jeudi 2 juillet 2020

La cerise sur le propos.



Conversations estivales …



Accablés de chaleur et de quelques verres alcoolisés, des convives viennent fêter une crémaillère par une température qui ne justifie nullement l'utilisation de cet ustensile obsolète. C'est d'ailleurs dans la fraîcheur du jardin qu'ils se regroupent pour palabrer de tout et surtout de presque rien de sérieux.

La saison impose parfois des sujets de conversations qui surprennent toujours le billétiste chronique. En ce soir de la fin du mois de juin, une dame impose à toute cette noble assemblée une réflexion profonde sur les mille et une manières de faire la confiture de cerises.

Les grands orateurs ont toujours une manière bien personnelle de tenir leur assistance en haleine. La dame cerise avait ce soir-là accompagné ses propos confituriers de quelques pâtisseries doucereuses qui lui conféraient autorité dans la chose sucrière.

Elle profitait alors de l'avantage rhétorique pour palabrer sans cesse sur des queues de cerises. Elle affirme que la difficulté historique de la confiture de ce fruit de saison est dans l'absence de pectine.

Une affirmation qui me laisse pantois mais déclenche une avalanche de remarques chez tous les chantres de la bassine en cuivre. La pectine, je l'apprends sur le tard, est le liant nécessaire pour que votre confiture se tienne un peu mieux sur la tartine destinée à la recevoir un matin.

Celui qui n'a jamais essayé d'étaler un mélange trop liquide sur une tranche de pain ajourée ignore tout de l'importance du propos d'alors. Point de pectine vous condamne à la table souillée, aux doigts collants et au café bombardé.

Il faut trouver substitution efficace à cette lacune naturelle qui touche encore plus la cerise aigre, sujet de notre conversation du moment. La dame, débordante d'ingéniosité, révèle alors des secrets alchimistes.

Le trognon de pomme supplée à la carence fatale, il donne contenance ou à défaut consistance, à notre confiture préparée dans le secret de sa cuisine. D'autres proposent l'apport de framboises, de fraises ou de tomates rouges pour apporter la substance magique.

J'avoue ne pas avoir tout suivi et il se peut que j'aie décroché un peu. J'ai cru comprendre que les noyaux de cerise pouvait se trouver emprisonner dans un voile de mousseline pour donner saveur mais surtout pas pectine à la préparation secrète.

J'allais de verres en verres pour trouver contenance et ne me nourrissais que de bribes de propos culinaires. J'ai cru comprendre que la dame se hasardait parfois à des expériences étranges. Une algue se grimant en queue de cerise : l'agar-agar venait se glisser dans les secrets d'arrière-cuisine pour obtenir ce magnifique petit perlé.

Les astuces se mêlent aux propos hasardeux, le sucre qu'il faut peser au gramme prêt et choisir avec discernement. Le sucre vanille qui donne cet exotisme nécessaire au rêves tropicaux et à la mise en bocaux. Ce zeste de citron qui ajoute de l'acide à cet aigre qui vous chavire le cœur. Le choix de la balance et de l'heure de cuisson, l'ovulation de la dame ou le taux d'imposition.

Tout est prétexte à secret qu'on refuse de concéder à une curiosité pourtant, qui fut aiguisée. Je reste dans mon coin et me demande si la Dame palabreuse ne pourrait pas me concocter une tisane de queues de cerises, un diurétique parfait pour évacuer toutes ces propos de Griots !

Ceriseaigrement vôtre

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