mardi 30 août 2022

La Loire est en furie !

 Hommage à Maurice Genevoix





Ami prend garde à toi, la Loire est en furie

Sauve tout ce qui peut l'être et n'oublie pas ta vie

Les peurs anciennes ressurgissent cette nuit

Dans sa colère folle, la Loire sort de son lit

 


 


La Loire couleur de boue charriait des moutons d'écume

Le ciel, boueux comme elle, engluait la clarté

Le vent accourait de loin, par grandes risées

Et la pluie criblait de ses gouttes des trous d'éponge

Des remous se creusaient en spirales tourbillonnantes

La nappe des eaux tournait jusqu'à la rive lointaine.

C'était un bruit égal sans sursauts, sans accalmies.





Les habitants voyaient les eaux dévaler d'un seul bloc

Le fleuve glissait d'une effrayante vitesse

Ses eaux luisaient, sous le ciel blanchissant !

De rares bouchons d'écume les tachaient encore

Des branches emmêlées descendaient avec elles

Toutes ces choses passaient comme à travers un songe,

Entraînées dans le branle énorme du courant.





Ils ne voyaient plus rien que cette force allant son chemin,

Ce bélier qui fonçait sous l'étreinte des levées.

Les levées n'étaient plus que des barrières dérisoires

La Loire couvrait les champs d'une nappe loqueteuse

Elle glissait très vite autour des îlots émergés

Elle rongeait leurs bords avant de bientôt les dissoudre

Depuis longtemps, les rauches avaient disparu.



*


L'eau coulait à plein flot dans les grands bois d'amont.

La Loire avait monté encore, englouti les têtes des osiers

La lande avait toute disparu, cachée sous un linceul

Il ne pleuvait plus ; le vent était tombé soudain

La clameur de la Loire, maintenant, s'entendait seule

Non plus le bruit du flot poussant le flot, ni le choc du courant

Mais une clameur bestiale qui sortait d'une monstrueuse poitrine



*


Les eaux déployaient leur immensité blême

Des grandes épaves glissaient, ténébreuses,

Des troncs d'arbres vagues, des meules de paille

Des bêtes noyées aux formes molles et terribles.

Les hommes se penchaient au bord de la levée.

La Loire leur jetait au visage son interminable clameur,

Le monstrueux grondement de sa redoutable victoire.



 

Maurice Genevoix




 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Loup, renard et chien finiront par donner leur langue au chat

  Les trois canidés Il advint que ce jour-là, un loup, un renard et un chien se tenaient conjointement le crachoir en ...