vendredi 30 octobre 2020

L’étonnant destin d’une citrouille.

 

De la soupe à la grimace.

 





Une citrouille fit un jour la grimace quand son jardinier de géniteur lui apprit qu’elle terminerait ses jours dans une soupe. La dame, dans sa belle robe orange en fut toute contrariée. Elle qui était la plus belle, la plus grosse, la plus imposante en somme dans le jardin, aurait aimé une place de roi à la table de son maître. Cette perspective lui restait en travers de la gorge. Elle n’entendait pas rester ainsi les tiges ballantes, il lui fallait agir sans tarder pour échapper au brouet.


La citrouille avait pour amie, la petite fille du jardinier. Une adorable petite Margot qui, avouons-le ne goutait guère aux potages. Gourmande, la gamine était plus versée sur les desserts. Elle comprit l’angoisse de ce légume pour lequel, elle avait une affection toute particulière depuis qu’on lui avait raconté les aventures de Cendrillon.


Que faire pour venir en aide à cette belle cucurbitacée ? La petite aimait à nommer ainsi les citrouilles à ses camarades de classe afin de leur montrer toute l’étendue de son savoir végétal. Les enfants sont ainsi, ils aiment à avoir des mots plein la bouche alors que les adultes ne songent qu’à y glisser des friandises sans saveur.


Margot se mit en cheville avec la belle citrouille pour lui épargner une mort infâme dans une marmite de sorcière. Sa grand-mère en effet utilisait encore une énorme cocotte en fonte qui effrayait la petiote. Elle imaginait que sa mamie y confectionnait des potions maléfiques, des brouets diaboliques d’autant que si ce n’était pas des soupes, c’était des plats en sauce, le plus souvent avec du vin, qui lui retournaient l’estomac.


Pire encore, sa vieille Mâ comme elle l’appelle utilise un balai en fibres noires de piassava, un palmier qui pousse au Brésil alors que la citrouille vient elle du Mexique. Margot aime à voyager en cherchant l’origine des choses ce qui ne l’empêche nullement d’avoir des superstitions et des peurs bleues. Elle doit absolument sauver le beau légume et éviter par la même les sempiternelles disputes quand il s’agit de manger sa soupe.


C’est dans un vieux grimoire que la petite a découvert une bien étrange histoire de fêtes païennes où l’on s’amusait à se faire peur. Très en avance pour son âge, Margot pensa qu’avec les païens il n’y aurait nul risque d’être accusé de blasphème. Elle pouvait agir tout à sa guise sans risquer l’anathème. C’est ainsi qu’elle grima sa citrouille en pomme bleu d’Australie, un des fruits qui la font voyager dans ses livres de botanique.


La citrouille fut sans plus tarder peinte toute en bleu, couleur qui avait de quoi rebuter une cuisinière, fut-elle un peu sorcière comme sa grand-mère. Ce fut les cris d’orfraie de son grand-père quand il découvrit la farce qui lui indiquèrent qu’elle n’avait pas manqué son coup. Le pauvre homme crut à l’intrusion d’une nouvelle maladie, un mal mystérieux qui allait transformer son potager en arc en ciel ou en nuancier pour peintres amateurs.


Il en eut, le malheureux des palpitations et un sacré coup au cœur. Margot, loin d’en être effrayée songea que sa citrouille allait connaître une nouvelle destinée. La gamine aimait jouer à faire peur, elle se mit à l’ouvrage pour transformer sa camarade végétale en un monstre grimaçant dans lequel elle glissa une bougie. C’était une belle mort pour la citrouille, un départ pour l’autre monde sans finir dans l’estomac des humains.


Ce que venait d’inventer Margot eut un succès qui dépassa ses espérances. Mais les gens n’y connaissent rien et pour effrayer les petits enfants, ils se contentent de creuser la citrouille sans prendre la peine de la peindre. La peur est bleue, il n’y a pas à revenir dessus et il convient de laisser la couleur orange aux alertes de ce bas-monde. Laissons Margot à sa peinture, elle a décidé cette année de peindre six cucurbitacées en bleu, ce seront les citrouilles bleues de Halloween. Son grand père qui a compris, lui donne un petit coup de main en cachette de la grand-Mâ, ça va de soi.


Curcubitacement vôtre.

 


 

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