranges jurons, de vilaines insultes. Ne cherchez pas plus loin, c'est notre monstre qui s'énerve. Nul riverain de nos bords de Loiret et de Loire ne serait en mesure de dire pareilles horreurs dans un paysage si beau !

Ignorez le vilain mal embouché et laissez-vous bercer par la magnificence de cette petite Loire. Une promenade le long de ses rives est un pur bonheur, un privilège dont les gens d'ici ont tout loisir de profiter. Le marcheur échappe au temps et aux soucis de l'époque, il chemine, porté par la rivière, ses hôtes et la nature environnante. La prochaine fois, ayez une pensée reconnaissante pour Galifront, l'auteur de cette merveille : la rivière Loiret.

Géologiquement sien.

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