Les
chants de ma Mémoire.
La chanson Française a
accompagné mon chemin, elle a jalonné mon chemin de milliers de
refrains qui sont autant de bornes, d'indicateurs du bonheur ou de
marqueurs des heurts de l'existence. Il en est même qui se sont
installées avec tous les couplets, elles peuplent mon imaginaire, ma
nostalgie, ma vison du Monde.
Quand j'ai une histoire de
vie à raconter, des chansons s'imposent comme autant d'évidences.
Elles font danser les yeux, les conduisent immanquablement vers ces
temps de jeunesse où elles furent écoutées pour la première fois.
Des phares immenses seront à jamais mes guides sublimes, Brassens,
Brel, Vian, Aznavour, Trenet, Ferré, Perret, Lapointe, Dassin… et
combien d'autres encore, parfois pour une seule chanson, merveille
fugace qui sera toujours mienne.
Ils sont auteurs surtout
car ils m'ont élevé dans le culte des mots. Combien de fois,
admiratif, jaloux, j'ai prononcé cette phrase stupide mais oh
combien sincère «: « On peut mourir quand on a écrit un
joyau pareil ! ». Car la chanson est une extraordinaire
alchimie magnifique et magique. Elle est la fusion de paroles
simples, d'une petite histoire qui est un film, un roman, un conte et
d'une mélodie qui la sublime pour lui donner son habit d'éternité.
C'est simple et si
complexe, c'est si efficace que rien ne parvient à vous investir
aussi durablement la mémoire. Je me souviens d'une femme âgée,
touchée par cette abominable maladie qui vous prive de votre propre
passé, de la mémoire de votre vie et qui retrouva la joie de vivre
l'espace d'une soirée autour des chansons de son autrefois retrouvé.
Seule, il me semble la
chanson réunit longtemps après, ceux qui l'ont partagée alors. La
fortune, la culture, la santé ne sont plus ces frontières
infranchissables : quelques paroles simples sont cures de jouvence et
réconciliation sublime.
J'ai toujours constaté
qu'elle a aussi ce mérite immense de ne point connaître
l'illettrisme. Jamais je n'ai vu un enfant ne pas savoir lire les
paroles d'un air qui accompagne sa lecture. J'ai souvent usé de ce
support pour travailler en classe, pour ouvrir les esprits, aborder
des thèmes délicats, emmener les élèves loin de leurs difficultés
supposées.
J'ai alors espéré que les
karaokés allaient redonner la joie qui manque à ce pays. Je suis si
attristé d'entendre dans nos tribunes cette Marseillaise guerrière
qui monte des travées pour exprimer la joie d'un peuple vainqueur.
Ailleurs, les nations ont des chants traditionnels que tous
connaissent encore et entonnent en chœur. Nous n'avons point de
répertoire commun et ça ne semble affliger nul ministre de
l'éducation nationale.
Hélas, ces Karaokés
furent l'occasion de briller en société, d'établir un jeu de dupe,
une micro société de spécialistes qui se gaussaient des petits
dérapages des maladroits. Notre Monde ne supporte pas la maladresse,
il faut être parfait pour avoir le droit de chanter en public et si
possible, jeune, jolie, mince et bien habillée. L'animateur à ses
manettes ridiculisent encore plus le pauvre candidat qui n'a pas la
voix ni la tête de l'emploi.
Alors, en France on ne
chante plus en public ou seulement cet hymne si réducteur. Même au
Rugby, je déplore le recul de cette belle tradition ovale. Pourtant
lorsque quelqu'un organise une soirée avec textes pour soutenir les
hésitations et guitare pour donner le « la » ou toute
autre note utile à la fête, le miracle se reproduit et les yeux
brillent d'une flamme jubilatoire.
Tout a commencé, pour moi,
avec Henry Salvador et Ce lion qui se mourait sur les ondes
'crachotantes' d'une TSF d'alors. Je me revois, emporté par les
paroles, rêvant d'un ailleurs que je ne connaissais pas. Nous
n'avions ni télévision ni voiture et pourtant qu'est ce que je suis
allé loin avec cette chanson si simple.
Beaucoup plus tard, elle
fut reprise et je ne puis vous décrire l'émotion et le bonheur de
la retrouver aussi vivace, de me retrouver au plus profond de mon
enfance avec ce petit air de bien.
Enchantement mien
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