Une
légende ligérienne.
Il
est des mystères insondables qui engendrent les questions les plus
compliquées qui soient quand un enfant vous la pose, les yeux pleins
de l’espoir d’avoir une réponse. C’est durant une nuit douce
et calme que je me promenais en bord de Loire avec Pitchoune, le
pantin de Victor, que celui-ci me posa cette surprenante question. Je
tombais de nues, j’ignorais jusque là que les pantins peuvent
eux-aussi avoir des questions existentielles.
Il
importe dans pareil cas de ne jamais être pris au dépourvu, d’avoir
l’esprit vif et la réponse prompte au risque de perdre votre aura
auprès de celui qui vous met en échec. Je ne souhaitais pas non
plus lui mentir et comme bien souvent dans pareil cas, le conte
permet de se sortir d’une situation embarrassante. Il se trouve que
la Lune était pleine et qu’elle illuminait la rivière qui était
couverte d’éclats d’argent. Je pris la parole devant un
Pitchoune attentif.
Il
était une fois un enfant qui aimait par dessus tout que le ciel fut
bleu et limpide. Il s’extasiait sans cesse de ce spectacle quand il
se produisait. Il appréciait cette vaste étendue unie, la promesse
d’un temps clément et de belles journées. Il était souvent
d’humeur maussade quand le gris ou bien les nuages noirs prenaient
la place de son décor de rêve.
C’est
un jour de ciel bas et annonciateur d’orage qu’il s’étonna que
la nuit, le ciel restât uniformément noir, sans autre variation que
les nuages les soirs comme celui-ci. C’est vrai que personne
n’avait jusqu’alors songé à habiller la nuit de quelques
lampions mystérieux. Les humains avaient la Lune et s’en
contentaient.
L’enfant
demanda à un mage qui était son parrain de faire quelque chose pour
lui, d’habiller le ciel des nuits sans nuage. Merlin, puisque c’est
de lui qu’il s’agit, savait commander aux animaux et aux plantes
de cette terre. Pour le ciel, il manquait d’expérience, il avait
tant à faire à rendre ce monde plus agréable encore.
Mais
Merlin n’est pas un magicien sans ressource. Il a toujours une
astuce au bout de sa baguette magique. Il promit à l’enfant de
revenir avec lui en bord de Loire un soir de ciel dégagé et de
pleine lune. Cela lui donna assez de temps pour mettre au point un
stratagème susceptible de satisfaire le bel enfant.
Enfin
survinrent les conditions idoines pour que la magie de Merlin puisse
opérer. Il y avait une Lune brillante comme jamais, un ciel
totalement dégagé et une Loire parfaitement calme. La Lune faisait
des éclats d’argent sur l’eau, elle se reflétait en une myriade
de scintillements magnifiques. Sur l’eau, le bal des mouettes avait
commencé. Elle se laissaient porter par le courant avant de
s’envoler pour revenir à leur point de départ et recommencer leur
étrange danse.
Merlin
appela les mouettes qui volèrent au dessus de lui. Il leur parla
dans la langue des oiseaux, demandant s’il y avait des volontaires
pour le plus grand le plus beau des voyages. Il se trouve toujours
des êtres plus intrépides que les autres. Quelques mouettes
levèrent l’aile gauche pour indiquer au mage qu’elles étaient
partantes.
Merlin
appela l’enfant et lui demanda de regarder attentivement ce qui
allait se passer sous ses yeux. Les mouettes reprirent leur ballet,
se laissant glisser au fil des flots. Au bout de la course, toutes,
dans le même mouvement s’envolèrent pour reprendre leur ronde.
Toutes ? Non ! Quelques unes avaient accroché un éclat de Lune à
leur bec et montèrent, montèrent, montèrent si haut dans le ciel
que bientôt on le les vit plus.
Bien
plus tard, dans le ciel tout noir, apparurent les premières étoiles.
Mouettes rieuses et éclats de Lune s’étaient transformées pour
le plus grand bonheur de l’enfant d’abord, puis de tous les
marins, les poètes et les rêveurs ensuite. Merlin trouva cette idée
si jolie que souvent il revint pour augmenter sans cesse le nombre
des étoiles dans le ciel.
Certaines
finissent par disparaître quand leur mouette est devenue trop
vieille pour continuer son vol sans fin. Il y a toujours plus
d’oiseaux disposés à prendre la relève que de pauvres mouettes
célestes au bout de leur existence. C’est pourquoi, le ciel, les
nuits dégagées, est couvert d’une myriade d’étoiles pour le
bonheur de tous ceux qui croient aux belles histoires.
Pitchoune
m’avait écouté avec un grand sourire. « Celle-ci tu pourras
la raconter à Victor, je suis certain qu’il appréciera ton
explication. Lui qui comme le lui reproche souvent ses parents, n’a
jamais les pieds sur terre, il va aimer ce récit merveilleux ».
Avec Pitchoune nous rentrâmes bien après la fin de la nuit quand la
brume se lève doucement sur la rivière. Le soleil au loin faisait
un halo magnifique, il n’y avait plus d’étoiles dans le ciel,
elles étaient toutes dans nos yeux émerveillés et fourbus de
fatigue. Nous pouvions aller dormir un peu.
Stellairement
vôtre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire