Brèves
de couloir.
L'autoroute ! Éternel
recommencement de tours de roues pour faire défiler des paysages
dissimulés derrière un grillage. Insupportable station assise,
engoncement capitonné dans un habitacle mobile. Les kilomètres se
traînent interminablement.
Moins les jambes s'agitent
plus les langues se délient. Après la traditionnelle tournée des
popotes : enfants, travail, famille, amis, politique, la source
principale de l'ennui du moment se donne pour combler le vide de la
conversation autoroutière. L'auto dans tous ses états est
l'occasion de discourir sans tête à queue ni raison.
Il y a d'abord ces
véhicules pressés, ces princes du couloir gauche, à l'abri des
mauvaises surprises ou des règles communes qui foncent à tombeau
presque ouvert vers un avenir incertain. Ces trompe-la-mort ou la
gendarmerie irritent nos civiques 'converseurs'. Ceux qui commettent
l'infraction s'arrogent le droit de pourfendre les traîneux du
couloir de droite : appels de phares et cornes chromatiques attestent
autant de leur toute puissance que de leur manque total d'éducation.
Les bolides passent : un
éclair rouge, une bombe noire, une fusée métallisée, un chevalier
casqué. Le luxe s'émancipe des règles communes et l'argent vous
place souvent au-dessus des lois. Nos honnêtes usagers se lancent
alors dans une diatribe assassine contre ces voyous trop respectés.
La technologie se fait
complice de ces chauffards. Radars annoncés sur leurs routeurs
informatiques, zones de surveillance à la jumelle suggérées par
une auto délation bien peu citoyenne. Le législateur aggrave encore
l'injustice en fixant des montants fixes aux contraventions. L'un
suggère un tarif en fonction de la valeur du véhicule, l'autre plus
expéditif demande la destructions du véhicule des grands
contrevenants !
Les deux s'accordent à
penser qu'un contrôle de vitesse sur la moyenne serait une mesure
bien plus équitable et efficace. Le billet de péage devrait
facilement permettre ce système qui toucherait bien trop les amis de
nos décideurs. Il faudrait comptabiliser les arrêts sur le trajet,
rien de bien compliqué quand on souhaite vraiment réduire la
vitesse.
De ticket en ticket, nos
bateleurs évoquent alors les grands bouchons. Ces blocages
insupportables qui n'empêchent pas de payer son octroi à la sortie
du piège. Le pilote s'étonne qu'on tolère pareille absurdité ;
payer un service qui n'est pas rendu. Les portes latérales devraient
s'ouvrir pour libérer les clients pris au piège, les sorties
conseillées avant que de connaître cet immobilisme bien rentable.
La science vient au secours
de la conversation. Le technicien évoque les pistes du filoguidage
pour faire du serpent autoroutier, un train docile et régulier qui
ne connaîtrait ni accident, ni blocage. Le sceptique ne voit pas
l'homo-automobilis sacrifier à sa liberté de nuisance.
De fil en aiguille qu'il ne
faut pas perdre des yeux, nos comparses finissent par fuir cet espace
payant. Ils évoquent pour finir ce scandale absolu qui a permis de
vendre une bouchée de pain ce que la nation avait payé par l'impôt
et le péage. Au royaume des coquins, les margoulins sont les princes
et nos dirigeants de bien sinistres prévaricateurs.
La route nationale
n'arrêtera pas le moulin à griefs. Bien au contraire, l'évidence
d'un abandon de la sécurité saute aux yeux. Les collectivités
locales se font complices des sociétés autoroutières. Ne pas
mettre l'offre gratuite au niveau de l'offre payante. Ne jamais
préciser clairement la vitesse exigée à un instant donné. Manier
le flou et l'ambigu pour faire de la route une poule fiscale.
Le chemin n'arrête pas le
chagrin et les propos désagréables. D'autres trajets donneront
d'autres sujets de consternation. La chose semble inépuisable !
Autorâlement vôtre
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