Ne voyez-vous rien venir ?
Il était une fois en des temps lointains, de sombres histoires comme on aime à les croire. Les acteurs de cette histoire n'étaient pas des tendres. Que les âmes sensibles passent leur chemin, les lignes qui vont suivre sont faites de larmes et de sang. C'était en un temps où la vie des humbles ne valait pas tripette. Depuis, rien n'a beaucoup changé ...
Nous sommes en 451, un méchant homme du nom d'Attila avec ses hommes est venu en Gaule pour y faire tourisme et profit. Quelques belles tueries et de grands pillages doivent agrémenter leurs vacances itinérantes. Leurs lourds chariots chargés d’armes, d'instruments contondants et d'engins de siège. N'ayant plus de place pour leurs provisions, ils se sustentaient par la force, le pillage pour seul recours !
Attila et ses Huns avaient jusqu'alors pratiqué avec succès le chantage et la menace pour obtenir menue monnaie auprès du Saint empire d'Occident. Depuis peu, le vent avait tourné. Même en faisant les gros yeux, leurs rodomontades étaient sans effet. Pour montrer de quel bois ils se chauffaient, Attila et ses troupes entreprirent un petit tour de Gaule.
Il entama son périple, le 7 avril à Metz. Il y fit grand et vilain carnage pour marquer les esprits. Il passa ensuite par Lutèce. Dame Geneviève le repoussa d’une chiquenaude, le barbare se trouva démuni devant un jupon. Faute de grives, Attila se contentera de merles. Il jeta son dévolu sur la bonne ville d'Orléans. Il y a des traditions locales qui aiment à passer les siècles, le bain de Siège, pour cette ville des bords de Loire, constituera sa spécificité.
Attila avait dans la place des traîtres à sa botte ! Sangiban et ses Allains étaient disposés à se vendre au plus méchant. Il tenait aisément le flambeau en la matière. D'autres n’entendaient pas céder à la force. Il se trouva parmi ceux-là un héros pour inverser le cours de l'histoire. Le bon Anian un millénaire avant la bonne Jehanne, joua la même partition.
Anian, ayant vent du danger qui sourdait, quoiqu’il fût très âgé, chevaucha d’une traite jusqu’en Arles afin de prier Aétius, le grand guerrier romain, de venir au secours de la ville. Le chef de guerre et ses alliers Wisigoths après avoir rassemblés leurs troupes pour voler au secours de la ville de Loire, cherchèrent moyen efficace pour arriver sur place avant qu'il ne soit trop tard.
Ils remontèrent le Rhône en bateau, firent quelques lieues sur terre, avant que de filer vers la ville assiégée en empruntant la Loire. Jamais on n'avait vu plus belle armada sur le fleuve. Des centaines de bateaux chargés d'hommes et de bêtes, d'armes et d'engins de guerre. Il fallait aller vite, une lourde menace pesait sur la cité. L’histoire peut entrer dans la légende ...
Nous sommes fin mai, Attila organise son siège. La ville se prépare à subir violents assauts et grandes privations. L’évêque Anian qui est revenu à temps de son escapade équestre, exhorte ses fidèles à tenir bon. La foi laisse toujours une petite place au miracle céleste.
Aétius et ses troupes naviguent au secours d’Aurélianis. Le sable et le manque d’eau entravent l'avancée de l'armée. Vont-ils arriver avant qu'il ne soit trop tard ? Dans de telles conditions, les choses risquent de tourner au vinaigre pour la ville d'Orléans.
Attila, respectueux de la tradition locale, s’octroie quelques jours de siège, pas assez sans doute pour bouter les Anglois de l’esprit des autochtones. Étant de nature belliqueuse, il se prépare à l'assaut final.
Dans la ville encerclée, le peuple gronde. Anian sentant la colère monter exhorte le bon peuple : « Montez sur les remparts mes bons amis et observez la Loire vers le levant. Ne voyez-vous rien venir ? » Et les braves villageois de répondre tous en chœur : « Non Monseigneur. Nous ne voyons que l'eau qui nous noie et le sable qui s'accroît ! » L'évêque de les rassurer avec ces douces paroles : « Ne perdez pas patience mes amis, le seigneur du ciel nous viendra en aide. »
Le 9 juin, l'inquiétude se fait encore plus grande. Des remparts chacun peut observer les préparatifs des hordes barbares pour l'assaut final. Une délégation de notables vient demander à Aignan d'agir à nouveau. Le religieux espère toujours l'arrivée des troupes.
Il renouvelle sa fameuse exhortation : « Montez sur les remparts mes bons amis et observez la Loire vers le levant. Ne voyez-vous rien venir. » La populace est bonace, elle se laisse faire et répond cette fois : « « Non Monseigneur. Nous ne voyons que les nuages qui pleuvoient et le tonnerre qui grondoit ! »
Effectivement, à partir du 10 juin de l'an de grâce 451, il se mit à faire sur le pays un orage comme rarement on n’en vit. Toujours est-il que pendant quatre jours, des trombes d'eau s'abattent sur la ville et ses assaillants. Les Huns pour féroces qu'ils puissent être n'aiment pas être mouillés, la chose est avérée et sera vérifiée.
Pendant ce temps sur la Loire, le vilain temps provoque un miracle. Le fleuve fait des joues, il grossit à vue d'œil et les eaux emportent bien vite les bateaux de l'alarme. Le moral des troupes remonte aussi vite que le niveau de l'eau. Les embarcations prennent de la vitesse, elles volent désormais au secours de la ville.
Au matin du 14 juin, le soleil revient pointer son nez sur un décor bien changé. La montée des eaux a défait le bel ordonnancement de l'armée de siège. Les hommes d'Attila ne connaissent pas la Loire, ils le regretteront amèrement. Mais n'allons pas si vite en besogne, dans la ville la peur gagne tous les esprits et provoque la même rengaine.
La population toute entière se retourne vers son évêque. Anian qui ne sait plus quoi dire, en bon politique reprend pour la troisième fois son argument : « Montez sur les remparts mes bons amis et observez la Loire vers le levant. Ne voyez-vous rien venir ? » Des guetteurs s'exécutent : « « Oui Monseigneur. Nous voyons des marins qui bourdoient et des soldats qui guerroient ! » Le miracle a eu lieu, Anian gagne ses lettres de sainteté et deviendra bien vite notre Saint Aignan vénérable.
Les troupes d'Attila se lancent à l'assaut avant qu'il ne soit trop tard. Les Huns qui ne sont pas malins traversent la Loire et découvrent alors la force redoutable du courant. Certains d'entre eux sont emportés comme fétus de paille et vont se noyer un peu plus loin en aval de la ville. Contre ceux qui échappent à la colère des flots, Anian prend deux poignées de sable et les jettent en direction des méchants assaillants.
Chaque grain de sable par la volonté du très haut se transforme en une guêpe qui va piquer le Hun, qui comme chacun le sait, est allergique à son venin. C’est une hécatombe … La guêpe sera longtemps l’emblème d’une cité qui se pique d’être l’enfant chéri du Royaume de France.
La ville échappe au massacre, le siège est levé, Aignan glorieux gagne sa béatification de son vivant. Il sera vénéré un millénaire durant avant qu’une bergère ne vienne en tout point l’imiter. Il est vrai que le pauvre homme n’avait pas déposé l’expression « Siège d’Orléans ! » à l’INPI : Institut national de la propriété industrielle.
Attila défait, rentra son cheval entre les jambes dans sa lointaine Hongrie. La Loire a joué un rôle essentiel. Les hommes, dans leur vanité habituelle se sont appropriés la gloire de la victoire. Je viens ici rétablir la vérité. C'est la rivière qui a tout fait en maîtresse des lieux qu’elle a toujours été. Il serait bon de ne pas l'oublier, un jour, elle pourrait bien nous le rappeler !
Historiquement vôtre.
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