La neuvième planète.
Les astronomes, la tête dans les étoiles et plus rarement les pieds sur terre, font grand postulat de l'existence d'une neuvième planète : une géante gazeuse qui aime à jouer les filles de l'air tout en se dissimulant à la curiosité de tous les voyeurs célestes. Grand bien leur fasse ! l'idée de voir s'agrandir notre modeste petite famille n'est pas pour me déplaire.
Mais laissons là ces doux rêveurs, ces gentils professeurs Tournesol pour nous préoccuper des champions de la divination foireuse, des princes de la supputation terrestre, les prestidigitateurs de l'opinion, les cleptomanes de la vérité : nos hommes politiques ! Que serai-je sans eux, moi qui scrute à longueur de temps, à la courte vue, les agissements dérisoires de ces pauvres pantins pathétiques ?
Quelle serait leur neuvième planète à eux, cette poudre aux alouettes qui va sortir de leur chapeau pointu pour nous berner une fois encore, nous faire croire aux étoiles montantes, à la fin de l'éclipse ou bien à la sortie du système monétaire ? Les princes de la voie funeste ne sont jamais à cours d'imagination pour nous promettre mieux que la Lune : la neuvième planète !
Elle se nomma en son temps « Plein Emploi » puis il fallut se rendre à l'évidence : le chômage n'était pas une comète qui passait dans notre ciel avant de disparaître à jamais. Les queues se sont étirées dans les files d'attente de nos pôles emplois qui ne sont pas magnétiques. L'espoir d'un renouveau, d'une éclaircie dans le ciel du travail est désormais illusoire. Cette planète -là ne servira plus jamais, à moins que ces charlatans d'astrologues ne nous prennent vraiment pour des gugusses …
Elle peut encore s'appeler « Croissance », un vieux réflexe lunaire, pour ces maîtres d'un monde circonscrit à leur seul petit satellite personnel. Ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez ; ils ne font que regarder le doigt qui pointe le ciel à la recherche de solutions nouvelles. Ils ne peuvent penser autrement que de l'archaïque manière dont on les a abreuvés dans leurs grandes écoles obsolètes. La conjonction des planètes restera à jamais un mystère insondable pour ceux qui s'inscrivent dans le court terme et négligent l'espace-temps.
Elle pourrait être « La paix universelle ». La perspective, pour magnifique qu'elle soit, ferait hélas bien des mécontents. Les marchands d'armes ne verraient pas d'un bon œil ce slogan qui mettrait un terme à leur macabre commerce. Les grands hommes devraient renoncer à ces petits complots qu'ils aiment à fomenter pour abattre un dictateur supposé, le remplacer par pire que lui, armer un groupuscule, déclencher des réactions en chaîne qu'ils ne maîtrisent jamais. Non, ce serait les priver du seul plaisir qu'ils ont, n'y pensons pas !
La neuvième planète devrait être la nôtre : la Terre, celle que leur système absurde et mortifère est en passe de rendre invivable à brève échéance. Mais, rassurez-vous, nos visionnaires ne peuvent se pencher sur la poutre qui se trouve dans leur ligne de mire. Ils regardent au loin, ils ont des perspectives à long terme, ils se projettent dans l'avenir, ils évoluent dans une autre dimension temporelle que nous autres, les pauvres imbéciles constatant, impuissants, les dégâts que ces scrutateurs de demain ne peuvent voir.
Et si la neuvième planète était en nous, si elle s'appelait Démocratie Citoyenne, Concorde, Ecologie, et Participation. Un monde sans les grands apprentis sorciers, sans les thuriféraires du marché, sans les boute-feux des nations, sans les représentants de commerce de ceux qui détruisent sciemment notre maison commune ! Un rêve fou, un rêve qui se passerait aisément de ces primaires stupides qui nous mettent, une fois encore, le nez dans leur carte stellaire : celle des étoiles naines et presque éteintes qui se consument depuis si longtemps sans apporter rien de neuf …
La neuvième planète est en nous. Elle est en chacun de nous. À nous d'ouvrir les yeux et de penser autrement. Envoyons-les sur orbite, débarrassons-nous de cette clique ubuesque. Ces ignares en sont encore à croire que la Terre est plate comme un billet de banque ou bien une action en bourse. Ils n'ont aucun projet ambitieux si ce n'est celui de tenir encore un peu, de rester en place, de profiter du spectacle de leur impuissance chronique.
La géante gazeuse à la gigantesque orbite n'est pas cachée au-delà de Neptune. Elle est sous nos yeux, véritable trou noir de nos impôts, gouffre inutile et désastreux. Ce sont tous ces alchimistes à la petite semaine qui, depuis des siècles, n'ont cessé de transformer l'or en plomb. Il est grand temps de prendre notre destin en main ; le ciel ne saurait attendre !
Célestement leur
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