Tendresse
et Désir, une histoire encore à construire.
C'est
un beau roman auprès d'une rivière qui sent la rose et le printemps
retrouvé. C'est du moins ce qu'écrivent nos raconteurs d'histoires.
Tout n'est pas si simple au pays des amants. Laissons-nous porter par
l'aventure de Tendresse et Désir, leurs atermoiements et leurs
abandons. Il ne faut pas croire qu'il suffit de claquer des doigts ;
l'amour demeure un mystère qu'il convient de préserver.
Elle, tendresse ; éternel
féminin de l'humble bergère, lui, désir : paradigme incertain du
prince pas si charmant que ça, avancent main dans la main sur les
chemins tourmentés de l'existence. Nous sommes au pays des contes de
fées, des songes et des rêves fous. Savent-ils que l'impossible
s'offre à eux : accorder leur violon tout en faisant flèche de
tout bois à la manière de Cupidon ?
Tendresse
réclame douceur et caresses. Elle se laisse porter, l'épaule contre
son compagnon à la simple exaltation des sentiments. Elle est
ouverte, simple et tranquille, à ses fougueux baisers. Elle laisse
s'aventurer ses mains insidieuses, sans leur permettre des contrées
inaccessibles. Désir est un chasseur, un gourmand qui fond sur sa
proie. Il veut investir sa belle, il l'enveloppe, la lutine afin que
ses défenses cèdent.
Le
jeu du chat et de la souris débute entre eux. Les conteurs
d'autrefois s'en allaient sur la pointe des pieds à l'échange du
premier baiser : celui qui a réveillé la belle après un
sommeil sans fin. Ils se contentaient d'affirmer qu'ils vivraient
heureux et auraient beaucoup d'enfants sans se soucier de savoir
comment se réaliserait la chose. Si la conclusion s'imposait aux
lecteurs de jadis, elle n'allait jamais de soi pour nos deux
personnages. Aujourd'hui, il faut pousser plus avant le récit ;
le lecteur réclame désormais quelques scènes plus osées.
Tendresse,
dans la torpeur de son long sommeil, éprouve le besoin d'un retour
en douceur au monde des vivants. Désir, dans sa longue quête de la
dame de ses rêves, semble quelque peu empressé. Il veut bousculer
la demoiselle, ne pas lui laisser le temps de se retourner. On devine
déjà que le coquin a quelques idées derrière la tête : le
prosaïque est en marche.
Les
scénaristes ont beau jouer de l'archer pour illustrer l’instant
avec de la musique sirupeuse, nous ne sommes pas dupes. Rien n'est
acquis encore : l'émotion de tendresse ne la prépare pas pour
l’heure à la confusion désirée par Désir. Elle a besoin de
temps, lui, semble pressé. Elle souhaite mieux le connaître, lui
assure que c'est ainsi qu'on ouvre son cœur et son âme.
Lovée
amoureusement, Tendresse n'est pourtant pas encore disposée à
l'abandon suprême. Elle a besoin de confiance, de certitudes. Elle
perçoit dans le regard de Désir cette turpitude qui l'effraie. Son
prince est un mâle en rut. Il en oublie la délicate parade
amoureuse, celle qui donne le temps de se découvrir sans se dénuder.
Désir
s'impatiente, il se lance dans la grande parade : celle qui
devrait faire plier les réserves de Tendresse.
Il fait la roue, monte sur ses ergots, sa crête devient rouge
flamboyante. Tendresse sourit de ses mimiques, elle devine le manège.
Se donner dans l'instant, c'est succomber à une pulsion qui n'est
peut-être que fantaisie sans lendemain ; elle souhaite obtenir
des garanties.
Le
conte de fées n'est plus, les bons comptes feront les bons contrats
matrimoniaux si tel est le vœu de Désir. C'est là que le bât
blesse : Désir est un coureur, il ne s'arrêtera pas auprès de
sa dernière conquête. L'épilogue annoncé n'est qu'un leurre, même
dans les belles histoires l'infidélité fait rage. Tendresse perçoit
déjà les prémices de la trahison, elle diffère l'offrande que
réclame ce Prince, pas tout à fait aimant.
Ils
se sépareront. Les anges sont passés et ne se sont penchés sur
aucun nouveau-né. Les rois mages cherchent toujours leur bonne
étoile ; la vie reprend son cours. La bergère n'a pas vu le
loup, elle peut retourner à ses moutons sans faire de déclaration
de perte. Le Prince a tourné les talons, piqué son cheval d'un
solide coup d'éperon. Il repart au bout du monde, bredouille et
chafouin, ça lui apprendra à venir réveiller une donzelle qui
défend farouchement sa virginité.
Tendresse
et Désir ne sont peut-être pas ainsi. Laissons leur le temps de
mieux se connaître. Ce n'était qu'une fausse piste, explorée par
un scénariste malicieux. À trop vouloir déjouer les codes,
l'histoire perd parfois de sa magie. Tendresse souffle à l'oreille
de Désir que son vœu sera exaucé quand tous les curieux qui
suivent leur rencontre, seront partis pour une autre histoire. Désir,
susurre à sa dame de cœur qu'il l'aime
pour de bon, qu'il n'est pas un cavaleur impétueux mais un cavalier
respectueux.
Nous
nous retirons sur la pointe des pieds. Ce qui se passera entre eux
n'appartient qu'à ces deux-là. Déjà nous entendons Tendresse
soupirer. Désir, plein de délicatesse, attend que nous soyons bien
plus loin pour pousser plus avant ses délicates approches. Soudain,
les rôles se renversent, c'est Tendresse qui prend la main. Le
tumulte est si grand, que frissons et confusion se dérobent à celui
qui voulait vous décrire la farandole des corps.
Libertinement
leur.
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