Histoires
de Loire.
Vous
qui sur la rive, venez regarder passer les bateaux de bois, écoutez
donc les histoires vraies ou imaginaires de notre passion Loire. Nous
avons revêtu les habits des mauvais gars d'antan, condamnés à
tirer la corde le long de la berge, à pousser la bourde ou à lever
la voile quand le vent était favorable. Nous leur faisons hommage
parce qu'ils étaient l'honneur de ce fleuve !
Ne
voyez pas une nostalgie déplacée, un retour en arrière pour
refuser d'aller vers la proue. Nous sommes sur l'onde parce que c'est
la belle dame brume, ce fleuve tumultueux et étrange qui nous
attire. Acceptez de nous suivre et d'ouvrir les yeux et les
écoutilles en vous tournant, pour une fois, vers le flot qui
s'ensauve vers le ponant.
Tout
a commencé, il y a bien loin de là, du côté des Cévennes.
Quelques sources éparses se disputent la paternité de ce long ruban
qui au bout de sa course, ira noyer son vague à l'âme dans les
parages de Saint Nazaire. Mince filet d'eau, elle prit vite allure et
force en descendant de ses collines. L'orgueil la poussa à préférer
l'Atlantique alors que la Méditerranée toute proche, lui faisait de
l'œil. Mais elle avait déjà caractère trempé, on ne peut
attendre moins d'une rivière.
Elle
roulait alors des épaules, charriait la belle, gros cailloux et
petits grains de folie. Usante à souhait, elle faisait son lit à la
force de son courant, creusant son passage dans des gorges de plus en
plus profondes. Elle avançait, filant vers le Nord dans une course
folle. Là, point n'était question de se glisser sur son dos. La
dame n'était encore que frêle jeune fille.
Petit
à petit, elle se fit adolescente, ne sachant plus trop où donner de
la boussole. Elle virait, tournoyait, se faisant méandre pour nous
tourner la tête. Elle creusait toujours, mais ce sont des berges
plates qui subissaient ses assauts. Quand une rive se faisait
tranquille, l’autre savait qu'il fallait subir ses attaques
perfides.
Mais
de toutes ces voleries, il fallait bien se délester. Elle proposait
aux gens du voisinage bancs et îles pour couler des soirées
heureuses. Fantaisie et rouerie ne l'abandonnaient pourtant pas. Ces
cadeaux, déposés de ci de là, ne cessaient de changer de place et
de proposer jolis pièges à qui ne les connaissaient pas. C'est de
là qu'elle se fit mauvaise réputation et que beaucoup d'entre vous
lui tournèrent le dos.
D'autres
y coulaient des jours heureux. Poissons de toutes eaux, elle n'était
pas regardante. Le saumon venait de la mer, le brochet des bords de
terre. Ils remuaient de la queue pour affronter les flots, allaient
de l'avant ou rebroussaient chemin jusqu'à ce que les hommes
décident, navrants et tout puissants, de barrer sa route de quelques
vilains murs de béton.
Mais
de tout cela, vous n'avez cure. Vous vous voulez de l'authentique, du
sordide, des coups de tabac et de coups de cœur. Alors, n'attendez
pas de nous que nous vous livrions nos secrets, prenez plutôt la
peine de vous lever matin, de regarder la brume qui couvre la belle,
d'écouter la faune qui s'éveille et de vous laisser bercer par son
doux murmure.
Éloignez-vous
des villes, aventurez-vous sur les sentiers qui la bordent. Observez
cette vie qui s'agite, ces mouvements d'eau et de sable, ces oiseaux
qui peuplent les îles. Ils sont si nombreux que les nommer ici
serait trop long. Venez avec jumelles et appareils photos et jamais
plus vous ne la regarderez de la même manière.
Si
vous n'êtes pas encore convaincus, c'est au soir, au soleil
couchant, qu'elle viendra vous tirer par le cœur. Jamais plus belle
lumière vous ne verrez. Les feux du ciel se mêleront à l'eau, le
bonheur des yeux, l'émotion et la passion Loire qui pour toujours,
alors, sera vôtre aussi.
Ligèriennement
vôtre.
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