jeudi 25 juin 2020

Le dernier cas d'école.



Pris dans la toile …



Depuis le temps qu'ils en rêvaient, ils ont fini par en venir à bout. Adieu ma communale et ses parfums d'antan, adieu le collège et son ultime mélange social, adieu les lycées, leurs troublions éblouissants.

L'éducation nationale est morte ce matin, le dernier établissement a été fermé. Le mammouth a rejoint ses congénères, jadis disparus, dans l'armoire aux souvenirs d'un temps où les gens se parlaient, se mélangeaient, se touchaient aussi.

La chose débuta subrepticement, insidieusement, en catimini presque ! Dans les années 2010 le gouvernement d'alors avança ses pions, mit en chantier un travail souterrain de sape des fondations du colosse. Il trouva alors bon nombre de collaborateurs naïfs et corruptibles pour semer les ferments de ce virus mortel qui tua la pauvre bête déjà affaiblie par la perte de ses repères historiques.

En ces années-là, l'informatique dominait déjà ce monde de la communication à distance. Pourtant, nos écoles étaient assez mal équipées, le parc était défaillant, mal entretenu et surtout particulièrement inapproprié. Il faut dire que les gouvernements successifs n'avaient vu dans la chose numérique qu'une belle et juteuse occasion de détournement de fonds. Des achats obligatoires, des procédures verrouillées et des choix particulièrement discutables avaient transformé l'équipement informatique en vache à lait politique.

Puis une idée de génie naquit dans un esprit retors. L'informatique et internet allaient permettre de mettre à mort ce pachyderme ancestral. Les premières plates-formes internet naissaient de ci de là à l'initiative de professeurs apprentis sorciers. La hiérarchie poussait alors ces initiatives tandis que toutes les autres étaient mises sous le boisseau. Les tenants de la modernité se félicitaient de la pertinence des choix financiers, ils ne voyaient pas plus loin que le bout de leur clavier.

Les élèves, oh merveille des merveilles, pouvaient communiquer directement avec leurs professeurs par mail pour rattraper un cours, demander un conseil, solliciter une validation. Ce lien direct de l'enseignant à l'enseigné était rétabli en dépit de l'état de guerre larvé qui régnait dans ces lieux de non droit.

Dans le même temps (concomitamment disaient alors les derniers lettrés de cette corporation sur le déclin), d'autres participaient aux premiers espaces de travail. Cours à distance, suivi par mail, relation exclusivement numérique, la machine infernale était en route. Les professeurs d'alors bénéficiaient de seize semaines de congés, il fallait financer de longs voyages, des vacances onéreuses pour découvrir le monde alors que le pouvoir d'achat en dépit des manipulations statistiques) continuait de chuter dans la fonction publique comme partout ailleurs.

Des professeurs désargentés se précipitèrent sur cette manne financière, contribuèrent à alimenter ces officines mercantiles qui monnayaient convenablement des cours et des interventions. Petit à petit, les marchands se constituèrent une immense bibliothèque virtuelle de travaux, de schémas, de leçons et d'exercices. Ils coupèrent vite les ponts avec leurs rédacteurs du savoir.

L'État put alors mettre en place le deuxième acte du plan. L'enseignement se déroulerait dorénavant à distance. Finis les transports scolaires, les vidéos surveillance, la restauration scolaire et la maintenance de ces établissements fermés trop de jours dans l'année. Pendant quelques temps encore, les enseignants travaillèrent derrière les écrans pour répondre aux interrogations de leurs anciens élèves. Puis, on confia cette tâche à des plateformes informatiques dans des pays tiers d'un quart-monde plus économique.

Des zones résistèrent quelques temps. La police mit un terme aux agissements dangereux des enseignants du réseau SLECC et leur conseiller pédagogique fut incarcéré sans ménagement pour activités subversives et immorales. Cette fois, s'en est fini, il n'y a plus d'école en France …

Prophétiquement vôtre 


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