Conversations
estivales …
Accablés de chaleur et de
quelques verres alcoolisés, des convives viennent fêter une
crémaillère par une température qui ne justifie nullement
l'utilisation de cet ustensile obsolète. C'est d'ailleurs dans la
fraîcheur du jardin qu'ils se regroupent pour palabrer de tout et
surtout de presque rien de sérieux.
La saison impose parfois
des sujets de conversations qui surprennent toujours le billétiste
chronique. En ce soir de la fin du mois de juin, une dame impose à
toute cette noble assemblée une réflexion profonde sur les mille et
une manières de faire la confiture de cerises.
Les grands orateurs ont
toujours une manière bien personnelle de tenir leur assistance en
haleine. La dame cerise avait ce soir-là accompagné ses propos
confituriers de quelques pâtisseries doucereuses qui lui conféraient
autorité dans la chose sucrière.
Elle profitait alors de
l'avantage rhétorique pour palabrer sans cesse sur des queues de
cerises. Elle affirme que la difficulté historique de la confiture
de ce fruit de saison est dans l'absence de pectine.
Une affirmation qui me
laisse pantois mais déclenche une avalanche de remarques chez tous
les chantres de la bassine en cuivre. La pectine, je l'apprends sur
le tard, est le liant nécessaire pour que votre confiture se tienne
un peu mieux sur la tartine destinée à la recevoir un matin.
Celui qui n'a jamais essayé
d'étaler un mélange trop liquide sur une tranche de pain ajourée
ignore tout de l'importance du propos d'alors. Point de pectine vous
condamne à la table souillée, aux doigts collants et au café
bombardé.
Il faut trouver
substitution efficace à cette lacune naturelle qui touche encore
plus la cerise aigre, sujet de notre conversation du moment. La dame,
débordante d'ingéniosité, révèle alors des secrets alchimistes.
Le trognon de pomme supplée
à la carence fatale, il donne contenance ou à défaut consistance,
à notre confiture préparée dans le secret de sa cuisine. D'autres
proposent l'apport de framboises, de fraises ou de tomates rouges
pour apporter la substance magique.
J'avoue ne pas avoir tout
suivi et il se peut que j'aie décroché un peu. J'ai cru comprendre
que les noyaux de cerise pouvait se trouver emprisonner dans un voile
de mousseline pour donner saveur mais surtout pas pectine à la
préparation secrète.
J'allais de verres en
verres pour trouver contenance et ne me nourrissais que de bribes de
propos culinaires. J'ai cru comprendre que la dame se hasardait
parfois à des expériences étranges. Une algue se grimant en queue
de cerise : l'agar-agar venait se glisser dans les secrets
d'arrière-cuisine pour obtenir ce magnifique petit perlé.
Les astuces se mêlent aux
propos hasardeux, le sucre qu'il faut peser au gramme prêt et
choisir avec discernement. Le sucre vanille qui donne cet exotisme
nécessaire au rêves tropicaux et à la mise en bocaux. Ce zeste de
citron qui ajoute de l'acide à cet aigre qui vous chavire le cœur.
Le choix de la balance et de l'heure de cuisson, l'ovulation de la
dame ou le taux d'imposition.
Tout est prétexte à
secret qu'on refuse de concéder à une curiosité pourtant, qui fut
aiguisée. Je reste dans mon coin et me demande si la Dame palabreuse
ne pourrait pas me concocter une tisane de queues de cerises, un
diurétique parfait pour évacuer toutes ces propos de Griots !
Ceriseaigrement vôtre
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