En
quête d’un emploi
Il
était une fois un jeune homme passionné par le travail de la terre.
C’est son grand-père dans un jardin ouvrier qui lui avait transmis
cette passion. L’enfant grandit avec la volonté d’en faire son
métier. Il s’orienta tout naturellement vers un lycée agricole.
Son amour de la nature y trouva son plein épanouissement. Il obtint
un beau diplôme, promesse de trouver rapidement du travail.
Hélas,
les plus belles graines ne germent pas toujours. Le pauvre se
retrouva rapidement le bec dans l’eau. Ne disposant pas d’un
carnet d’adresses, de relations, n’habitant pas dans une région
de maraîchage, il ne parvenait pas à trouver un travail selon ses
compétences et son désir. Il se mit en quête d’un emploi en
allant frapper à une grande porte, celle d’un palais de la
République, là où il y avait un grand parc qui ne demandait qu’à
nourrir les locataires de la place.
Le
gentil jardinier avait ouï dire qu’une journée portes ouvertes y
était organisée. Il se mit en demeure de venir tenter sa chance,
apportant dans un magnifique panier d’osier, tout son savoir faire,
comme une succulente démonstration. Il apporta des poireaux, des
carottes, des oignons, des navets, des pommes de terre, un superbe
chou pommelé et des branches de céleri. Reconnaissons qu’il
dénotait avec son chargement dans la longue file des curieux qui se
pressaient devant les grilles du palais en cette journée du
patrimoine.
Quand
vint son tour, il se trouva devant un grand étal sur lequel, le
locataire en titre avait étalé des colifichets, des gadgets, des
babioles que des produits fabriqués en Chine mais pour sauver les
apparences, bariolés aux couleurs nationales. Les caisses de cette
grande et vaste demeure étaient vides. Les frais pour refaire la
façade de la marraine du Panda grevant terriblement le budget de
fonctionnement.
Quand
vint le tour du quémandeur, le plus courtoisement possible il
proposa ses services au noble personnage, monarque de son état, qui
jouait au camelot l’espace d’un direct à la télévision. Le
vendeur de pacotille lui répondit vertement qu’il avait autre
chose à faire que d’écouter les récriminations d’un
quémandeur, la foule attendait, il convenait aux loyaux sujets de
payer leur écot après les somptueuses dépenses de vaisselle de la
première dame du Duché.
Le
solliciteur saisit la remarque au bond. « Mon seigneur, quand
on dispose d’aussi belle vaisselle, il convient d’y déposer les
plus beaux légumes qui soient. Vous avez un grand parc dans lequel
je me propose de produire selon votre bon plaisir ! » La
remarque déplut à Freluquet qui lui fit remarquer que l’heure
était au dégraissage des effectifs, à la restriction budgétaire
en dehors des frais de fonctionnement de la cour. Qu’il aille au
diable ou alors qu’il traverse la rue pour devenir cuisinier. La
restauration cherche du personnel.
Le
jardinier ainsi éconduit n’avait d’autre solution que de suivre
l’ordre qui émanait de ce noble personnage d’autant plus que les
caméras et les micros avaient saisi ce dialogue. Tous les regards se
tournèrent vers l’homme au panier. Qu’allait-il se passer ? La
foule, toujours désireuse de croire aux belles paroles, voulaient
savoir. Il y eut un murmure qui se fit plus pressant encore : « On
veut voir ! »
Le
garçon n’eut d’autre solution que de répondre à l’injonction
du puissant. Il se lança dans l’aventure ! Sur cette chaussée,
dans de grosses berlines aux vitres teintées, des passagers
profitaient de la suppression de l’ISF pour porter leurs biens en
Suisse ou en Luxembourg avant que les gueux contraignent le monarque
à changer d’avis. Il fallait aller vite. Le pauvre piéton devait
les éviter sous les acclamations d’une foule qui se croyait à la
corrida.
À
mi-chemin, notre homme se figea sur le terre plein central. Il
hésitait de nouveau. Les spectateurs lui hurlèrent des
encouragements. Il reprit sa périlleuse traversée, fit un pas de
plus vers le trottoir d’en face. C’est alors que le président
d’une grande marque automobile, désireux quant à lui de mettre
ses modestes économies à l’abri aux Îles Caïman passa à bord
d’une camionnette blindée. dans sa course folle, le véhicule
faucha le pauvre garçon qui était encore sur la ligne jaune.
La
foule hurla. Le spectacle qui s’offrait à elle était abominable.
L’homme et son panier avaient été réduits en charpie. Tous,
horrifiés de se tourner vers celui qui était, à leurs yeux,
responsable de cet odieux massacre. Freluquet, interloqué qu’on
puisse ainsi s’en prendre à lui, sans se départir de ce ton
hautain qui sied à la grandeur de sa fonction déclara alors :
« Mais que me reprochez-vous là, méprisants vermisseaux. Vous
remettez en cause ma parole de manière, il me semble, bien
présomptueuse. Je n’ai rien promis d’autre à ce personnage que
de devenir cuisinier s’il avait foi en ma parole. Cessez dans
l’instant votre persiflage et admettez une réalité que nul ne
peut remettre en cause. Je n’ai nullement manqué à ma parole.
Vous pouvez remarquer tout comme moi, qu’il vient de réaliser là,
la plus belle soupe de légumes qui soit ! »
Potagement
sien.
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