Le
prix de la liberté.
à lire et à écouter
Il
était un homme qui aimait les animaux. Sa passion était telle qu'il
lui fallait vivre entouré de ces petits êtres dont le silence lui
permettait de croire qu’ils appréciaient sa compagnie. Pour le
maître, il ne faisait aucun doute que toutes les attentions, les
soins qu’il leur prodiguait sans compter dans un confort matériel
à nul autre pareil étaient de nature à leur offrir une vie
heureuse.
Si
les animaux domestiques se satisfaisaient tant bien que mal de ce
marché de dupes, il n’en allait pas de même pour ceux qui,
soudainement confrontés à cette vie enchaînée se retrouvaient en
souffrance dans une prison dorée. Le maître ne comprenait pas
pourquoi son invité ne lui accordait pas de marques d’affection.
Il voyait l’ingratitude, là où il n’y avait que chagrin et
ennui.
C’est
un renard qui lui ouvrit les yeux. L’animal était magnifique, le
regard pétillant, le pelage brillant, le corps musclé et élancé.
Il se trouve qu’un jour il fut pris au
piège et que, par chance, ce n’était pas une de ces mâchoires
métalliques qui blessent celui qui se trouve prisonnier d’une
étreinte mortelle.
L’animal
était tombé dans une fosse, il n’en pouvait ressortir et c’est
humilié et contraint qui fut offert à ce maître. L’homme se
réjouit du cadeau de la nature : depuis longtemps il espérait
apprivoisé un goupil dont tous les fabulistes vantent la ruse et
l’intelligence. Vaniteux, il se faisait fort d’en faire un
compagnon aussi fidèle qu’un chien.
Le
renard, comprenant la chose, accepta un temps de jouer ce rôle. Il
avait perçu du premier coup d’œil que celui qui se prétendait
son maître n’était pas homme méchant. Il consentit à quelques
grimaces, singea les comportements du chien si prompt à se coucher
aux pieds de son geôlier. Il poussa la comédie en acceptant de
lever la patte pour saluer, remuer la queue pour exprimer son
éternelle reconnaissance.
Le
maître était aux anges. Il délaissa les autres animaux de sa
maison pour le renard et ses simagrées parfaites. Il se persuada
qu’il l’avait parfaitement réduit à la domesticité. Pour le
prix de ses simagrées le renard avait gagné une liberté relative ,
il n’était plus attaché par une chaîne : il allait librement
dans la demeure.
Le
rusé avait gagné la première bataille mais était loin de se voir
ouvrir les portes de la liberté et de sa prison. Le maître,
suspicieux de nature, gardait sa demeure close, n’ouvrant jamais
portes et fenêtres en sa présence.
Le
renard comprit que la supercherie ne lui octroierait pas son Sésame.
Lorsqu’il découvrit le portrait que faisait de lui et ses
semblables monsieur de la Fontaine ; son maître chaque jour lui en
faisait lecture, il se fit fort d’être à son tour fourbe, rusé,
rouet, comédien et dissimulateur.
L’homme
aimait aussi les légendes orientales, il lui narra une bien curieuse
histoire ...
Il
était une fois un somptueux oiseau, roi de sa forêt qui devint le
trophée d’un Prince avide de tous les trésors de la terre,
Capturé pour le bon plaisir princier, l’oiseau dépérissait dans
sa cage sans toucher le cœur du monarque. Sentant sa fin proche,
l’oiseau avait demandé à son geôlier de donner une dernières
fois de ses nouvelles à ses congénères de sa forêt magique. Le
Prince obtempéra et l’un de ses serviteurs alla annoncé que le
roi des oiseaux étaient prisonniers dans la cage de son maître.
Apprenant
cette affreuse nouvelle, un petit colibri tomba d’un arbre,
s’écrasa sur le sol, simulant la mort. Le serviteur s’en revint
au palais annoncé à son maître ce qui s’était passé sous ses
yeux. Le Prince ne comprit rien à ce présage et stupidement
rapporta l’anecdote à son oiseau prisonnier. Celui-ci, dans
l’instant le mort. Le Prince fou de chagrin organisa ses
funérailles, voulut enterrer l’oiseau qui dès qu’il se trouve
dehors, regagna sa chère forêt.
Le
renard écouta le récit sans broncher. Son maître lisait bien ;
il avait grand plaisir à lui lire ainsi, une fable chaque soir. Le
renard, ainsi édifié, ne voulut pourtant pas éveiller sa méfiance
immédiatement. L’animal prolongea son confinement durant quatorze
jours encore. Il demeura docile et bienveillant vis-à-vis de celui
qui le gardait sous sa coupe.
Cependant,
au fil des jours, il montra des singes progressifs de mauvaise santé.
Il toussa, il cracha, il trembla, il boita, il feignit d’être
sourd. Il allait au plus mal de jour en jour.
Le
maître, au désespoir, appela un vétérinaire qui ne sut expliquer
le mal dont souffrait l’animal. Son état empira jusqu’à le
conduire au trépas. Il s’étendit raide, sur le plancher du salon.
Le maître en éprouva un chagrin immense. Renard se contint pour ne
pas céder à la sensiblerie. Il s’était malgré tout attaché à
ce brave homme.
Il
garda intacte sa détermination et c’est dans les bras d’un
maître en larmes qu’il sortit enfin de cette maudite prison.
L’homme avança, gémissant et reniflant pour s’approcher de la
forêt où il voulait ensevelir son ami.
Renard,
sentant l’humus et entendant le bruissement des feuilles agitées
par le vent, sut que son heure était venue. Tel Lazare, il
ressuscita d’entre les morts, sauta des bras de l’homme éberlué
et incrédule avant que de filer tout droit vers la forêt voisine.
Ayant
mis assez de distance entre lui et son ancien maître, Renard se
tourna vers lui et lui déclara « Je vous remercie mon ancien
maître, de m’avoir lu chaque soir des histoires. C’est dans vos
lectures que j’ai découvert le stratagème qui me vaut d’être
enfin libre aujourd’hui ! »
Puissiez-vous,
les enfants, vous souvenir de cette morale. C’est dans les livres
et nulle part ailleurs que vous trouverez les clefs de votre destin.
La liberté seule doit mener vos pas et aucun maître, aucun gourou,
aucun prédicateur ne peut vous l’offrir.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire