Entre
Loire et Mémoire.
Il y a parfois des petits
coins de France qui échappent à la folie des hommes, à leur désir
de tout enlaidir pour que l'environnement se plie à ce désir
irréfragable de gagner toujours plus. Entre Loire et Canal
d'Orléans, Combleux est de ceux-là.
La clairvoyance d'un maire
qui a refusé d'aliéner la qualité de la vie en son village aux
deniers des industriels et autres marchands de sommeil, a maintenu un
espace préservé qui réjouit l'œil et la quiétude du lieu..
Combleux se prélasse le
long de son canal, de ses ponts piétons, et des ses écluses
bourdonnantes. La Loire, majestueuse, encore sauvage, libre encore
coule le long du village. Leurs relations ne furent pas toujours
paisibles, les colères de la fille Ligère ont laissé des traces
sur les murs des maisons, des marques à l'encre rouge pour rappeler
ces années noires qui revenaient tous les dix ans : 1846 – 1856 –
1866 de sinistre mémoire.
Au bout du village, le
Canal et la Loire s'unissent dans un abandon de grand large. Le
fleuve se fait presque mer, il se gonfle et s'ouvre à l'horizon. Qui
aime notre Loire reconnaît que c'est l'un des endroits où elle est
la plus belle, rebelle et tendre à la fois, sauvage et offerte aux
hommes, mariniers cœurs infidèles et mœurs légères.
Les futreaux de nos amis
des Escapades Ligériennes attendent paisiblement la prochaine
expédition pour des fêtes sincères et de belles bordées entres
gens simples. Leur compère Pascal évoque sa vieille mère quand
elle entonnait son succès d'antan, celui qui la fit monter sur les
planches pour venir en aide à des prisonniers d'une guerre déjà si
lointaine. « T'as qu'à Voire ! ».
Plus loin, vers Orléans la
bourgeoise, un mur de pierre détourne les eaux du fleuve pour qu'il
privilégie la rive droite, celle de la cité Johannique, des
marchands de vin et des faiseurs de vinaigre quand les eaux sont trop
basses. Leurs petits enfants désirent maintenant lancer un pont sur
ce paysage incomparable, ruiner la paix de cet espace miraculeux au
profit de quelques-uns et du dieu automobile.
Pour oublier cette
perspective intolérable, l'Auberge de la Marine vous tend sa
terrasse et sa salle authentique. Un décor anachronique, une
atmosphère entre le cossu et le bon enfant, du rococo et de
l'improbable pour que vous vous sentiez immédiatement emportés par
les flots de l'émotion et de la gourmandise.
Ne manquez pas la friture
de Loire, un souvenir incertain qui vous revient immédiatement en
plein palais. Les temps de votre enfance, des barbotes endiablées,
des patouilles dans l'eau troublée par ses nuages de sable qui
piégeaient le frétillant goujon, l'ablette et le gardon. Arrosez la
mise en bouche de ce petit Menetou du père Clément, vigneron qui
bine encore sa vigne et vous propose un sauvignon minéral et fruité
à la fois.
Les sauces qui accompagnent
viandes et poissons fleurent la douceur de notre région, les saveurs
y sont pastel, les couleurs tendres, les goûts exquis. Elles se
parent de légumes qui deviennent fête, vous saucerez l'assiette
jusqu'au dernier quignon de pain. Le merveilleux rouge de sancerre de
Monsieur Crochet, libérera ses parfums de cerise en vous mettant en
joie.
N'oubliez pas la fromagée
pour rester en terre d'ici, visitez la carte des desserts si
l'aventure salée et poivrée vous effraie en fin de repas. Vous
reviendrez, j'en suis certain pour une promenade le long du canal et
une nouvelle halte à la marine …
Combleusement vôtre
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