Pris
dans la toile …
Depuis le temps qu'ils en
rêvaient, ils ont fini par en venir à bout. Adieu ma communale et
ses parfums d'antan, adieu le collège et son ultime mélange social,
adieu les lycées, leurs troublions éblouissants.
L'éducation nationale est
morte ce matin, le dernier établissement a été fermé. Le mammouth
a rejoint ses congénères, jadis disparus, dans l'armoire aux
souvenirs d'un temps où les gens se parlaient, se mélangeaient, se
touchaient aussi.
La chose débuta
subrepticement, insidieusement, en catimini presque ! Dans les années
2010 le gouvernement d'alors avança ses pions, mit en chantier un
travail souterrain de sape des fondations du colosse. Il trouva alors
bon nombre de collaborateurs naïfs et corruptibles pour semer les
ferments de ce virus mortel qui tua la pauvre bête déjà affaiblie
par la perte de ses repères historiques.
En ces années-là,
l'informatique dominait déjà ce monde de la communication à
distance. Pourtant, nos écoles étaient assez mal équipées, le
parc était défaillant, mal entretenu et surtout particulièrement
inapproprié. Il faut dire que les gouvernements successifs n'avaient
vu dans la chose numérique qu'une belle et juteuse occasion de
détournement de fonds. Des achats obligatoires, des procédures
verrouillées et des choix particulièrement discutables avaient
transformé l'équipement informatique en vache à lait politique.
Puis une idée de génie
naquit dans un esprit retors. L'informatique et internet allaient
permettre de mettre à mort ce pachyderme ancestral. Les premières
plates-formes internet naissaient de ci de là à l'initiative de
professeurs apprentis sorciers. La hiérarchie poussait alors ces
initiatives tandis que toutes les autres étaient mises sous le
boisseau. Les tenants de la modernité se félicitaient de la
pertinence des choix financiers, ils ne voyaient pas plus loin que le
bout de leur clavier.
Les élèves, oh merveille
des merveilles, pouvaient communiquer directement avec leurs
professeurs par mail pour rattraper un cours, demander un conseil,
solliciter une validation. Ce lien direct de l'enseignant à
l'enseigné était rétabli en dépit de l'état de guerre larvé qui
régnait dans ces lieux de non droit.
Dans le même temps
(concomitamment disaient alors les derniers lettrés de cette
corporation sur le déclin), d'autres participaient aux premiers
espaces de travail. Cours à distance, suivi par mail, relation
exclusivement numérique, la machine infernale était en route. Les
professeurs d'alors bénéficiaient de seize semaines de congés, il
fallait financer de longs voyages, des vacances onéreuses pour
découvrir le monde alors que le pouvoir d'achat en dépit des
manipulations statistiques) continuait de chuter dans la fonction
publique comme partout ailleurs.
Des professeurs désargentés
se précipitèrent sur cette manne financière, contribuèrent à
alimenter ces officines mercantiles qui monnayaient convenablement
des cours et des interventions. Petit à petit, les marchands se
constituèrent une immense bibliothèque virtuelle de travaux, de
schémas, de leçons et d'exercices. Ils coupèrent vite les ponts
avec leurs rédacteurs du savoir.
L'État put alors mettre en
place le deuxième acte du plan. L'enseignement se déroulerait
dorénavant à distance. Finis les transports scolaires, les vidéos
surveillance, la restauration scolaire et la maintenance de ces
établissements fermés trop de jours dans l'année. Pendant quelques
temps encore, les enseignants travaillèrent derrière les écrans
pour répondre aux interrogations de leurs anciens élèves. Puis, on
confia cette tâche à des plateformes informatiques dans des pays
tiers d'un quart-monde plus économique.
Des zones résistèrent
quelques temps. La police mit un terme aux agissements dangereux des
enseignants du réseau SLECC et leur conseiller pédagogique fut
incarcéré sans ménagement pour activités subversives et
immorales. Cette fois, s'en est fini, il n'y a plus d'école en
France …
Prophétiquement vôtre
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire