La
Sologne de Raboliot
Les
solognots ne sont pas gens ordinaires. Ils sont nés avec un bien
curieux gène qui les pousse à la braconne, au détournement des
règles et à la folie carnassière. L'histoire que je vais vous
conter, pour réelle qu'elle soit n'en doit pas pour autant être
éclairée au grand jour. Le délit et l'interdit planent sur ses
protagonistes ...
Il
était une fois une excursion en car rassemblant enfants et adultes
de ce pays des ventres jaunes et des landes violettes. Chacun porte
en lui un amour immodéré pour la bonne chair et tout est prétexte
en cette contrée pour se mettre en chasse.
Le
car avance sur une route qui conduit nos gens vers une cité
Écossaise perdue depuis longtemps dans cette belle région. Soudain,
au milieu de la chaussée, une bande attend son heure !
Sept,
comme les nains, les mercenaires ou toutes les histoires à dormir
debout, sept marcassins s'éparpillent à l'approche du transport
collectif.
Des
yeux citadins auraient manqué le signal, là aucun n'avait manqué
le message. Les portes à battants s'ouvrirent pour laisser passer la
meute des gamins de ce grand équipage. La poursuite se termina par
la victoire du bipède sur son homologue quadrupède et les
marcassins se trouvèrent enfermés dans la soute avant que d'avoir
compris ce qui se passait.
Arrivés
à destination, nos affreux avaient déjà oublié leur forfait. Se
hâtant pour participer à une compétition sportive, ils ouvrirent
les soutes prestement. Comme des diables sortant de leur boîte, nos
marcassins saisirent l'aubaine pour s'égailler et semer la panique
dans la manifestation.
D'une
meute, il s'en trouva bientôt trente pour rattraper ces petits
désemparés par la mort probable de leur mère allaitante et ce
monde qui tournoyait autour d'eux. La grande vénerie n'a pas besoin
de décorum pour mobiliser nos amis Sylvains.
Les
sept marcassins retrouvèrent la soute et furent l'objet d'étranges
tractations. Deux d'entre-eux rentrèrent en automobile. Des parents
bien pensants voulaient offrir ce curieux compagnon à des enfants
qui obtiennent tout ce qu'ils demandent. Les quatre autres trouvèrent
les pis d'une truie bienveillante pour poursuivre leur croissance en
un lieu plus conforme à leur
état
ordinaire. Un autre enfin trouva un adulte solitaire qui
souhaitait meubler son ennui et sa douce folie !
C'est
de celui-ci que je vais vous narrer une partie de la vie de chien
destinée à unsanglier. Élevé au biberon par un ours mal léché
qui ignorait tout jusqu'alors de cet objet et du liquide qu'il
contient, Nénesse, puisque c'est ainsi qu'il fut baptisé, grandit
auprès de ce bien curieux maître.
Avec
lui, il découvrit l'amour des apéritifs interminables et des
étranges boissons qui les accompagnent. Petit, les pitreries de
Nénesse amusaient la galerie et il héritait alors de friandises et
de fonds de verre. Notre marcassin grandit et devint sanglier ,
alcoolique de surcroît !
Il
mangeait dans des proportions étonnantes cacahouètes et pistaches
qu'il ne prenait jamais la peine de retirer de leurs coques. Il
avait une préférence coupable pour la sangria et surtout pour ces
fruits alcoolisés qui le mettaient sur le cul. Car, c'est ainsi
qu'il terminait ses soirées, saoul comme un cochon polonais !
Mais
Nénesse était de plus en plus encombrant. Dans sa folie alcoolique,
il renversait la tables, les verres ce qui n'est pas trop grave et
les bouteilles, ce qui devient dramatique. Alors, un soir de beuverie
partagée, le solitaire prit sa carabine et plomba définitivement
cette étrange amitié. Nénesse fut mis en quartiers dans une
cuisine clandestine et termina par où il avait péché. Moi
qui
vous écris, j'ai eu le privilège de goûter à une terrine de
Nénesse et c'est ainsi que j'appris sa bien triste histoire !
Charcutièrement
vôtre
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