Coco,
l’abominable petite bête.
à lire et à écouter
Il
a un peu plus de quatre ans, sa mère est infirmière en réanimation
dans un hôpital public. Comme tous ses camarades, il ne va plus à
l’école. Il perçoit qu’il se trame quelque chose d’inhabituel
dans ce Monde qu’il découvre avec ses yeux d’enfants. C’est
ainsi qu’il s’est créé un personnage, Coco, le méchant virus.
Essayons donc de lui en narrer l’histoire.
Il
était une fois des humains qui cherchaient la petite bête pour
assouvir toujours plus leurs envies de richesse, leur appétit de
découvertes, leur désir de dominer la planète et tous ses autres
habitants. Leur quête de la bonne fortune avait transformé leur
terrain de jeu en un immense espace d’agitation permanente.
Tous
les moyens étaient bons pour favoriser les déplacements. Humains,
animaux morts ou vivants, marchandises, matières premières ne
cessaient d’aller et venir en camion, en bateau, en avion,
s’offrant même le luxe d’effectuer parfois plusieurs voyages au
long cours avant que d’échouer à leur point de départ. Coco, qui
ne demandait rien à personne, fut pris dans cette frénésie de
mouvement.
Lui
jusqu’alors, vivait tranquillement son existence de virus,
s’attachant simplement à importuner une chauve-souris parce que de
toute éternité, c’était sa mission, son rôle dévolu par le
grand architecte de la nature. Il s’en portait fort bien, ses hôtes
avaient trouvé des parades pour vivre avec cet étrange compagnon.
Tout le monde y trouvait son compte.
Coco
fut embarqué bien malgré lui dans cette frénésie de déplacements.
Il aurait rongé son frein, supporté sa peine comme tous les autres
êtres vivants, entraînés dans cette folie ; qu’ils furent
microscopiques ou non. Mais lui, le malheureux, avait le mal des
transports. Il vomissait, se sentait mal, avait la nausée et parfois
de la fièvre. Surtout il manquait d’air car très souvent, lui qui
adorait les grands espaces, la pleine nature, il se retrouvait dans
l’atmosphère irrespirable des grandes cités industrieuses de
l’Empire du Milieu.
Coco
en bon parasite, se persuada que les humains étaient collectivement
responsables de ces maux. Comment lui donner tort ? Si son
raisonnement était quelque peu simpliste, il porte cependant en lui
les germes de la vérité. C’est d’ailleurs cette remarque que
lui souffla à l’oreille la chauve-souris sur laquelle il avait élu
provisoirement domicile, qui l’incita à mettre en marche un plan
machiavélique.
Coco
toujours avait beaucoup aimé les leçons de sciences naturelles dont
il avait profité dans l’université des virus, microbes et
bactéries, autant de micro organismes qui se côtoyaient en bonne
intelligence. Il avait été frappé par l’épopée d’une puce
chinoise qui d’un saut gigantesque grâce à des rats voyageurs
avait semé la désolation en Europe.
Il
se dit qu’il y avait là une idée à creuser d’autant plus que
la fameuse puce avait réussi le prodige de réduire considérablement
la population mondiale en ce temps lointain. Nous étions au XIVe
siècle, la Peste avait fait des ravages parmi les humains. Coco ,
comme bon nombre d’êtres vivants sur cette planète en avait
justement après cette espèce invasive et si peu respectueuse.
Comment le lui reprocher du reste quand on observe les dégâts,
souvent irréversibles dont elle est la cause.
Coco
se métamorphosa, se glissa dans l'organisme humain et profita de la
complicité d’une enzyme pour semer la désolation. Affreusement
virulent, Coco croît et se multiplie, espérant sans doute rejouer
un nouvel épisode de l’apocalypse, espérant ainsi éradiquer
l’origine du mal sur Terre. Coco n’a aucune pitié, il s’en
prend à tout le monde même s’il a une préférence pour les plus
âgés, ceux-là même qui sont les moins responsables du désastre
qu’il dénonce.
Coco
n’a pas le sens de la mesure. Si son combat peut être légitime
pour ses congénères, il n’en demeure pas moins parfaitement
injuste. Il aurait dû mieux choisir ses cibles et n’infecter que
les tenants de la mondialisation, les chefs d’état qui se moquent
des peuples (et ils sont nombreux), les actionnaires qui ne voient
que par l’argent, les grands voyageurs et les gros consommateurs
compulsifs. Comme souvent dans bien des guerres, les victimes sont le
plus souvent innocentes. Coco ne dérogeait pas à cette terrible
injustice.
Coco
ne parviendra pas à réaliser son dessein. Dans l’espèce humaine,
il n’y a pas que des odieux capitalistes, d’ignobles
actionnaires, d’effroyables banquiers, d’affreux égoïstes
accumulant des richesses exceptionnelles pour leur seul compte, des
économistes adorateurs d’un marché qui serait capable de se
réguler lui-même. Il y a aussi, des humbles, des modestes, des
courageux, des généreux qui mettent en danger leur existence pour
venir au secours de ceux qui souffrent.
Coco
ignorait que dans cette espèce le meilleur côtoie le pire. Si ces
derniers tiennent les premiers rôles, sont les plus écoutés, les
mieux rémunérés, les plus considérés, les autres agissent, se
donnent la main, luttent au quotidien pour apporter aide et
assistance à leurs prochains.
Mon
petit Tom, ta mère appartient à la grande troupe anonyme des
soldats en blouse blanche qui vaincront l’abominable Coco, qui
terrasseront cette affreuse bête, eux seuls aidés par les anonymes
du quotidien, l’immense cohorte des petits métiers pourtant si
nécessaires au vivre ensemble. Tu dois être fier de son dévouement
et comprendre pourquoi elle rentre épuisée de son hôpital. Toi
aussi tu dois l’aider dans sa mission sacrée.
Hélas,
tu dois savoir encore que Coco ne se laissera pas vaincre sans
résistance. Il fera encore d’impitoyables dégâts avant que de
tomber sous le coup des forces de la vie, de l’amour et du partage.
Il se dit pourtant que tout espoir n’est pas perdu. Après sa
défaite, d’autres plaies risquent de prendre le relais si le
pouvoir chez les humains ne change pas de main.
Coco
a bon espoir quand il voit les mesures que prennent ceux qui dirigent
la planète. Ils n’ont dans la tête que le désir de ne rien
changer, dans la bouche les mots de Relance et de Croissance.
Décidément, la leçon de Coco risque de tomber à l’eau chez ses
fossoyeurs de l’humanité à moins que la grande masse des gueux ne
les boutent enfin de leurs palais haïssables.
Allégoriquement
vôtre.
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