Ce
que je crois …
N’étant
pas tout à fait conteur, j’ai pourtant quelque avis sur la
nécessité, me semble-t-il, de refaire une place au conte à l’école
en précisant les garde-fous qui s’imposent pour que cette plongée
dans l'imaginaire se fasse de la meilleure manière possible. Le
conte, bien sûr, doit parler de notre époque sous couvert d’un
univers qui s’éloigne diamétralement de la réalité d’un
quotidien qui n’est pas de nature à ouvrir les portes du songe.
Le
conte n’a rien à voir avec l’univers aseptisé de Walt Disney et
autres faiseurs de légendes insipides. Il doit, en tout premier
lieu, se passer d’image, cette imposition de la représentation qui
est devenue la norme, alors que la force de tels récits consiste
justement à pousser l’enfant à se construire lui même son décor,
ses personnages, ses émotions, en jouant autant de ses peurs que de
ses rêves.
Dans
ce même ordre d’idée, le livre de contes parfaitement et
exagérément illustré est un tue-l’imagination de tout premier
ordre. Point n’est besoin qu’un tiers pense le décor à votre
place, impose sa vision des personnages et des situations. Rien n’est
pire que le dessin qui illustre, qui se fait redondance, surlignage
du texte . Il n’est rien de tel que ces livres d’images pour
briser l’imaginaire de votre rejeton ou de vos élèves.
Le
conte ne se lit pas à haute voix ; c’est encore une belle
manière de desservir son auteur. L’essentiel est ailleurs, il se
situe dans les images mentales qu’il a souhaité suggérer. C’est
d’abord une imprégnation qu’il vous faut réaliser, une
compréhension intime de son déroulement , tout autant que des
intentions que vous lui prêtez. Il ne s’agit pas d'emprunter les
mêmes pas que son auteur mais de devenir, à votre tour, créateur
d’une nouvelle version qui vous appartiendra en propre.
Le
conte se prend par le cœur. Votre travail d’appropriation doit
vous conduire à vous faire le porte-parole de votre interprétation
de ce récit. Vous vous êtes investi de cette formidable
responsabilité de vous faire livreur de récit. C’est par vos
mots, vos inflexions de voix, votre sensibilité que vous conterez un
texte qui sera désormais le vôtre.
Je
sais que ce parcours n’est pas celui de la facilité, qu’il
demande engagement, talent et motivation. N’en soyez pas surpris :
l’enseignement exige ces qualité en toutes circonstances. Si vous
êtes timide, si vous n’êtes pas acteur, si vous n’avez pas le
don de tenir un jeune auditoire en haleine par le seul pouvoir de
votre voix, il convient bien vite de changer d’activité ;
vous avez fait fausse route, en dépit des diplômes illusoires dont
vous êtes bardé.
Vous
vous sentez capable de suivre ces conseils qui ne sont, au final, que
des évidences qu’il convenait de préciser, loin des conseillers
pédagogiques à la petite semaine ; alors, vous allez vivre une
formidable aventure qui va libérer tous les possibles chez vos
élèves. Prenez garde : on vous mettra en accusation car, en
agissant ainsi, vous sortirez des sentiers battus du grand formatage
général, de l’affreux conditionnement des jeunes cerveaux que
mènent conjointement télévision, cinéma, école et familles.
Cette
aventure est exaltante. Elle vous placera devant une grande et
formidable responsabilité. Vous serez payé en retour par les
sourires des élèves, leur écoute, leur capacité à créer et à
inventer à leur tour des récits. Vous vous donnerez l’opportunité
de vrais débats au sein du groupe pour tirer toutes les ficelles de
la pelote que vous aurez tissée devant eux.
Puis,
vous découvrirez la nécessité de créer vous-mêmes vos récits,
de mettre en scène des situations qui viendront étayer des
connaissances que vous abordez dans votre enseignement. Vous bouterez
le vieux donneur de conseils et ses histoires ordinaires pour prendre
la plume et vous faire à votre tour Bonimenteur. C’est tout le mal
que je vous souhaite;
Raconteusement
vôtre.
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