Orléans
enfin, se tourne vers son fleuve.
Ils sont citadins, on
grandit dans les rues et les cités en regardant de fort loin ce
ruban bleu qui coupe notre ville en deux. De la Loire, ils ignorent à
peu près tout, n'ont plus appris à l'école qu'elle prenait
naissance au Mont Gerbier de Jonc, ne savent pas plus qu'elle
poursuit sa route vers Nantes et Saint Nazaire pour se perdre dans
l'Océan Atlantique.
Ils grandiront sans y avoir
trempé le petit orteil, la peur tenace des grands leur a inculqué
que le fleuve était dangereux. La prudence et la méconnaissance ont
contraint d'interdire la baignade quand dans le même temps, les
stations d'épurations ont rendu son onde fréquentable. Mais
apprendre le lit complexe de la dame, comprendre ses changements
d'humeur, découvrir les pièges qu'elle propose serait apprentissage
trop long à ses enfants du bitume.
Pour leurs parents et plus
tard pour eux, s'ils restent ici, la barrière aqueuse est un barrage
infranchissable. Quatre ponts seulement leur autorisent le passage et
chacun comprend que la chose est délicate quand il faut patienter
longuement pour franchir le pas. Aux heures de pointe, les autos font
la queue et rares sont les passagers qui jettent un œil aux flots
d'en dessous.
Longtemps ses abords furent
abandonnés à la reine automobile. Vaste parking désordonné, les
quais étaient ignorés de tous, abandonnés à ce rôle subalterne.
Nul ne leur prêtait attention sauf si la colère du fleuve, bien
rare, il faut l'avouer, contraignait les usagers à trouver autre
emplacement moins mouillé pour leur chère voiture.
Un maire a changé la
donne, a souhaité que la ville se tourne enfin vers celle à qui
elle tournait le dos. S'il a commis quelques maladresses, son action
vaut qu'on la salue. Les orléanais ont enfin ouverts les yeux et
constaté que la Loire en majesté, coulait à leurs pieds. Il
fallait leur rappler que la fille Liger a façonné l'histoire des
lieux, quand, en ses heures de gloire, elle était le nœud marchand
du royaume de France.
De vilains garçons aux
mœurs un peu rudes, cherchaient alors à dompter les fantaisies de
la belle à bord de bateaux en bois. Le moteur n'avait pas encore
fait son apparition et la force des bras, des chevaux ou bien et
celle du vent faisaient alors l'affaire. Sur les quais, l'agitation
était extrême, sur l'eau les trains de fûtreaux, les gabarres et
les toue montaient ou descendaient le fleuve.
Il y avait danger à chaque
franchissement de pont, la navigation n'était pas toujours possible,
le vent contraire et les flots parfois hostiles. La ville vivait du
souffle violent d'une vie marine, les affaires allaient bon train et
les tavernes ne désemplissaient pas. Gare aux demoiselles d'Orléans,
tous ces hommes aventureux, boucle à l'oreille et front fier, avait
le sourire facile et les mains bien lestes. Rares étaient alors
celles qui restaient pucelle !
C'est de cette histoire
pleine de vie et de fantaisie, de drames et de bonheurs certains que
nous devons entretenir le souvenir et l'héritage. Des gars à la
grande goule arpentent les quais, la guitare à la main et la chanson
à gorge déployée. D'autres gonflent le torse sur leurs bateaux de
bois pour faire risette à la foule piétonnière. La Loire se fait
belle, elle renait de cette agitation navale et pour la circonstance
a même remis quelques joues avec les pluies récentes.
Les enfants vont découvrir
ce qui fut jadis, la vie de la cité. Pour attirer le chaland :
celui qui tape de la semelle sur les pavés disjoints, un programme
de festivités à vous couper le souffle et l'envie de regarder la
télévision est proposé à la foule toujours plus nombreuse. La
Loire n'est alors plus que prétexte à d'autres performances
culturelles.
Qu'importe, si toute cette
agitation donne la main aux béotiens de ce dernier fleuve sauvage
pour leur ouvrir enfin l'envie de découvrir et d'aimer cette Loire
majestueuse, le plus beau de tous nos trésors. Nous la chérissons
tant et nous aimerions partager ce bonheur avec tous ceux qui
viendront attirés par la curiosité, un ami ou bien guidés un bonimenteur arpenteur de ses rives.
Programmatiquement vôtre.
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