vendredi 17 juillet 2020

Nénesse


La Sologne de Raboliot



Les solognots ne sont pas gens ordinaires. Ils sont nés avec un bien curieux gène qui les pousse à la braconne, au détournement des règles et à la folie carnassière. L'histoire que je vais vous conter, pour réelle qu'elle soit n'en doit pas pour autant être éclairée au grand jour. Le délit et l'interdit planent sur ses protagonistes ...

Il était une fois une excursion en car rassemblant enfants et adultes de ce pays des ventres jaunes et des landes violettes. Chacun porte en lui un amour immodéré pour la bonne chair et tout est prétexte en cette contrée pour se mettre en chasse.

Le car avance sur une route qui conduit nos gens vers une cité Écossaise perdue depuis longtemps dans cette belle région. Soudain, au milieu de la chaussée, une bande attend son heure !
Sept, comme les nains, les mercenaires ou toutes les histoires à dormir debout, sept marcassins s'éparpillent à l'approche du transport collectif.

Des yeux citadins auraient manqué le signal, là aucun n'avait manqué le message. Les portes à battants s'ouvrirent pour laisser passer la meute des gamins de ce grand équipage. La poursuite se termina par la victoire du bipède sur son homologue quadrupède et les marcassins se trouvèrent enfermés dans la soute avant que d'avoir compris ce qui se passait.

Arrivés à destination, nos affreux avaient déjà oublié leur forfait. Se hâtant pour participer à une compétition sportive, ils ouvrirent les soutes prestement. Comme des diables sortant de leur boîte, nos marcassins saisirent l'aubaine pour s'égailler et semer la panique dans la manifestation.

D'une meute, il s'en trouva bientôt trente pour rattraper ces petits désemparés par la mort probable de leur mère allaitante et ce monde qui tournoyait autour d'eux. La grande vénerie n'a pas besoin de décorum pour mobiliser nos amis Sylvains.

Les sept marcassins retrouvèrent la soute et furent l'objet d'étranges tractations. Deux d'entre-eux rentrèrent en automobile. Des parents bien pensants voulaient offrir ce curieux compagnon à des enfants qui obtiennent tout ce qu'ils demandent. Les quatre autres trouvèrent les pis d'une truie bienveillante pour poursuivre leur croissance en un lieu plus conforme à leur
état ordinaire.  Un autre enfin trouva un adulte solitaire qui souhaitait meubler son ennui et sa douce folie !

C'est de celui-ci que je vais vous narrer une partie de la vie de chien destinée à unsanglier. Élevé au biberon par un ours mal léché qui ignorait tout jusqu'alors de cet objet et du liquide qu'il contient, Nénesse, puisque c'est ainsi qu'il fut baptisé, grandit auprès de ce bien curieux maître.

Avec lui, il découvrit l'amour des apéritifs interminables et des étranges boissons qui les accompagnent. Petit, les pitreries de Nénesse amusaient la galerie et il héritait alors de friandises et de fonds de verre. Notre marcassin grandit et devint sanglier , alcoolique de surcroît !

Il mangeait dans des proportions étonnantes cacahouètes et pistaches qu'il ne prenait jamais la peine de retirer de  leurs coques. Il avait une préférence coupable pour la sangria et surtout pour ces fruits alcoolisés qui le mettaient sur le cul. Car, c'est ainsi qu'il terminait ses soirées, saoul comme un cochon polonais !

Mais Nénesse était de plus en plus encombrant. Dans sa folie alcoolique, il renversait la tables, les verres ce qui n'est pas trop grave et les bouteilles, ce qui devient dramatique. Alors, un soir de beuverie partagée, le solitaire prit sa carabine et plomba définitivement cette étrange amitié. Nénesse fut mis en quartiers dans une cuisine clandestine et termina par où il avait péché. Moi
qui vous écris, j'ai eu le privilège de goûter à une terrine de Nénesse et c'est ainsi que j'appris sa bien triste histoire !

Charcutièrement vôtre


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