Entre
Vienne et Clain
Il
était une fois il y a fort longtemps de cela deux rivières qui se
réunissaient en une confluence qui disposait d’un gué. Endroit
stratégique s’il en est, il convenait d’ériger une motte, une
butte de terre afin de voir plus loin et de prévenir des arrivées
suspectes. L’histoire de nos villes est ainsi constituée le plus
souvent de faits en relation avec les rivières qui les bordent. Il
n’en va pas différemment à Chatellerault, la belle cité en rive
gauche de la Vienne.
Il
s’appelait Airaud, était un fier guerrier, ce qui peut sans doute
expliquer que bien plus tard, on installa en cette ville une
manufacture d’armes. Mais qui se souciait alors des chiens et des
fusils ? Araldus venait de Poitiers, il chevauchait quand il arriva
près des vestiges de la cité gallo romaine de Briva. L’homme
était érudit, il savait qu’en Celte ce mot signifie pont et que
sans aucun doute, jadis un ouvrage en bois enjambait les rivières
non loin de leur confluence.
Les
temps n’étaient plus à la réalisation de telles constructions.
Il se dit pourtant que l’endroit s’il avait été propice au
franchissement devait pouvoir l’être encore avec un peu
d’imagination. Airaud descendit de son fier destrier et examina le
territoire qui se présentait à lui. Voilà, se dit-il, une
merveilleuse région pour m’installer et établir une vicomterie
afin de s’émanciper quelque peu de la domination du Comte de
Poitiers.
L’homme
avait des ressources et plus encore de l’imagination. Il se mit en
quête de gens d’armes pour servir ses intentions tout autant
qu’effrayer les gueux qui vivaient alentour. La troupe constituée
avec force deniers, le cavalier se présenta sur la rive, menaçant
les paysans qui se trouvaient sur l’autre rive.
La
réaction ne manqua pas. Craignant que la soldatesque ne s’enhardisse
à franchir les rivières pour forcer leurs femmes, les manants qui
ne possédaient guère, voulurent éloigner ce péril avec la seule
arme que n’ont jamais possédée les simples gens. Ils leur
lancèrent des pierres qui par manque de moyen de propulsion,
tombèrent toutes dans l’eau.
Chaque
jour, la troupe revenait sur la rive, chaque fois le même scénario
se reproduisait. Les paysans jetaient tous les cailloux qu’ils
avaient ramassés, pensant ainsi, dissuader les hommes en arme de
s’approcher de l’eau et de franchir les rivières sur leurs
chevaux. Une pluie de pierres tomba ainsi entre Clain et Vienne
durant ce curieux siège.
Airaud
s’amusait fort des grimaces des paysans. Il se réjouissait en son
for intérieur de la totale réussite de son plan. Car chaque jour,
il se présentait à eux exactement au même endroit si bien que
toutes les pierres lancées finirent par constituer un gué sur le
fond de la confluence. C’est une nuit, profitant d’un clair de
Lune qu’avec ses soldats il franchit l’endroit et établit son
camp sur l’autre rive.
Au
matin, les paysans virent ceux qu’ils redoutaient tant, allant et
venant paisiblement tout près de leurs maisons. Ils comprirent alors
que les soldats n’avaient pas de mauvaises intentions tandis que
par leur stratagème ingénieux, ils avaient permis de faciliter le
franchissement de ce qui jusqu’alors ne se pouvait pas.
Airaud
s’adressa alors à ceux qui allaient devenir les premiers sujets de
son futur domaine. « Vous avez pas votre action permis
d’établir les fondations de mon futur domaine. Pour vous
remercier, mes hommes vont construire ici une grande tour en bois
qu’ils installeront au sommet d’une motte afin de garder le gué.
Ainsi vous disposerez de notre protection pour la peine que vous vous
êtes donnés depuis quelques semaines. Je me fais, par la vertu de
ce gué qui scelle notre union, Vicomte de Castel Airaud, titre qui
reviendra à mes enfants par la suite. »
Ainsi
fut fait. La vie s’installa de manière plus paisible en ce lieu.
C’est ainsi que naquit la ville de Chatellerault. D’un jet de
pierres, il est possible de faire le mal mais aussi le bien. Bien
plus tard, sous le règne d’Henri IV, un autre prince débonnaire,
la cité revint aux origines de l’histoire de Briva en dressant un
pont. Le gué disparut dans la mémoire des gens qui n’aiment guère
se mouiller pour franchir le pas ou la rivière.
Un
port y fut érigé également pour assurer le commerce au fil de ce
bel affluent de la Loire. La richesse de ce pays, trouva par là
même, l’occasion de se développer. Qu'en ce jour, on célèbre la
marine de Vienne n’est que justice. Et pour que passent leurs
bateaux, ne jetez pas de cailloux dans l’eau !
Passagement
leur.
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