vendredi 9 octobre 2020

Formation professionnelle au parlement

 

De Hercule à Hilarion

 

 




Il se rêvait Hercule ne sera que Hilarion ! Il s’imaginait un destin digne des dieux et c’est pour réaliser son rêve qu’il voulut s’approcher de l’Olympe. Il fit la cour à Jupiter en personne, lui vouant une vénération sans limite. Le temps était alors aux opportunistes, aux aventuriers prêts à tout pour côtoyer les Princes de ce monde. Il prit sa carte, se mit en Marche pour gravir tous les échelons de l’Eden.


Hilarion devint un rouage de ce groupuscule aux dents longues. La prise du pouvoir était à portée de mains. Il faut choisir pour tenter sa chance dans une élection quelconque. On lui demanda alors, pour rester dans la ligne du maître, de suivre une petite formation. On ne s’improvise pas candidat, surtout du principal parti de France, sans un minimum de bases. Il dut passer dans douze ateliers, deux modules selon le vocable officiel, pour parer à toutes les nécessités de l’aventure.


Laissez-moi vous narrer dans le détail, les contenus de formation. Tous nos députés macronistes sont passés par là, il se murmure que d’autres partis disposent du même programme préparatoire. Je vous invite à prendre très au sérieux ce petit résumé si vous désirez, à votre tour, vous lancer dans la grande aventure civique.


Atelier numéro 1 : Comment manger son chapeau ?


Il n’est jamais inutile de débuter un cursus par le point le plus délicat. L’exercice du pouvoir suppose d’avoir de l’estomac. Un autre atelier le démontrera également. Il est important pour ce premier impératif d’avoir les dents longues. La matière dont sont faits les chapeaux suppose également de parfaire sa dentition. La recommandation de base est d’affûter ses canines contre un parquet. Si l’exercice est délicat, il n’en demeure pas moins d’une efficacité largement attesté par bien des grands noms de la fonction.


Atelier numéro 2 : Apprendre à arracher les dents ?


Il convient parfois de prendre au pied de la lettre les expressions populaires. Elles sont porteuses d’une sagesse dont le futur candidat ne peut se dispenser. L’art du mensonge suppose de mettre tous les atouts de son côté pour passer maître dans la duperie. Apprendre à arracher une dent sans anesthésie et avec les moyens du bord est une sorte de passage obligé tout comme du reste trouver le cobaye pour réaliser la chose. Accomplir ce prodige risque de couronner votre entrée en politique.


Atelier numéro 3 : Jeter de la poussière aux yeux ?


Si le mensonge est votre fond de commerce, il s’agit de ne pas s’en contenter. Les belles promesses, les propositions illusoires doivent alimenter vos discours. La conviction s’impose en ce domaine. L’art d’enfiler des perles, des propos creux mais brillants pour un public que nous qualifions dans notre jargon de Pimpins vous sera fort utile pour vous concilier ceux qui votent sans réfléchir. La poudre de perles à Pimpins sera une arme redoutable dont vous devrez acquérir la maîtrise.


Atelier numéro 4 : Monter en épingle


L’art de la controverse ne doit pas vous être étranger. Cependant, s’aventurer réellement dans le débat est un risque majeur surtout si comme notre profession l’impose, nous n’avons guère de solution crédible à avancer. L’esquive est la plus sûre parade en s’appuyant sur un fait ou une réplique mineure afin de sans cesse revenir à la charge, piquer votre adversaire, le harceler avec une parfaite mauvaise foi. Nous appelons ça monter en épingle ou parfois monter la mayonnaise.



Atelier numéro 5 : Vendre du vent


Voilà bien ce qui caractérise notre corporation. Si la formule peut laisser croire que la chose est aisée, il convient cependant de savoir justement d’où vient le vent. Le bon politicien doit impérativement disposer d’une girouette qui lui donnera le cap à suivre. Le doigt toujours mouillé, vous devrez sentir les courants d’idées, saisir les nouvelles tendances, avoir l’art et la manière d’infléchir vos positions pour toujours être en phase avec la versatile opinion publique.


Atelier numéro 6 : Laisser pisser le mérinos


Nous achèverons ce premier cycle de formation par un module essentiel à votre tranquillité. Nous ne vous demandons pas d’avoir bonne conscience, la chose est impossible dans le métier mais tout simplement de repousser d’un revers méprisant de la main tout ce qui pourrait vous contrarier. Ne vous sentez jamais concerné par les attaques surtout quand elles viennent d’un persifleur, d’un pamphlétaire ou d’un opposant systématique. Votre silence est garant de succès.



Après une telle journée d’apprentissage des bases du métier de la politique, une petite soirée récréative s’impose. Elle se déroulera lors d’une cérémonie officielle si possible suivie d’un spectacle. Vous aurez alors tout loisir de jouir des privilèges de ceux qui vous précèdent, qui sont parvenus au pouvoir. Champagne, petits fours, place réservée, passage dans les loges, photographies en compagnie de l’artiste sont autant de petit plus qui doivent vous donner l’envie de bénéficier à votre tour de ces à côté de la profession. Le chauffeur personnel ne sera au programme que si vous avez une ambition plus forte encore.


Atelier numéro 7 : Avaler des couleuvres


Nous débuterons la seconde journée à nouveau par une compétence alimentaire. Notez la nuance, cette fois, il s’agit d’avaler, sans digérer bien sûr. La couleuvre doit glisser, ne laisser aucune trace, disparaître à tout jamais. Votre organisme doit l’ingérer, l’engloutir et ne plus jamais évoquer son souvenir. Il convient de passer bien des choses en profit et pertes, disposer de la capacité d’effacer les éléments négatifs de votre disque dur. L’amnésie est une qualité fondamentale dans notre univers.


Atelier numéro 8 : Tirer les ficelles


Vous serez souvent traités injustement de pantin par les jaloux. Ne leur accordez aucune importance car bien au contraire, c’est à vous de vous dissimuler derrière le rideau pour en tirer les ficelles. Vous devez déléguer, envoyer au feu des comparses et encore mieux des opposants qui seront le cœur de cible des déçus. Vous apparaîtrez alors, en sauveur, sans avoir été affecté par les erreurs, les fautes qui auront été commises par d’autres. Vous devrez surtout apprendre à vous laver les mains de tout ce qui n’est pas bon à votre image.


Atelier numéro 9 : Mettre le nez dans la farine


Rassurez-vous, il ne s’agit pas de votre nez. Si vous devez le mettre partout, tout savoir s’en rien n’en paraître, il vous appartient de vous montrer impitoyable dès qu’une bévue est commise. Le responsable désigné (qu’importe la réalité du fait) sera châtié publiquement, humilié, radié de votre entourage. Vous devez lui enfoncer le nez dans la farine ou à défaut dans la fange. Vous devrez faire preuve d’une détermination impitoyable. Renoncer à l’amitié s’impose dans l’exercice du pouvoir.


Atelier numéro 10 : Clouer le bec


Nous pourrions tout aussi bien appeler ce module : enfoncer le clou. Il est ici question de l’art et de la manière de faire taire définitivement un opposant. Plus vous taperez dur, plus vous taperez fort et mieux sera obtenu le résultat. Prenez de la hauteur, tenez le marteau à l’extrémité du manche, assurez-vous que le clou soit dans les mains d’un comparse. Des exercices pratiques vous seront proposés afin d’apprendre à ne jamais frapper à côté de la bonne tête.


Atelier numéro 11 : Faire le gros dos.


Nous vous apprendrons à laisser passer la tempête, à disparaître opportunément quelques jours au cœur de la tourmente. Nous vous donnerons aussi quelques conseils à propos de cette partie du corps qu’il convient de ne jamais présenter à vos ennemis. À titre de conseil et pour rester dans ce registre, faire la bête à deux dos dans l’exercice de votre activité est fortement déconseillé. Beaucoup s’en mordent les doigts.


Atelier numéro 12 : Tirer les marrons du feu


C’est pour finir le plus grand talent que vous devez acquérir. Les mandats sont de courte durée, un projet met du temps à se réaliser. Bon nombre d’actions que vous inaugurerez ne seront pas de votre fait. Qu’importe, vous devez absolument vous les attribuer comme il vous appartiendra de coller sur le dos de vos opposants les éventuelles et improbables maladresses de votre fait. Le marron est destiné à remplir les dindes et les chapons, ne vous en privez pas quand il s’agit de boulets à traîner. Par contre, s’ils vous sont favorables, n’hésitez jamais à vous en régaler.


 


Hilarion sortit hilare et ragaillardi de sa formation. Il devint un être certes parfaitement infréquentable comme ami, compagnon de route ou fréquentation ? mais un solide professionnel de la duperie, de l’hypocrisie et de la roublardise. Il se rendit compte à sa grande surprise que tous ces adversaires avaient eu la même formation ce qui ne lui fit jamais douter de sa pertinence. Il se prit pour Hercule, n’étant hélas que lui-même, Hilarion Lefuneste le bien nommé.

 


 

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